4. 3 - Diagnostic étiologique : éléments d’orientation

4. 3. 1 - Obstacles mécaniques tumoraux le long du tractus digestif

C’est la première recherche étiologique.

4. 3. 1. 1 - Cancers du pharynx et de l’œsophage

Ils sont la première cause de troubles de déglutition et doivent être recherchés avant toute autre exploration. Leur recherche impose l’examen ORL complet quel que soit le contexte ; vis-à-vis de l’œsophage, l’examen à demander de première intention est une fibroscopie de préférence au transit baryté. Ce dernier examen n’est indiqué que lorsque l’interrogatoire est évocateur d’un possible diverticule de Zenker (ruminations, bruits hydro-aériques cervicaux, toux nocturne). La fibroscopie permet parfois de trouver des signes évocateurs d’un trouble moteur œsphagien (œsophagite).
Les cancers du sinus piriforme, du vestibule laryngé et de la région rétrocricoïdienne sont à l’origine d’une gêne pharyngée. L’existence d’une dysphagie avec blocage alimentaire est évocatrice d’une extension à la bouche œsophagienne, surtout si elle est associée à une otalgie réflexe. Les cancers de la glotte et de la sous-glotte ne sont pas dysphagiants (photo 34).
Cancer de l’œsophage : dysphagie d’installation progressive avec altération de l’état général. Le diagnostic est endoscopique : lésion bourgeonnante ou ulcéro-infiltrante plus ou moins sténosante, saignante au contact dont on précise la hauteur et le siège par rapport à l’arcade dentaire supérieure (1/3 supérieur, 1/3 moyen ou 1/3 inférieur de l’œsophage). La biopsie fournit le diagnostic anatomopathologique : carcinome épidermoïde le plus fréquent ou plus rarement adénocarcinome (surtout 1/3 inférieur de l’œsophage). Le bilan comporte une écho-endoscopie, un scanner cervico-thoraco-abdominal, une laryngo-trachéobronchoscopie.

4. 3. 1. 2 - Tumeurs bénignes de l’œsophage

Elles sont rares (fibromes, léiomyomes).

4. 3. 1. 3 - Causes compressives extrinsèques

Il faut également rechercher des causes compressives extrinsèques : tumeur médiastinale, anévrysme aortique ou goitre thyroïdien plongeant. La radiographie pulmonaire de face et de profil peut révéler une image médiastinale à l’origine d’une compression œsophagienne (goitre plongeant ou tumeur médiastinale, un niveau liquide de méga-œsophage, une pneumopathie de déglutition), mais la TDM thoracique injectée précise mieux l’extension.

4. 3. 2 - Atteintes du sphincter supérieur de l’œsophage

4. 3. 2. 1 - Diverticule de Zenker

C’est un diverticule pharyngo-œsophagien secondaire à une hernie à travers une faiblesse de la paroi pharyngée postérieure au-dessus du SSO et qui se développe vers le médiastin rétro-œsophagien. Il est responsable d’une dysphagie intermittente ou fluctuante associée à des régurgitations d’aliments non digérés (stagnant dans la poche diverticulaire), à une toux nocturne de décubitus. Parfois, c’est une pneumopathie d’inhalation et une altération marquée de l’état général qui sont le mode de découverte. En nasofibroscopie, signe de la marée pathognomonique = une bouchée déglutie disparaît dans l’hypopharynx puis réapparaît = équivalent rumination (figure 3 et figure 4). Le traitement est chirurgical.

Figure 3 : Opacification pharyngo-laryngée de face et de profil chez un patient présentant un diverticule de Zenker
L’orifice du diverticule se situe sur la face postérieure de l’axe digestif, et le diverticule se place en arrière de la lumière œsophagienne

4. 3. 2. 2 - Achalasie du sphincter supérieur de l’œsophage

L’existence d’un blocage cervical bas situé chez un sujet âgé à examen neurologique et fibroscopique normal doit faire évoquer le diagnostic d’achalasie (défaut d’ouverture), dont le traitement est chirurgical. Celle-ci survient chez la personne de plus de 80 ans en général et est en règle générale la conséquence d’une fibrose de la musculature striée du SSO.

4. 3. 2. 3 - Syndrome de Plummer-Vinson (ou de Kelly-Patterson)

Classique, mais exceptionnel. Il s’agit d’une dysphagie haute par atteinte du SSO due à une carence martiale très souvent associée à un carcinome de la bouche de l’œsophage.

4. 3. 3 - Causes neurologiques ou neuromusculaires

Elles constituent un ensemble de causes très fréquentes de dysphagies et troubles de la déglutition.
Le mécanisme neurologique peut être évident lorsque les troubles surviennent dans un contexte bien identifié : traumatisme crânien, accident vasculaire cérébral, infirmité motrice cérébrale, Parkinson.
La maladie neurologique peut être inconnue quand les TD sont révélateurs. Certaines maladies sont fréquemment inaugurées par ces troubles et doivent être évoquées en premier lieu.

4. 3. 3. 1 - Sclérose latérale amyotrophique

Maladie dégénérative de la corne antérieure, elle donne une atteinte motrice pure, pouvant être inaugurée par l’atteinte pharyngée et linguale. Elle se caractérise par les fasciculations et l’atrophie linguale, une dysarthrie, créant un tableau d’emblée évocateur devant une dysphagie. L’évolution est rapide vers la dégradation et l’extension de l’atteinte vers les muscles respiratoires et les membres.

4. 3. 3. 2 - Myasthénie

Liée au défaut de transmission neuromusculaire, la dysphagie est fréquemment révélatrice comme la dysphonie ou l’atteinte oculaire, toutes caractérisées par le caractère variable, aggravé par la fatigue. Le diagnostic repose sur la mise en évidence du bloc neuromusculaire sur l’EMG, l’existence d’anticorps anticholéstérasiques et le test thérapeutique.

4. 3. 3. 3 - Paralysie des nerfs crâniens

Surtout paralysie du X (nerf vague) avec immobilité laryngée unilatérale + stase salivaire sinus piriforme homolatéral + signe du rideau (la paroi pharyngée postérieure se déplace vers le côté sain)+ trouble de la sensibilité homolatérale. Elle doit faire explorer tout le trajet du X et en particulier au niveau de la base du crâne par un scanner. Les tumeurs sont une cause de paralysie du X (neurinomes, métastases) mais aussi les neuropathies périphériques (sarcoïdose : neurosarcoïdose, très grave ; diabète) ; enfin, il peut y avoir des atteintes traumatiques (par exemple, chirurgie carotidienne).

4. 3. 3. 4 - Myopathies (myopathies oculopharyngées, mitochondriales, Steinert)

Atteignent la musculature striée du pharynx et de l’œsophage (1/3 supérieur). Le diagnostic doit être évoqué devant une dysphagie progressivement croissante dans un contexte d’atteinte familiale (maladies héréditaires) avec fréquentes atteintes oculaires (ptosis), sans atteinte sensitive associée (l’association dysphagie- ptosis est très évocatrice de myopathie oculopharyngée). Il existe aussi des atteintes musculaires acquises dans les polymyosites.

4. 3. 3. 5 - Syndromes pseudobulbaires d’origine vasculaire

Ils donnent des atteintes progressives dans un contexte d’HTA avec abolition du réflexe nauséeux, dissociation automatico-volontaire du déclenchement de la déglutition (la déglutition réflexe s’effectue plus facilement que le déclenchement volontaire de la déglutition), troubles sensitifs.

4. 3. 3. 6 - Tumeurs du IVe ventricule

Elles peuvent être révélées par des troubles de la déglutition et doivent être recherchées de principe par une IRM du tronc cérébral devant une dysphagie qui ne fait pas sa preuve.

4. 3. 4 - Sténoses œsophagiennes et œsophagites

4. 3. 4. 1 - Sténoses œsophagiennes séquellaires caustique ou peptique

La fibroscopie œsophagienne est l’examen qui en permet l’identification, parfois dans le cadre de l’extraction d’un corps étranger œsophagien révélateur. En cas de sténose infranchissable et pour effectuer le bilan d’extension en hauteur, le transit baryté garde une indication.
Les œsophagites ulcérées secondaire au reflux gastro-œsophagien peuvent rarement se compliquer de sténoses peptiques à l’origine d’une dysphagie et d’un amaigrissement. Elles doivent faire rechercher une cancérisation, souvent à la jonction du 1/3 moyen et 1/3 inférieur de l’œsophage.
Les sténoses caustiques surviennent plusieurs semaines après l’ingestion d’un acide fort ou d’une base forte. Au stade aigu, l’endoscopie permet d’évaluer l’étendue des lésions et la profondeur de la brûlure. L’évolution sténogène est à l’origine d’une dysphagie progressive et sévère.
Les sténoses post-radiques surviennent plusieurs mois ou années après une irradiation médiastinale.
Les sténoses postchirurgicales surviennent sur une anastomose œsophagienne.
L’anneau de Schatzki est un diaphragme situé juste au-dessus du cardia et secondaire à un reflux gastro-œsophagien. La dysphagie est souvent intermittente, essentiellement pour les solides. L’anneau est aisément reconnu à l’endoscopie et sur le transit œsogastroduodénal.

4. 3. 4. 2 - Autres œsophagites dysphagiantes

Les œsophagites infectieuses surviennent surtout chez les malades immunodéprimés, les germes en cause sont le candida, le cytomégalovirus et l’herpès virus.
Pour les œsophagites médicamenteuses, de nombreux médicaments peuvent entraîner : doxycycline, les comprimés de chlorure de potassium, l’aspirine, les biphosphonates.


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