La conférence de consensus sur l’herpès cutané et muqueux date de novembre 2001.

Épidémiologie

L’Herpes simplex virus (HSV) est un virus à ADN dont on connaît deux types, HSV1 et HSV2, ayant un grand degré d’homologie mais différenciés par des critères structuraux et épidémiologiques.

Classiquement, HSV1 infecte plutôt la partie supérieure du corps et HSV2 plutôt la région génitale, responsable d’une infection sexuellement transmise (IST) et de l’herpès du nouveau-né contaminé au passage de la filière génitale.

Cette distinction n’est pas absolue car on peut isoler HSV1 de lésions génitales (20 % des récurrences et près de 50 % dans les primo-infections).

La prévalence des infections à HSV2 est en constante augmentation depuis une quinzaine d’années, pouvant atteindre 15 à 30 % de la population générale, 50 % chez les hétérosexuels ayant une IST, 70 % chez les homosexuels.

L’herpès génital est actuellement la première cause d’érosion/ulcération génitale dans les pays développés. La contamination survient surtout dans les deux premières décennies de la vie sexuelle.

Les facteurs de risque d’infection à HSV2 sont  :
  • le sexe féminin ;
  • la précocité du premier rapport sexuel ;
  • le nombre de partenaires sexuels ;
  • les antécédents d’IST ;
  • l’infection à VIH (une sérologie VIH doit être systématiquement proposée à un patient consultant pour herpès génital) ;
  • un niveau socio-économique bas.

L’impact de l’herpès génital est majeur sur la vie affective, sexuelle et sociale des sujets atteints. L’épidémiologie de l’herpès néonatal est abordée plus loin.

Physiopathologie

L’HSV se transmet par contact direct muqueux ou cutanéo-muqueux avec un sujet excrétant du virus. Elle est favorisée par des altérations du revêtement épithélial.

Primo-infection


La primo-infection herpétique est le premier contact infectant muqueux ou cutané, symptomatique ou asymptomatique, avec les virus HSV1 ou HSV2.Le virus pénètre par une brèche cutanéo-muqueuse et se multiplie dans les cellules épithéliales. Puis il disparaît et va, après cheminement dans le nerf sensitif, se localiser dans le ganglion nerveux correspondant où il reste quiescent en apparence (latence virale), car la transcription du génome viral n’aboutit pas à l’expression des protéines virales. Dans la primo-infection, la durée de l’excrétion virale est en moyenne de 8 jours mais peut atteindre 20 jours.

Dans son repère ganglionnaire, le virus herpétique est très peu accessible au système immunitaire et aux thérapeutiques.

La primo-infection génitale :
  • est le plus fréquemment asymptomatique ou méconnue ;
  • survient en moyenne une semaine après le contact infectant ;
  • est plus symptomatique chez la femme.

Réactivation


Les réactivations sont des périodes de réplication virale, séparées par des périodes de latence.

Elles surviennent sous deux formes :
  • la récurrence qui est l’expression clinique d’une réactivation virale chez un patient préalablement infecté par le même type viral ;
  • l’excrétion virale asymptomatique qui se définit comme la détection d’HSV1 ou HSV2 en l’absence de signes fonctionnels ou de lésions visibles par le patient ou le médecin. L’excrétion virale asymptomatique est intermittente mais constitue également un mode de transmission démontré de l’herpès génital (notamment chez des femmes ayant plus de 12 récurrences par an) et de l’herpès néonatal.

À tout moment, sous des influences diverses, l’état de latence peut être rompu et le virus vient par voie axonale centrifuge recoloniser le territoire cutanéo-muqueux où avait eu lieu la primo-infection.

Il y provoque des lésions plus limitées (récurrences), mais volontiers récidivantes. La durée de l’excrétion virale est de 2 à 4 jours en cas de récurrence. La fréquence des récurrences est plus élevée en cas d’herpès génital à HSV2 qu’à HSV1.

La fréquence des récurrences dépend de la qualité des défenses immunitaires, cellulaires surtout. Les ultraviolets en inhibant les fonctions immunitaires cutanées favorisent les récurrences herpétiques lors des expositions solaires.

Infection initiale non primaire


Une infection initiale non primaire est le premier contact infectant symptomatique ou asymptomatique avec le virus HSV1 ou HSV2, chez un sujet préalablement infecté par l’autre type viral.

La présence d’une infection préalable par l’un des deux types d’HSV n’empêche pas une infection par l’autre type. Les symptômes cliniques sont alors généralement moins sévères. HSV1 semble mieux adapté à l’infection et aux réactivations dans le territoire orofacial et HSV2 à l’infection et aux réactivations génitales.

Transmission mère-enfant

L’herpès néonatal est grave avec un risque de mortalité et de séquelles neurosensorielles élevé chez le nouveau-né à terme. La fréquence des infections néonatales est d’environ 3/100 000 grossesses en France (20 cas par an). L’infection néonatale est due à HSV2 dans environ 2/3 des cas.

La prématurité augmente le risque de contamination fœtale et néonatale.

Le nouveau-né peut se contaminer de trois façons :
  • in utero  ;
  • à l’accouchement ;
  • pendant la période postnatale, par la mère ou par un autre membre de l’entourage.

1  -  Diagnostic et évolution

1 . 1  -  Primo-infection herpétique

1 . 1 . 1  -  Formes inapparentes

Les formes inapparentes sont les plus fréquentes. Ainsi, la plupart des adultes sont porteurs d’anticorps sans avoir aucun souvenir de l’herpès initial.

1 . 1 . 2  -  Primo-infection buccale (gingivo-stomatite herpétique aiguë) (HSV1)

Elle survient le plus souvent chez le petit enfant à partir de 6 mois, quand les anticorps maternels ont disparu.

Après une incubation de 3 à 6 jours, précédée d’algies, de dysphagie, d’hypersialorrhée, elle apparaît dans un contexte de malaise général avec une fièvre dépassant souvent 39°C.

Sur les gencives tuméfiées et saignantes et sur la muqueuse buccale se développent des érosions grisâtres, serties d’un liséré rouge, coalescentes en érosions polycycliques, couvertes d’un enduit blanchâtre (Figure 1).

Figure 1 : Gingivo-stomatite herpétique aiguë

Quelques vésicules groupées en bouquet ou croûteuses sont visibles sur les lèvres ou le menton. L’haleine est fétide, l’alimentation impossible.

Il existe des adénopathies cervicales sensibles.

Malgré ces caractères impressionnants, l’évolution est favorable en 10 à 15 jours.

Le diagnostic est parfois difficile avec :

  • un syndrome de Stevens-Johnson ;
  • une aphtose ;
  • une stomatite candidosique ou à virus Coxsackie.

1 . 1 . 3  -  Primo-infection herpétique génitale (HSV2 >> HSV1)

Chez la femme jeune c’est une vulvovaginite aiguë, extrêmement douloureuse et brutale, accompagnée de fièvre, d’un malaise général.

L’efflorescence des vésicules sur la muqueuse vulvaire tuméfiée est éphémère et l’on constate surtout des érosions arrondies à contours polycycliques, parfois aphtoïdes, s’étendant aussi vers l’anus (Figure 2). Des lésions herpétiques coexistent souvent sur les parois vaginales et le col, mais les douleurs rendent l’examen gynécologique quasi impossible. Elles débordent fréquemment sur le versant cutané, vers la racine des cuisses, le pubis et les fesses.

Figure 2 : Primo-infection herpétique génitale

Les adénopathies inguinales sensibles sont constantes, la rétention d’urine fréquente, l’exacerbation des douleurs par la miction très pénible.

La cicatrisation spontanée demande 2 à 3 semaines.Chez l’homme, la primo-infection herpétique est moins intense et souvent confondue avec un herpès récurrent.

Une atteinte anale isolée ou une anorectite érosive aiguë sont possibles dans les deux sexes : elles sont fréquentes chez l’homosexuel masculin, souvent d’aspect atypique.

1 . 1 . 4  -  Autres formes symptomatiques

On distingue les formes :

  • cutanée  :
    • discrète, elle évoque une récurrence,
    • étendue et de topographie parfois radiculaire, elle fait discuter le zona,
    • à l’âge adulte, c’est parfois une contamination professionnelle (médecin, infirmière, dentiste),
    • au doigt, l’herpès est souvent confondu avec un panaris bactérien ;
  • oculaire  : kératoconjonctivite unilatérale aiguë, avec quelques vésicules sur les paupières œdématiées et une adénopathie prétragienne. La kératite est souvent superficielle et guérit rapidement s’il n’y a pas eu de corticothérapie locale intempestive ;
  • ORL  :
    • angine herpétique,
    • ou rhinite aiguë associant une obstruction nasale, des vésicules périnarinaires et des adénopathies cervicales.

1 . 1 . 5  -  Formes graves

Elles sont liées au terrain.

1 . 2  -  Chez l’immunodéprimé

Presque toujours dues à HSV1, les lésions cutanéo-muqueuses sont étendues, nécrotiques, persistantes. Elles peuvent se généraliser et se compliquer d’atteintes viscérales.

1 . 3  -  Chez l’atopique

La gingivo-stomatite est particulièrement intense.

Un syndrome de Kaposi-Juliusberg peut se développer par greffe du virus herpétique sur un eczéma profus. Des vésicules hémorragiques et des pustules classiquement ombiliquées s’étendent rapidement du visage à l’ensemble du corps, dans un contexte d’altération de l’état général. L’évolution est favorable sous traitement antiviral parentéral. Le syndrome de Kaposi-Juliusberg peut être dû parfois à des récurrences.

1 . 4  -  Chez la femme enceinte

La primo-infection comporte un risque accru d’hépatite fulminante ou d’encéphalite.

1 . 5  -  Chez le nouveau-né

L’herpès est rare mais grave. En cas de transmission du virus in utero, on observe avortement, retard de croissance intra-utérin, atteintes oculaires, neurologiques, cardiaques.

L’herpès néonatal se présente sous trois formes :

  • cutanéo-muqueuse (pas de mortalité) ;
  • neurologique (mortalité dans 15 % des cas, séquelles fréquentes) ;
  • systémique (mortalité dans 40-70 % des cas).
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