2  -  Tableau clinique

2 . 1  -  Patient vu en période de coma


Les observations suivantes sont notées :

  • otorragie : émission de sang rouge par le conduit auditif externe. Elle est le plus souvent la conséquence d’une fracture du rocher avec déchirure du tympan ou de la peau du conduit (mais elle peut également être le témoin d’une fracture de l’os tympanal, à la suite d’une chute sur le menton par exemple). L’otorragie qui « s’éclaircit » est le témoin d’une otoliquorrhée associée. À ce stade, il faut proscrire un traitement local par gouttes auriculaires du fait d’une éventuelle perforation tympanique ;
  • otoliquorrhée : écoulement de liquide céphalorachidien par le conduit auditif externe dû à une brèche méningée, conséquence de la fracture ;
  • la paralysie faciale doit être systématiquement recherchée par la manœuvre de Pierre-Marie et Foix, au premier examen clinique, soit sur le lieu de l’accident ou à défaut au service d’accueil.

L’interrogatoire des témoins de l’accident et l’examen du patient au moment de la prise en charge initiale doit orienter vers une paralysie faciale immédiate ou secondaire, en soulignant le caractère péjoratif de l’apparition immédiate de la paralysie faciale (30 % de récupération spontanée).

L’absence de paralysie faciale doit être soigneusement notée dans l’observation.

  • Une paralysie faciale découverte très tôt après l’accident est à considérer comme une paralysie faciale primaire, c’est-à-dire due à une section du nerf facial. Elle nécessite l’exploration chirurgicale de ce dernier, dès que l’état neurologique du patient le permet et éventuellement une suture du nerf facial.
  • À l’opposé, une paralysie faciale s’installant progressivement dans les suites du traumatisme peut régresser sous le seul traitement médical anti-œdème (corticoïdes).

2 . 2  -  Patient vu au décours du coma


Plusieurs présentations cliniques sont possibles.

2 . 2 . 1  -  Syndrome cochléovestibulaire déficitaire total unilatéral


On observe dans ce cas :

  • un violent vertige rotatoire avec nausées et même vomissements, évoluant sur plusieurs jours vers la régression, s’accompagnant d’une cophose unilatérale. Ce syndrome cochléovestibulaire déficitaire est dû à une fracture translabyrinthique du rocher ;
  • la TDM visualise le trait de fracture translabyrinthique perpendiculaire à l’axe du rocher, parfois un pneumo-labyrinthe (bulle d’air dans les liquides labyrinthiques), et précise au mieux les atteintes tympano-ossiculaires ;
  • l’IRM sans et avec injection de gadolinium est indiquée dans le bilan d’une paralysie faciale périphérique post-traumatique et des lésions intracrâniennes comme les méningo-encéphalocèles. Les acquisitions volumiques en séquence écho de gradient 3D et étude multiplanaire permettent une étude des segments labyrinthique, tympanique et mastoïdien du nerf facial et des lésions intralabyrinthiques.

Conduite thérapeutique :

  • la cophose reste définitive. Il n’y a pas de traitement possible ;
  • les vertiges majeurs des premiers jours peuvent être traités par un antivertigineux (acétyl-leucine, par ex. Tanganil ; méclozine, par ex. Agyrax). Ces derniers doivent être abandonnés rapidement sous peine de voir la compensation retardée (cf. vertiges). Les vertiges quant à eux disparaissent spontanément en 2 à 3 semaines par compensation ;
  • si les vertiges persistent au-delà de 4 semaines, une rééducation vestibulaire est proposée ;
  • les nausées et vomissements sont accessibles aux antiémétiques (métoclopramide, par ex. Primpéran ; métopimazine, par ex. Vogalène) ;
  • en cas de pneumo-labyrinthe, l’intervention s’impose pour obturer les fenêtres, afin d’éviter une méningite otogène post-traumatique, la fracture de la capsule labyrinthique osseuse ne consolidant jamais.

2 . 2 . 2  -  Syndrome cochléovestibulaire déficitaire partiel dissocié


L’atteinte cochléovestibulaire peut être :

  • dissociée : cochléaire ou vestibulaire ;
  • et partielle pour chacun de ces organes.

2 . 2 . 2 . 1  -  Fistule périlymphatique


Elle est due à une « rupture d’une fenêtre » (ronde ou ovale) : déchirure de la membrane de la fenêtre ronde, fracture de la platine ou déchirure du ligament annulaire avec luxation de la platine. Elle entraîne un hydrops « a vacuo » (par augmentation relative de la pression endolymphatique par rapport à la pression périlymphatique), générateur d’une surdité de perception « en plateau » à l’audiogramme, typiquement fluctuante.

Elle peut s’accompagner quelquefois de troubles de l’équilibre, fugaces et d’acouphènes.

La TDM peut donner des éléments en faveur de ce diagnostic : opacité de la niche de la fenêtre ronde, fracture de la platine ou luxation partielle de celle-ci.

Conduite thérapeutique :

  • si les arguments sont suffisamment pertinents, l’exploration de l’oreille moyenne permet l’observation d’une fuite de périlymphe au niveau de la platine (fracturée) ou du ligament annulaire (en cas de platine luxée) ou de la fenêtre ronde ;
  • cette fuite est obturée par des fragments de graisse ou de muscle fixés par colle biologique.

2 . 2 . 2 . 2  -  Commotion labyrinthique


Elle est le fait d’une fracture longitudinale ou d’un traumatisme crânien sans fracture du rocher.

Elle s’accompagne d’une surdité de perception « en plateau » à l’examen audiométrique tonal, non fluctuante, parfois évolutive, accompagnée de vertiges rotatoires itératifs de durée moyenne, quelques minutes à quelques heures, ou le plus souvent de troubles de l’équilibre non systématisés. À l’extrême, elle peut être exceptionnellement responsable d’une maladie de Menière post-traumatique.

Les vertiges post-commotionnels doivent régresser totalement en deux mois. Leur persistance entre dans le cadre d’un syndrome subjectif des traumatisés du crâne.

2 . 2 . 2 . 3  -  Syndrome subjectif des traumatisés du crâne


C’est une étape normale dans l’évolution d’un traumatisme crânien.
Symptomatologie :

  • déséquilibre de brève durée + sensation de chute aux mouvements rapides de la tête ;
  • acouphènes ;
  • céphalées postérieures ;
  • asthénie ;
  • troubles de la mémoire et du caractère ;
  • troubles du sommeil.

L’examen clinique est normal. Ce syndrome disparaît habituellement en moins de 2 mois. Au-delà, il évolue vers la névrose post-traumatique.

2 . 2 . 2 . 4  -  Vertiges positionnels post-traumatiques

  • Le vertige positionnel paroxystique bénin (VPPB) post-traumatique : il est assez fréquent dans les suites d’un traumatisme crânien sévère avec ou sans fracture. Il serait dû à un arrachage des otoconies des macules otolithiques qui se déposeraient dans le canal semi-circulaire postérieur le plus souvent. Le traitement est identique à celui du VPPB classique.
  • D’autres vertiges positionnels non paroxystiques peuvent être observés, de pathogénie discutée.

2 . 2 . 2 . 5  -  Surdité de transmission


Elle est très fréquente au décours des fractures du rocher. Elle disparaît en moins de 3 semaines, si elle est due à l’hémotympan. Si la surdité de transmission persiste au-delà de 3 semaines, un nouveau bilan otologique s’impose. Il peut montrer à :

  • l’otoscopie : une perforation tympanique à bords irréguliers ;
  • l’examen audiométrique : une surdité de transmission ;
  • l’examen audiométrique vocal : une absence de distorsion sonore ;
  • la TDM : une atteinte de la chaîne ossiculaire (fracture ou luxation).

Conduite thérapeutique :

  • la fermeture chirurgicale d’une perforation ne doit être envisagée qu’après 6 mois d’évolution. En effet, un pourcentage important peut se fermer spontanément ;
  • les luxations ou fractures ossiculaires entraînent une surdité de transmission et peuvent être traitées chirurgicalement par ossiculoplastie.
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