2  -  Diagnostic étiologique

Argumentation des principales hypothèses diagnostiques et justification des examens complémentaires pertinents.

2 . 1  -  Situations d'urgence

2 . 1 . 1  -  Purpura fulminans

Le germe en cause est en général le méningocoque (type B +) (Figure 2).

Au syndrome septicémique peut s'associer un état de choc ou des troubles de la conscience. Le purpura, ecchymotique et nécrotique, plus ou moins extensif, en particulier aux membres inférieurs, peut s'associer à des pustules. Toutefois, dans certains cas, notamment chez l'enfant, le purpura aigu est limité à des pétéchies d'apparition rapide et à un syndrome infectieux trompeur (peu de fièvre, parfois hypothermie).

Le syndrome méningé peut même passer inaperçu.

Important

En dehors du milieu hospitalier
, tout malade présentant des signes infectieux et, à l'examen clinique fait sur un malade entièrement déshabillé, un purpura comportant au moins un élément nécrotique ou ecchymotique de diamètre 3 mm, doit immédiatement (avant même la ponction lombaire) recevoir une première dose d'un traitement antibiotique approprié aux infections à méningocoques (ceftriaxone : 50 à 100 mg/kg chez l'enfant ou 1 à 2 g chez l'adulte ou, à défaut, amoxicilline : 25 à 50 mg/kg chez l'enfant ou 1 à 2 g chez l'adulte).

Cette antibiothérapie sera administrée si possible par voie IV, sinon par voie IM et cela, quel que soit l'état hémodynamique du patient.

Le malade doit être transféré d'urgence à l'hôpital. L'intervention d'une équipe médicalisée expérimentée (service médical d'urgence et de réanimation [SMUR]) est justifiée sous réserve que son délai d'intervention soit inférieur à 20 min. Dans tous les cas, les urgences de l'hôpital doivent être alertées de l'arrivée d'un cas suspect de purpura fulminans, afin que son accueil puisse être préparé. Le malade sera ensuite transféré en unité de soins intensifs (circulaire DGS 15 juillet 2002).

Plus exceptionnellement ce tableau peut s'observer lors de méningites ou de septicémies à Hæmophilus, staphylocoque ou streptocoque. Les mécanismes physiopathologiques complexes combinent une endothélite toxinique, une vasculite par dépôts de complexes immuns circulants, une coagulation intravasculaire disséminée, une thrombopénie immunologique.

2 . 1 . 2  -  Purpura avec syndrome hémorragique

En cas de thrombopénie majeure (< 10 000 plaquettes/mm3) et/ou de coagulation intravasculaire disséminée, le pronostic est lié au risque d'hémorragies viscérales, notamment méningées. Des hémorragies muqueuses ou rétiniennes, l'existence de céphalées, imposent un diagnostic étiologique urgent et un traitement adapté sans délai.

2 . 2  -  Orientation diagnostique en dehors de l'urgence

La numération des plaquettes, faite dans le cadre d'une numération-formule sanguine, s'impose devant tout purpura.

C'est un examen obtenu facilement en urgence et qui permet d'éliminer formellement un purpura thrombopénique en cas de normalité et avec une très forte probabilité lorsque le taux de plaquettes est supérieur à 100 000/mm3. Entre 50 000 et 10 000 plaquettes, on ne peut affirmer l'imputabilité de la thrombopénie dans le purpura et il faut s'assurer de l'absence de cofacteurs ou d'autres étiologies.

En cas de thrombopénie et s'il existe des éléments cliniques permettant d'évoquer une cause non hématologique, il faut s'assurer de l'absence d'agrégation plaquettaire par un nouvel examen sur tube citraté (fausse thrombopénie).

On distingue classiquement les purpuras hématologiques des purpuras vasculaires.

2 . 2 . 1  -  Purpuras hématologiques

Il s'agit habituellement d'un purpura pétéchial non infiltré volontiers diffus même s'il prédomine aux zones déclives avec assez souvent une atteinte muqueuse. Le plus souvent il est la conséquence d'une thrombopénie avec un taux de plaquettes inférieur à 50 000/mm3.

Le myélogramme, généralement indispensable précise la nature centrale ou périphérique de la thrombopénie car le degré de thrombopénie et la présence d'une atteinte associée des autres lignées ne sont pas discriminants ; une thrombopénie isolée est par contre plus volontiers d'origine périphérique. Une biopsie médullaire est réalisée lorsque le myélogramme ne permet pas de conclure, ou qu'il est nécessaire d'obtenir une meilleure appréciation de l'hématopoïèse.

Le purpura thrombopénique (PT) d'origine périphérique est le plus souvent d'origine infectieuse ou médicamenteuse. Le lupus systémique comporte parfois une thrombopénie immunologique, mais qui est rarement la cause de purpura. Enfin, en l'absence d'étiologies, on définit le purpura thrombopénique idiopathique qui peut concerner aussi bien l'enfant (PTI plutôt aigu) que l'adulte (plutôt chronique) et résulte d'anticorps antiplaquettes.

Les purpuras hématologiques non thrombocytopéniques sont plus rares et résultent pour la plupart d'une thrombopathie acquise (le plus souvent médicamenteuse) ou congénitale, dépistée surtout par l'allongement du temps de saignement.

2 . 2 . 2  -  Purpuras vasculaires

Schématiquement on distingue :

  • les purpuras plutôt aigus, dus à une inflammation pariétale lors de vasculites cutanées caractérisées cliniquement par un purpura infiltré (et donc palpable) et un polymorphisme des lésions cutanées, ou à un processus endoluminal (emboles) comportant aussi des nécroses et/ou un livedo ;
  • les purpuras d'apparition progressive volontiers chroniques soit d'évolution pigmentée prédominant aux membres inférieurs, soit ecchymotiques survenant dans un contexte souvent évocateur, résultant d'une fragilité pariétale (encadré « Étiologies des purpuras vasculaires »).


Certaines vasculites cutanéo-systémiques sont de véritables urgences médicales, en particulier en cas d'atteinte digestive (risque hémorragique), rénale (protéinurie, hématurie, HTA) ou neurologique (troubles de la conscience, syndrome déficitaire). De même une endocardite, des emboles septiques, des embolies de cristaux de cholestérol peuvent être révélées par un purpura acral et ont un pronostic sévère.

Étiologies des purpuras vasculaires
ATTEINTE PARIÉTALE

PURPURA INFILTRÉ D'APPARITION PLUTÔT AIGUË PAR VASCULITE CUTANÉE :
  • atteinte prédominante des vaisseaux de petit calibre (veinules, capillaires) :
    • infections (hépatites virales, endocardite bactérienne…),
    • purpura rhumatoïde,
    • hémopathies, cancers,
    • médicaments,
    • cryoglobulinémie,
    • hypergammaglobulinémie de Waldenström,
    • vasculite urticarienne,
    • vasculite d'hypersensibilité idiopathique ;
  • atteinte des vaisseaux de petit et/ou de moyen calibres :
    • vasculites associées aux connectivites : lupus érythémateux, polyarthrite rhumatoïde, syndrome de Goujerot-Sjögren,
    • vasculites à antineutrophilic cytoplasmic antibody (ANCA), polyangéite microscopique, maladie de Wegener, syndrome de Churg et Strauss,
    • périartérite noueuse ;
  • autres : syndrome des antiphospholipides, maladie de Behçet, entérocolopathies inflammatoires.

PURPURA NON INFILTRÉ D'APPARITION PROGRESSIVE PAR FRAGILITÉ PARIÉTALE :
  • évolution pigmentée/membres inférieurs : purpura capillaritique/dermatite ocre ;
  • ecchymose :
  • purpura sénile de Bateman,
  • médicaments : corticostéroïdes ;
  • purpura périfolliculaire+ hémorragie : carence en vitamine C ;
  • purpura à la pression, à l'effort, palpébral : amylose.


ATTEINTE LUMINALE
  • emboles septiques (endocardite bactérienne
  • embolies de cristaux de cholestérol
  • CIVD, syndrome d'activation macrophagique
  • médicaments : AVK (rechercher un déficit en protéine C ou S ou en ATIII)

Ainsi, on peut présumer de l'origine vasculaire (par inflammation pariétale ou obstruction endoluminale) d'un purpura par l'existence :

  • de signes cutanés évocateurs :
    • purpura infiltré (palpable),
    • polymorphisme lésionnel : association à des maculo-papules œdémateuses, à des vésiculo-bulles secondairement nécrotiques (Figure 3 et Figure 4), un livedo, des ulcérations, des nodules dermiques,
    • localisation aux membres inférieurs et poussées favorisées par l'orthostatisme ;
  • de manifestations systémiques associées à systématiquement rechercher (faisant suspecter une vasculite cutanéo-systémique) :
    • signes généraux,
    • phénomène de Raynaud,
    • arthralgies,
    • atteinte rénale (hématurie microscopique, protéinurie),
    • signes digestifs (douleurs abdominales, méléna),
    • signes neurologiques (mononévrite, polynévrite, signes centraux).
Figure 4 : Purpura vasculaire nécrotique

Devant tout purpura infiltré évocateur de vasculite, des explorations complémentaires sont indispensables pour rechercher une maladie sous-jacente (Tableau 2).

Tableau 2 : Examens à pratiquer devant un purpura infiltré

Le diagnostic est confirmé par l'histologie cutanée, à partir d'une biopsie de lésion récente et infiltrée. Elle montre une inflammation des parois vasculaires des vaisseaux cutanés de petit et plus rarement de moyen calibre. Leur classification tient compte justement de la taille des vaisseaux atteints, et de l'existence d'anomalies biologiques (cf. encadré « Étiologies des purpuras vasculaires »).

Chez l'adulte, les causes sont multiples :

  • médicaments dont l'imputabilité est souvent portée par excès chez des sujets polymédicamentés ;
  • infections d'origine bactérienne (en particulier endocardite subaiguë ou chronique à évoquer en cas d'atteinte des extrémités), virale (l'hépatite C doit être systématiquement recherchée a fortiori en cas de cryoglobulinémie mixte) ou parasitaire (Figure 5 et Figure 6) ;
  • maladies systémiques : maladie lupique, polyarthrite rhumatoïde, syndrome de Gougerot-Sjögren, polychondrite chronique atrophiante, syndrome des anticorps antiphospholipides ;
  • cryoglobulinémie, gammapathie monoclonale, hémopathies malignes ;
  • des signes extracutanés : neurologiques (multinévrite), rénaux (HTA), cardiaques (péricardite…), digestifs (syndromes aigus abdominaux), pleuropulmonaires (pleurésie, infiltrats, asthme récent), altération de l'état général avec signes généraux, syndrome inflammatoire majeur, histologie avec atteinte granulomateuse des vaisseaux de moyen calibre, orientent vers la périartérite noueuse ou les vasculites systémiques à ANCA (maladie de Wegener, maladie de Churg-Strauss) ;
  • une vasculite leucocytoclasique avec des dépôts d'IgA et de C3 périvasculaires visibles en immunofluorescence directe sur les coupes histologiques cutanées peut orienter vers un purpura rhumatoïde. Une biopsie rénale est recommandée chez l'adulte devant la persistance ou l'aggravation de l'atteinte rénale en raison de la sévérité des lésions glomérulaires à type de glomérulonéphrite endo- et extracapillaire avec dépôts mésangiaux d'IgA.
Figure 5 : Purpura vasculaire révélateur d'une gonococcémie
Figure 6 : Purpura pustuleux distal évocateur de septicémie ou d'endocardite

Au terme de la confrontation anatomoclinique, dans 30 à 50 % des cas, aucune étiologie précise n'est mise en évidence et en l'absence d'atteinte extracutanée, on parle de vasculite « allergique » cutanée (synonymes : angéite d'hypersensibilité, angéite leucocytoclasique) (cf. encadré « Étiologies des purpuras vasculaires »).

Chez l'enfant
, les vasculites « allergiques » correspondent le plus souvent à un purpura rhumatoïde (maladie de Schönlein-Henoch).

Il survient volontiers après un épisode infectieux ORL. Il s'agit d'un purpura pétéchial infiltré déclive bilatéral et symétrique (touchant surtout les membres inférieurs mais pouvant s'étendre à l'abdomen et aux membres supérieurs) évoluant par poussées favorisées par l'orthostatisme. On peut observer la coexistence d'éléments d'âge différent, l'association à une éruption urticarienne, à des nodules ou un livedo. Il existe habituellement des arthralgies mobiles et fugaces des grosses articulations, des douleurs abdominales, parfois une diarrhée ou des vomissements. L'atteinte rénale est observée dans 1/3 des cas et est généralement mineure et réversible à type d'hématurie macro- ou microscopique et/ou de protéinurie. Les complications sont rares et consistent en un syndrome néphrotique ou néphritique ou des hémorragies digestives.

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