2  -  Les besoins en fer

2 . 1  -  Les pertes en fer de l'organisme

Les pertes en fer de l'organisme consti-uent un phénomène obligatoire lié à la desquamation des cellules des différentes sur-faces du corps humain. Environ les deux-tiers des pertes en fer se font par l'intermédiaire du tractus gastro-intestinal. Les pertes par la peau se font essentiellement par la desquamation de l'épiderme, les quantités de fer perdues par la sueur pouvant être considérées comme négligeables (même en climat chaud et humide). Les pertes en fer par les urines sont également très faibles.

Les pertes basales journalières varient, chez l'adulte, de 0,9 à 1 mg de fer/jour ce qui correspond à des pertes d'environ 14 g/kg. Près de 0,6 mg sont perdus par les selles, 0,2 à 0,3 mg par la peau et 0,1 par les urines.

Pour les femmes de la puberté à la ménopause, il est nécessaire d'ajouter aux pertes basales celles liées aux hémorragies mens-truelles (INACG, 1982). Les pertes en fer dues aux menstruations ont été étudiées chez les femmes de pays développés (Suède, Royaume-Uni, Canada) et de pays en voie de développement (Égypte, Inde, Birmanie). Dix pour cent des femmes considérées en bonne santé ont des pertes menstruelles supérieures à un volume de 80 ml/mois. La médiane des pertes mens-truelles se situe entre 25 et 30 ml/mois, ce qui correspond à des pertes en fer de 12,5 à 15 mg par mois, soit 0,4 à 0,5 mg/jour qui viennent s'ajouter aux pertes basales hab-tuelles (0,8 mg/jour). Au total, 50 % des femmes ont donc des pertes totales en fer supérieures à 1,3 mg/jour, 10 % ont des pertes supérieures à 2,1 mg/jour et 5 % supérieures à 2,4 mg/jour. De nombreux facteurs, tels que l'hérédité, le poids, la taille, l'âge, la parité ont une influence sur le volume des règles. Mais le facteur majeur est constitué par l'utilisation de certains modes de contraception. Les contraceptifs oraux peuvent diminuer de 50 % le volume des règles alors qu'une augmentation de plus de 100 % peut être observée chez les femmes utilisatrices d'un dispositif intra-utérin.

2 . 2  -  Les besoins au cours de la grossesse

Les besoins en fer sont considérablement augmentés durant la grossesse du fait de l'augmentation physiologique de la masse érythrocytaire, c'est-à-dire du nombre de globules rouges maternels (nécessitant environ 500 mg de fer), de la constitution des tissus du fÅ“tus (environ 290 mg de fer) et du placenta (environ 25 mg de fer). Ces dépenses spécifiques viennent s'ajouter aux pertes basales (0,8 mg/jour compte tenu de l'interruption des menstruations, soit 220 mg pour l'ensemble de la gestation).

Au total, c'est plus de 1 000 mg de fer dont la femme enceinte a besoin pour assurer sa balance en fer au cours de la grossesse. Ces besoins sont particulièrement concentrés sur le 2e et le 3e trimestre (tableau 2). L'état des réserves en fer au début de la grossesse est un facteur essentiel pour évaluer les besoins en fer des femmes enceintes. Si les réserves en fer sont de l'ordre de 500 mg en début de gestation, ils permettent d'assurer la couverture des besoins liés à l'augmentation de la masse érythrocytaire : les besoins journaliers en fer peuvent donc être évalués aux environs de 2,5 mg/jour pour les deux derniers trimestres de la grossesse. Si les réserves sont par contre faibles, voire nulles, les besoins sont difficiles à couvrir par l'alimentation, malgré l'augmentation de l'absorption du fer observée au cours de la 2e moitié de la grossesse.

Tableau 2

2 . 3  -  Les besoins au cours de la lactation

La teneur en fer du lait maternel est relativement faible, de 0,3 à 1,5 mg/l. Mais la spoliation supplémentaire de fer due à l'allaitement, contribue à aggraver le déséquilibre de la balance en fer chez des femmes qui sont le plus souvent déjà à leur niveau de réserve le plus bas (voire même franchement carencées) du fait des besoins élevés de la grossesse qui vient d'arriver à terme et des hémorragies habituelles de l'accouchement et du post-partum (même en cas d'accouchement non traumatique, ces pertes en fer supplémentaires représentent au moins 250 mg). Cependant, la récupération du fer provenant du déclin de la masse érythrocytaire maternelle et « l'économie » de fer due à l'absence des menstruations pendant plusieurs semaines après l'accouchement permettent d'estimer que les besoins en fer des femmes allaitantes sont légèrement supérieurs à ceux d'une femme en âge de procréer, tout au moins au cours des 6 premiers mois de lactation. Si l'allaitement est prolongé au-delà de cette période (situation habituelle dans de nombreux pays en voie de développement), les besoins sont alors nettement supérieurs à partir du 6e mois.

2 . 4  -  Les besoins chez le nourrisson, l'enfant et l'adolescent

L'organisme d'un nouveau-né à terme contient entre 260 et 290 mg de fer acquis au cours de la gestation. Environ 25 % de ce fer correspond à des réserves tissulaires, mais une grande partie est sous forme d'hémoglobine dont le taux est particulièrement élevé à la naissance. Les besoins de l'enfant au cours de la première année de la vie sont liés aux pertes basales, à l'expansion de la masse érythrocytaire et à la croissance des tissus de l'organisme. Au cours des 8 à 10 premières semaines de vie, le taux d'hémoglobine va chuter profondément, passant du niveau le plus élevé au niveau le plus bas relevé pendant toute la période de développement. Cette chute du taux d'hémoglobine est liée à une nette diminution de l'érythropoïèse en réponse à l'oxygénation accrue des tissus après la naissance. L'hémolyse accrue (qui contribue à libérer du fer) et le fer absorbé permettent d'éviter des carences en fer au cours de cette période. Dans un deuxième temps, l'érythropoïèse se réactive : le taux d'hémoglobine augmente de sa valeur moyenne la plus basse 10 g/100 ml à une valeur moyenne de 12,5 g/100 ml et s'y maintient pendant toute la première année de la vie.

Compte tenu des besoins liés à la croissance, les besoins totaux en fer sont considérables chez le jeune enfant (INACG, 1979), 8 à 10 fois supérieurs à ceux d'un adulte de sexe masculin lorsqu'ils sont exprimés par kilogramme de poids corporel. L'accélération de la croissance, particulièrement au cours des années de maturation sexuelle, s'accompagne également d'une augmentation des besoins en fer, notamment pour la production d'hémoglobine. Pendant l'année qui correspond à leur plus forte poussée de croissance, les garçons prennent en moyenne 10 kg. On peut calculer que ce gain pondéral nécessite un accroissement net de fer de 300 mg environ, ne serait-ce que pour main¬tenir un taux d'hémoglobine constant dans un volume sanguin en expansion. Cependant, la concentration d'hémoglobine augmente aussi de 0,5 à 1,0 g/100 ml/an à cet âge. Une augmentation du taux d'hémoglobine de 0,5 g/dl chez un adolescent de 55 kg nécessite plus de 50 mg de fer. Par conséquent, l'adolescent moyen a besoin d'environ 350 mg de fer pendant l'année de sa croissance maximale. Ce taux de croissance maximal et, vraisemblablement, l'élévation maximale parallèle de la concentration d'hémoglobine sont beaucoup plus aigus que ne le font apparaître les courbes de pourcentage de croissance et d'hémoglobine. Cela est dû aux variations individuelles de l'âge auquel survient la croissance maximale qui disparaissent lorsqu'on calcule les valeurs moyennes pour chaque âge. Chez les adolescentes, les besoins en fer sont également élevés, mais ils n'accusent pas une poussée aussi aiguë que chez les garçons, du fait que le gain pondéral annuel maximum est un peu plus faible que chez les garçons et parce que le taux d'hémoglobine chez la fille ne s'élève que légèrement pendant cette période. Le gain de poids maximum chez la fille nécessite, lui, 280 mg de fer environ pour maintenir constant le taux d'hémoglobine. Le début des règles suit habituellement la poussée de croissance maximale de l'adolescente, la déperdition menstruelle moyenne est de 30 ml environ par menstruation chez la fille de 15 ans et elle correspond à une perte nette d'environ 175 mg de fer par an. Il y a toutefois d'importantes variations d'une adolescente à l'autre, celles qui perdent le plus de sang étant bien sûr les plus exposées au risque de carence en fer.

2 . 5  -  Pertes en fer liées à certaines pathologies ou certains comportements

En dehors des besoins en fer liés à la nécessité de compenser les pertes physiologiques de la vie, certaines pathologies ou comportements peuvent être responsables d'une augmentation des besoins en fer. Toutes les causes de saignements chroniques, quelle que soit leur origine, entraînent des pertes supplémentaires en fer. Épistaxis, hématuries, métrorragies ou saignements du tractus digestif, notamment lorsqu'ils sont minimes et répétés favorisent un déséquilibre du bilan du fer. De nombreuses pathologies peuvent être ainsi impliquées : fibrome utérin, endométriose, varices Å“sophagiennes, hernie hiatale, ulcère, polypes et tumeurs digestives… Dans les pays industrialisés, seules certaines pathologies particulièrement fréquentes (telles que les hémorroïdes), la prise de certains médicaments (aspirine, et à un moindre degré anticoagulants, anti-inflammatoires…) ou les dons du sang (surtout lorsqu'ils sont répétés plusieurs fois dans l'année) doivent être pris en compte. Dans les pays tropicaux et subtropicaux, certaines pathologies parasitaires (telles l'ankylostomiase ou la trichocéphalose), par les saignements qu'elles entraînent sont un facteur majeur dans la non-couverture des besoins en fer d'une large fraction de la population.

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