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Dans le domaine de la génétique médicale, ces 20 dernières années ont conduit à une progression fulgurante dans la connaissance des mécanismes physiopathologiques des maladies monogéniques. Malheureusement, malgré des progrès énormes dans l’identification des gènes et des études fonctionnelles permettant de mieux comprendre les mécanismes physiopathologiques impliqués, peu de ressources thérapeutiques sont disponibles à ce jour pour le traitement des maladies génétiques.
Comme pour tout type de maladie, la prise en charge thérapeutique des maladies génétiques peux comporter un versant symptomatique, visant à corriger les conséquences phénotypiques résultant du défaut génétique (comme par exemple les mesures de rééducation fonctionnelle dans les myopathies d’origine génétique, ou encore les mesures d’éducation spécialisée pour les déficiences intellectuelles d’origine génétique).
Mais, comme pour toute maladie, l’objectif définitif est une prise en charge étiologique, permettant d’agir directement sur la cause afin d'obtenir un effet curatif. En raison de la particularité des maladies génétiques d’être causées par une anomalie de l’ADN induisant un défaut de fonctionnement cellulaire, plusieurs approches thérapeutiques « innovantes » ont été imaginées depuis déjà plus d’une trentaine d’année : la thérapie génique visant à corriger directement le défaut génétique causal ; et la thérapie cellulaire visant à remplacer des cellules défectueuses d’un tissu.
Le concept très novateur consistant à s’attaquer aux origines génétiques et cellulaires des maladies, regroupé parfois sous le terme de biothérapies, est particulièrement séduisant dans sa linéarité théorique qui permettrait de corriger de manière ciblée l’anomalie génétique et/ou cellulaire. Néanmoins, au cours des 20 dernières années, ce concept s’est heurté à la complexité des systèmes biologiques, et les progrès tant attendus ont été moins rapides qu’espérés. Cependant, depuis quelques années, les preuves de principe expérimentales se succèdent de même que les succès thérapeutiques cliniques.
Un premier point important à retenir est que ces biothérapies feront sans aucun doute partie de l’arsenal thérapeutique contre les maladies génétiques dans les années à venir, à condition de cibler les indications et de ne jamais oublier la nécessaire évaluation du rapport risque/bénéfice pour le patient. Il faut souligner aussi que la mise en Ĺ“uvre d’essais cliniques de thérapie cellulaire ou de thérapie génique est lourde en raison de contraintes réglementaires particulières.
Un deuxième point essentiel à retenir est que les approches thérapeutiques pharmacologiques sont, comme pour toute autre maladie, une piste à poursuivre pour les maladies génétiques. Effectivement, l’approche pharmacologique pour le traitement des maladies génétiques a sans doute, à tort, été délaissée. Une des raisons essentielles de ce délaissement en est certainement l'engouement important pour les biothérapies, leur élégance théorique et les espoirs qu'elles suscitent. Une autre raison est liée aux connaissances insuffisantes des mécanismes physiopathologiques qui, à partir d’un défaut génétique dans un gène donné conduisent au défaut cellulaire, ne permettant donc pas l’identification d’une cible pharmacologique précise. La meilleure connaissance des mécanismes physiopathologiques et les possibilités de criblage pharmacologique à haut débit sur des modèles cellulaires ou vivants, conduisent aujourd’hui à un net regain d’intérêt pour ces approches pharmacologiques « classiques », et les succès thérapeutiques se multiplient.
L’objectif de ce chapitre sera de donner une vue d’ensemble conceptuelle des différentes approches thérapeutiques envisagées pour les maladies génétiques.
Classiquement, la clé pour une approche pharmacologique éventuelle est la connaissance du mécanisme physiopathologique de la maladie concernée. Les progrès très importants dans l’identification des gènes et des mécanismes physiopathologiques de nombreuses maladies monogéniques conduisent depuis quelques années à la caractérisation de cibles pharmacologiques potentielles (de ce point de vue, le terme « innovant » n’est donc pas à réserver aux « biothérapies » !). Des molécules actives sur ces cibles pharmacologiques peuvent alors être testées, sur des modèles cellulaires ou animaux de la pathologie. Ceci peut faire appel éventuellement à l’utilisation de plateformes de criblage pharmacologique, dans lesquelles des milliers de composés chimiques, connus ou nouveaux, peuvent être évalués. Le criblage pharmacologique à haut débit permet d’ailleurs même de chercher des composés actifs pour des maladies au mécanisme physiopathologique encore méconnu, mais à condition de disposer d’un test fonctionnel cellulaire pour mesurer l’efficacité potentielle des différentes molécules.
De nombreux chercheurs misent sur cette approche pharmacologique « classique », et actuellement mieux maîtrisée que les biothérapies.
Certaines approches pharmacologiques dans les maladies génétiques ciblent aujourd’hui directement l’anomalie génétique causale (et non « seulement » les conséquences cellulaires induites). Par exemple, l’approche thérapeutique par « saut-d’exon » (détaillée dans la section « thérapie génique ») est basée sur l’utilisation d’oligonucléotides qui peuvent être administrés sous différentes formes pharmacologiques, mais auront un effet direct au niveau génétique.
Une autre stratégie en cours d’évaluation est l’approche de « translecture de codons stop » (ou « stop-codon readthrough »). Cette approche vise à corriger les mutations de type non-sens, qui représentent 10 à 20% des mutations au niveau des gènes. Normalement, la lecture complète d’un ARNmessager, au cours du phénomène de traduction, permet la synthèse d’une protéine complète fonctionnelle. En cas de mutation non-sens, la traduction est interrompue prématurément, ce qui peut conduire à la synthèse d’une protéine tronquée, anormale. Par le phénomène de « translecture », induit par certaines molécules (par exemple la gentamycine, ou le PTC124-Ataluren®), un codon stop formé par une mutation non-sens peut être « corrigé » : un acide-aminé pris au-hasard sera incorporé à cet endroit au niveau de la protéine en cours de formation. Ceci permet alors la poursuite de la traduction et d’obtenir une protéine complète de longueur normale, qui peut être fonctionnelle à condition que l’incorporation de l’acide-aminé « au-hasard » soit tolérée (il ne s’agit pas forcément du bon acide-aminé au bon endroit de la protéine !).