7  -  Méthodes diagnostiques des tumeurs

L’étude anatomopathologique a pour but de préciser :

  1. la nature histologique de la tumeur ;
  2. son agressivité potentielle ;
  3. son pronostic ;
  4. sa capacité à répondre à des traitements de plus en plus spécifiques.

7 . 1  -  Diagnostic morphologique

Le diagnostic cyto- ou histologique nécessite de disposer d’échantillons de bonne qualité, représentatifs de la tumeur et n’ayant pas subi d’altérations pendant leur prélèvement ou leur transport. Les différents modes de prélèvements sont détaillés dans le chapitre 1.

Examen des coupes histologiques

Lorsqu’elles sont colorées à l’HES constitue la base du diagnostic anatomopathologique (typage histologique, grade, stade, limites). De nombreuses techniques complémentaires, morphologiques ou non, peuvent être utilisées pour confirmer ou préciser le diagnostic. D’autres colorations permettant la mise en évidence de particularités des cellules tumorales (ex : mucosécrétion avec le bleu Alcian) ou du stroma (ex : trame réticulinique avec le Gordon-Sweet) sont souvent utiles au diagnostic.

Immunohistochimie

L’immunohistochimie avec des anticorps mono-ou polyclonaux est fréquemment utilisée en pathologie tumorale. L’utilisation de combinaisons d’anticorps dont le choix est orienté par l’étude histologique permet de préciser dans la plupart des cas la nature des tumeurs peu différenciées et l’origine primitive des métastases.

  • Des anticorps permettent de déterminer la nature des filaments intermédiaires du cytosquelette des cellules. Ces filaments ont une répartition spécifique au sein des grands types de cellules : filaments de cytokératine dans les cellules épithéliales, filaments de vimentine dans les cellules conjonctives, filaments de desmine dans les cellules musculaires, neurofilaments dans les cellules nerveuses. Ainsi un carcinome est habituellement cytokératine positif et vimentine négatif, alors qu’un sarcome a le phénotype inverse.
  • Les marqueurs de surface sont aussi spécifiques de types cellulaires : antigène CD20 (lymphocyte B), antigène épithélial de membrane (cellules épithéliales), Neural Cell Adhesion Molecule (NCAM) (cellules nerveuses et neuro-endocrines), etc.
  • Des marqueurs cytoplasmiques correspondant à des produits de sécrétion ou des molécules fonctionnelles sont aussi exploités : mucines (adénocarcinomes), chromogranine (cellules neuro-endorines), HMB45 (mélanocytes), thyroglobuline (thyroïde) (figure 7.6).
Figure 7.6. Détection de marqueurs de différentiation tumorale par immunohistochimie
Expression du CD20 par les cellules de ce lymphome B à grandes cellules intra-vasculaire.

Les marqueurs pronostiques ont été abordés dans le chapitre précédent.

Des anticorps dirigés contre des molécules ayant une valeur pronostique ou thérapeutique sont de plus en plus utilisés. Ainsi, la quantification des récepteurs hormonaux dans les noyaux des cellules tumorales de l’adénocarcinome du sein renseigne sur les effets potentiels d’un traitement anti-hormonal (figure 7.7).

Figure 7.7. Dans cette métastase osseuse d’adénocarcinome mammaire, les cellules tumorales expriment des récepteurs aux oestrogènes, ce qui permet d’envisager un traitement de la patiente par modulation hormonale

7 . 2  -  Pathologie moléculaire

Les techniques de pathologie moléculaire sont utilisées pour mettre en évidence des altérations moléculaires survenues dans les cellules tumorales. Elles peuvent être réalisées sur coupe histologique (ex : hybridation in situ) ou après extraction de l’un des constituants moléculaire du tissu. Dans ce dernier cas, l’évaluation histologique préalable de la nature du tissu analysé et de sa richesse en cellules tumorales est indispensable.

Les techniques de pathologie moléculaire ont une valeur diagnostique et pronostique dans certaines tumeurs malignes, et peuvent également aider à prévoir la réponse à une thérapie ciblée (théranostique), à dépister la maladie résiduelle après traitement ou à diagnostiquer une prédisposition héréditaire à développer un cancer.

Les altérations génétiques apparaissent successivement au cours de la croissance d’une tumeur. Certaines de ces anomalies sont récurrentes, c’est-à-dire que le même type d’anomalie survient avec une fréquence élevée dans un type de tumeur donné.

Réarrangements chromosomiques

Ces anomalies sont assez fréquentes dans les lymphomes et les sarcomes. Ils peuvent aider au typage des lymphomes (ex : t(14 ;18) des lymphomes folliculaires, t(8 ;14) des lymphomes de Burkitt, t(2 ;5) des lymphomes anaplasiques), des sarcomes (ex : t(X ;18) des synovialosarcomes) ou des tumeurs pédiatriques (figure 7.8).

Figure 7.8. Détection par FISH sur noyau interphasique d’une translocation impliquant le proto-oncogène c-myc dans les cellules de ce lymphome
Dans les cellules normales, les signaux vert et rouge sont toujours étroitement associés, alors qu’on observe ici une dissociation, pour un des deux chromosomes, dans la plupart des cellules.

Autres altérations chromosomiques

Il peut s’agir d’anomalies de nombre (ex : hyperploïdie, aneupmoïdie), ou de structure (ex : l’isochromosome 17q dans les médulloblastomes). Dans les tumeurs à un stade avancé, ces altérations peuvent être très complexes, et différentes d’une cellule à l’autre (sous-clones).

Amplifications géniques

Elles peuvent avoir une valeur pronostique (ex : mauvais pronostic des neuroblastomes ayant une amplification de c-myc). Elles sont également parfois utiles pour prédire la sensibilité à une thérapie ciblée (ex : HER2 dans des carcinomes mammaires ou gastriques)

L’instabilité génétique

Dans les adénocarcinomes colorectaux, l’instabilité génétique a été opposée à l’instabilité chromosomique. Elle est liée à un défaut de réparation de l’ADN, qui peut être d’origine héréditaire (syndrome de Lynch) ou acquis (formes sporadiques).

Mutations d’un gène

Elles peuvent être assez spécifiques d’une tumeur (ex : gène KIT pour les tumeurs stromales digestives).

Clonalité d’une tumeur

Elle peut être établie par la mise en évidence du réarrangement clonal des gènes codant pour les immunoglobulines ou pour le récepteur de cellules T (pour les lymphomes) ou par la mise en évidence d’une inactivation clonale du chromosome X (chez les femmes).

7 . 3  -  Stratégie diagnostique

L’objectif de la prise en charge médicale d’un patient cancéreux est de le traiter le mieux possible, et au moindre coût. Dans la grande majorité des cas, un diagnostic anatomopathologique, avec au minimum un typage de la tumeur, est nécessaire avant le traitement. Toutefois, ceci nécessite le plus souvent un geste invasif qu’il faut mettre en balance avec les risques et l’intérêt pour le patient. Ainsi, chez un patient cirrhotique présentant de volumineux nodules hépatiques et une élévation importante du taux sérique d’alphafÅ“toprotéine, le diagnostic de carcinome hépatocellulaire est pratiquement certain, et le désagrément et le risque d’une biopsie de confirmation histologique ne sont pas compensés par le bénéfice escompté pour le patient.

7 . 3 . 1  -  Types de prélèvements

Le choix du type de prélèvement est discuté en fonction notamment du patient (état général, antécédents, urgence, souhaits), des hypothèses diagnostiques et des possibilités thérapeutiques.

Prélèvements cytologiques

Par exemple : frottis de lésions cutanéomuqueuses, aspirations bronchiques, cytoponction d’organes profonds. Ils sont les moins invasifs.

Bien que les informations qu’ils apportent soient souvent incomplètes, elles peuvent être rapidement obtenues, et sont souvent utiles pour déterminer le geste le plus approprié pour la suite de la démarche diagnostique (biopsie, chirurgie, chimiothérapie première). Elles sont parfois suffisantes pour décider de la thérapeutique.

Biopsies par voies endoscopiques

Elles sont assez peu invasives et permettent souvent un diagnostic (ex : typage d’une tumeur bronchique, gastrique ou colique). Le résultat est fiable et l’ensemble du traitement peut être fondé dessus (ex : lymphome gastrique, carcinome bronchique à petites cellules, adénocarcinome colique).

Biopsies d’organes profonds

Elles constituent une alternative pour les organes pleins (ex : nodule hépatique ou pancréatique).

Prélèvements chirurgicaux

Ils sont les plus invasifs. Il faut toutefois encore distinguer les prélèvements à visée uniquement diagnostique qui peuvent être de petite taille, (ex : biopsie ganglionnaire ou médiastinale) et les résections à but thérapeutique. Ce sont ces derniers prélèvements qui fourniront le plus d’informations (ex : le stade d’un adénocarcinome colique dans une iléo-colectomie).

7 . 3 . 2  -  Collaboration au sein de l’équipe médicale

Le médecin qui prescrit ou effectue un prélèvement en vue d’un examen anatomopathologique doit toujours garder à l’esprit que celui-ci doit permettre de faire un diagnostic. Ce prélèvement doit donc être :

  • aussi représentatif que possible de la tumeur ;
  • acheminé dans les conditions appropriées, c’est-à-dire soit dans du fixateur si ce médecin est certain qu’un fragment tumoral frais ne sera pas nécessaire, soit à l’état frais (transport en moins de 30 min et en atmosphère humide) ;
  • associé à des informations cliniques qui permettront au pathologiste de le redistribuer pour des techniques appropriées (ex : biologie moléculaire, caryotype).


En cas de doute, il est souvent utile de discuter avec le pathologiste concerné avant d’effectuer le prélèvement.

Après avoir fait une synthèse des lésions macro- et microscopiques et, le cas échéant, des altérations moléculaires, le pathologiste confronte ses conclusions avec les données cliniques, radiologiques et biologiques afin d’établir un diagnostic définitif.

7/7