3  -  Découverte de l’adénome hypophysaire devant un tableau d’insuffisance antéhypophysaire

La présence d’un adénome hypophysaire peut être à l’origine d’une insuffisance antéhypophysaire. Le diagnostic est rendu difficile par le fait que son début est souvent insidieux.

3 . 1  -  Aspect clinique caractéristique du panhypopituitarismechez l’adulte

Le faciès est pâle, un peu « vieillot ». La dépigmentation des aréoles mammaires et des organes génitaux externes est constante. La peau est mince, froide, sèche. Les rides, au niveau du front et de la partie externe des orbites, sont fines. Il existe une dépilation complète au niveau des aisselles et du pubis (signe intéressant chez les sujets < 60 ans), consécutive à l’absence d’androgènes surrénaliens et gonadiques.

3 . 2  -  Signes liés aux déficits des fonctions hypophysaires

3 . 2 . 1  -  Signes liés à l’insuffisance gonadotrope

a. Chez l’homme

À l’interrogatoire, on note une disparition de la libido, responsable d’une impuissance. À l’examen, la pilosité du visage est raréfiée, les testicules sont petits et mous à la palpation. Le patient est généralement infertile.

b. Chez la femme

L’aménorrhée, précédée parfois d’irrégularités menstruelles classiquement sans bouffées de chaleur, est un signe extrêmement fréquent. La patiente est généralement infertile. La carence en estradiol est à l’origine d’une atrophie des muqueuses vaginales et vulvaires, responsable d’une dyspareunie.

c. Dans les deux sexes

L’hypogonadisme prolongé provoquera une déminéralisation osseuse et une ostéoporose.

d. Autres signes

Lorsque le déficit est apparu avant la puberté, au tableau clinique précédent s’associe la présence d’un impubérisme (absence de puberté), ou d’un retard pubertaire, voire d’un retard de croissance si le déficit est associé à un déficit en GH.

3 . 2 . 2  -  Signes liés au déficit corticotrope (voir aussi item 255 « Insuffisance surrénale »)

Ce déficit est responsable d’une asthénie importante et d’une tendance à l’hypotension. Un amaigrissement est souvent noté, associé à une anorexie. Le déficit en cortisol est responsable d’un déficit de la néoglucogenèse hépatique, et donc d’un risque d’hypoglycémie.

Inversement, la couche glomérulée de la surrénale, qui est sous le contrôle de l’axe rénine-angiotensine, est peu affectée par le déficit en ACTH ; il n’y a, par conséquent, pas de déficit sévère en aldostérone. Il n’y a donc pas de perte de sel ni de tendance à l’hyperkaliémie et à l’acidose lors des déficits corticotropes, contrairement aux insuffisances surrénaliennes primitives (voir cet item).

De même, l’hyponatrémie observée dans les insuffisances hypophysaires est une hyponatrémie de dilution, non associée à un déficit volémique et donc sans insuffisance rénale fonctionnelle, contrairement à ce qui est observé dans la maladie d’Addison. Le déficit corticotrope est parfois très bien toléré et celui-ci n’est alors découvert que lors de l’évaluation hormonale d’un patient porteur d’une lésion hypothalamo-hypophysaire. Cependant, le déficit corticotrope peut mettre la vie en danger par un collapsus cardiovasculaire vasoplégique dans la mesure où le patient perd sa réponse vasopressive au stress, les facteurs de décompensation sont en particulier infectieux, traumatique ou chirurgical, qu’il développe des hypoglycémies et qu’une hyponatrémie peut apparaître.

3 . 2 . 3  -  Signes liés au déficit thyréotrope

Ce déficit entraîne une carence en hormones thyroïdiennes d’intensité variable, mais très souvent moins sévère que celle observée au cours des hypothyroïdies périphériques. Les signes d’hypothyroïdie sont par conséquent d’intensité modérée.

3 . 2 . 4  -  Signes liés au déficit somatotrope

a. Chez l’adulte

L’absence de sécrétion de GH n’a pas de conséquence clinique évidente, sauf une diminution de la masse et de la force musculaires, une tendance à l’adiposité abdominale, une fatigue et une diminution de la qualité de vie. Des travaux récents suggèrent aussi que le déficit en GH pourrait être associé à une surmortalité cardiovasculaire. Lorsque le déficit en GH est associé à un déficit corticotrope, les risques d’hypoglycémie sont majorés.

b. Chez l’enfant (+++)

Le déficit en GH est responsable d’un retard de croissance (voir item « Retard staturopondéral »). Les accidents hypoglycémiques chez l’enfant, conséquence des déficits somatotrope et corticotrope sont très fréquents et souvent révélateurs.

3 . 3  -  Bilan hypophysaire fonctionnel

Ce bilan permet de confirmer le diagnostic clinique d’insuffisance antéhypophysaire.

3 . 3 . 1  -  Déficit corticotrope

Les tests de référence pour la mise en évidence d’un déficit corticotrope sont l’hypoglycémie insulinique et le test à la métopirone.

a. Test à la métopirone

En cas de déficit corticotrope, le test à la métopirone est anormal (absence d’élévation du composé S au-dessus de 10 mg/dL).

b. Hypoglycémie insulinique

En cas d’insuffisance corticotrope, le cortisol ne s’élève pas au-delà de 20 mg/dL (550 nmol/L), à condition que la glycémie au cours de l’hypoglycémie insulinique se soit abaissée à moins de 2,2 mmol/L (0,40 g/L), mais une hypoglycémie est parfois difficile à obtenir chez l’obèse. Elle est contre-indiquée en cas d’insuffisance coronarienne et de comitialité.

c. Autres tests

Compte tenu des inconvénients du test à la métopirone et de l’hypoglycémie insulinique, d’autres tests plus simples sont parfois utilisés.

Simple dosage de la cortisolémie

Une cortisolémie à 8 h > 20 mg/dL (550 nmol/L) élimine le diagnostic d’insuffisance surrénale. Une cortisolémie < 3 mg/dL (83 nmol/L) affirme de façon certaine l’insuffisance surrénalienne.

Entre ces deux valeurs, la sensibilité et la spécificité de ce dosage sont médiocres, ce qui explique qu’un test dynamique soit indispensable dans la majorité des cas.

Test au Synacthène immédiat 250 mg

Ce test est considéré comme ayant une réponse normale (affirmant l’intégrité corticotrope) si la cortisolémie est > 20 mg/dL (550 nmol/L). En fait, la validité de ce test est remise en question en particulier dans la période postopératoire immédiate, ou chez les patients porteurs d’insuffisance corticotrope partielle, car il peut être faussement normal. Certains exigent une réponse > 25 mg/dL pour écarter un déficit.

Test à la CRH

Le test à la CRH (100 mg IV) avec des prélèvements pour dosages du cortisol est un test simple, réalisable en dehors de toute hospitalisation. Une valeur de cortisolémie > 20 mg/dL (550 nmol/L) indique une fonction cortisolique normale.

3 . 3 . 2  -  Déficit thyréotrope

Le déficit en TSH ne peut pas être mis en évidence par un dosage de TSH (concentrations de TSH le plus souvent normales chez les patients présentant une authentique hypothyroïdie secondaire ou un déficit thyréotrope).

Le seul dosage permettant réellement de faire le diagnostic d’hypothyroïdie d’origine hypothalamo-hypophysaire est donc la mise en évidence d’une diminution de la concentration plasmatique de T4 libre, sans élévation de celle de TSH. La mesure de la T3 libre est moins utile car elle est fréquemment normale.

3 . 3 . 3  -  Déficit gonadotrope

a. Chez la femme

Avant la ménopause

Le diagnostic d’une insuffisance gonadotrope est essentiellement clinique : il est établi sur l’existence d’une aménorrhée ou d’une oligoménorrhée, associées à des signes de déprivation œstrogénique (baisse de la libido, sécheresse vaginale, dyspareunie, etc.). Typiquement, l’estradiol plasmatique est bas, alors que les gonadotrophines, en particulier la FSH, ne sont pas élevées (parfois basses ou dans les valeurs « normales »). Les tests dynamiques (test à la LHRH) ont peu d’intérêt : la réponse peut être faible, normale ou exagérée, en fonction de la profondeur du déficit.

Après la ménopause

Le diagnostic est établi sur le dosage basal des gonadotrophines : elles sont basses ou dans les valeurs correspondant aux femmes jeunes, alors qu’on les attend élevées chez la femme ménopausée.

b. Chez l’homme

Le diagnostic d’hypogonadisme hypogonadotrophique est établi sur la présence de troubles sexuels (baisse de la libido) associés à une concentration basse de testostérone, sans élévation des gonadotrophines (en particulier de FSH) qui sont basses ou dans les valeurs « normales ». Le test à la LHRH n’offre aucun intérêt diagnostique.

Il faut aussi savoir que l’hyperprolactinémie peut, en soi, être responsable d’un déficit gonadotrope fonctionnel par effet direct de l’hyperprolactinémie sur les neurones à GnRH. Dans ce cas, la correction de l’hyperprolactinémie permet de restaurer une fonction gonadotrope et donc gonadique normale.

3 . 3 . 4  -  Déficit somatrope

a. Déficit en hormone de croissance chez l’enfant (+++)

Le diagnostic est établi devant un retard de croissance et une absence de réponse adéquate à la stimulation de la GH par différents tests, en particulier celui de l’hypoglycémie insulinique.

b. Chez l’adulte

Le déficit en GH est le plus fréquent de tous les déficits hypophysaires puisqu’il est présent dès qu’une, au moins, des autres hormones antéhypophysaires est déficiente. Faire le diagnostic de déficit en hormone de croissance n’a réellement d’intérêt que dans l’hypothèse de la mise en route d’un traitement par GH chez l’adulte. Si un traitement par GH est envisagé, il faut pouvoir disposer des résultats d’au moins deux tests de stimulation de la GH. Les tests généralement recommandés chez l’adulte sont l’hypoglycémie insulinique ou le test associant la GHRH (growth hormone releasing hormone) (1 mg/kg intraveineux) avec l’arginine (0,5 g/kg intraveineux), ou encore le test à la ClonidineÒ. Si la réponse de la GH est < 3 mg/L après hypoglycémie insulinique, le déficit en GH peut parfois justifier un traitement par GH.

3 . 3 . 5  -  Fonction lactotrope

Le plus souvent, quels que soient les autres déficits hormonaux hypophysaires, la concentration de PRL est soit normale, soit élevée, par diminution du tonus hypothalamique dopaminergique inhibiteur (par exemple, en présence d’une tumeur provoquant une déconnexion hypothalamo-hypophysaire ou d’une atteinte hypothalamique avec diminution des stocks de dopamine).

3 . 4  -  Imagerie

La mise en évidence d’un déficit hypophysaire isolé au multiple impose la réalisation d’une IRM de la lésion hypothalamohypophysaire.

6/6