3
-
Signaux de régulation périphériques
Le système nerveux central reçoit un ensemble de signaux afférents, interagissant entre eux que l'on peut séparer en deux catégories :
-
Les signaux de régulation à court terme : ces signaux ne sont pas générés proportionnellement à la masse adipeuse, mais ils sont directement liés à la prise alimentaire. Ils incluent des informations sensorielles, neurales et humorales élaborées pendant la prise alimentaire, la digestion et la métabolisation des nutriments. La durée d'action de ces signaux correspond à l'intervalle interprandial. Ils interviennent sur le volume et la durée de la prise alimentaire qui les génère, sur la durée de la période de satiété qui fait suite à cette prise alimentaire, mais aussi sur le rassasiement lors de la prise alimentaire suivante.
-
Les signaux de régulation à long terme : Ces facteurs sont essentiellement de nature hormonale, leur intensité est liée à l'adiposité, leur action est retardée par rapport à la prise alimentaire. Ils agissent en modulant l'impact des signaux à court terme sur les régions cérébrales qui contrôlent la prise alimentaire et en exerçant des effets directs sur les voies hypothalamiques contrôlant l'équilibre énergétique.
3
.
1
-
La régulation à court et à moyen terme
Déclenchement de la prise alimentaire : la faim
Historiquement, l'initiation de la prise alimentaire était considérée comme la réponse comportementale à la perception par le cerveau d'un déficit énergétique. La nature du signal a été identifiée d'abord chez le rat, puis chez l'homme comme une baisse transitoire de la glycémie, atteignant en moyenne 10 à 12 % du niveau basal. Cette baisse très transitoire ne peut être objectivée que par un dosage continu de la glycémie. La prise alimentaire ou la faim surviennent dans les minutes qui suivent cette inflexion glycémique.
La satiété
Dès le début du repas, le système nerveux reçoit des signaux périphériques, interagissant entre eux et désignés collectivement par le terme « cascade de la satiété » (fig. 3).
Les signaux sensoriels
Pendant la phase ingestive, la prise alimentaire est modulée par des facteurs sensoriels : aspect, goût, odeur et texture des aliments. Elle est augmentée si les aliments sont palatableDéfinitiondéfinit le caractère agréable d'un aliment. Il résulte de la perception qu'a le sujet du goût, de l'odeur et de la texture de cet aliment.s alors qu'elle s'arrête très vite si la sensation est désagréable. Cette régulation sensorielle de la prise alimentaire est modulée par deux phénomènes :
- L'adaptation anticipatoire : l'expérience antérieure permet d'associer la saveur d'un aliment aux réactions postingestives et ainsi d'associer par anticipation l'ensemble des caractéristiques sensorielles à la valeur énergétique et nutritionnelle d'un aliment. L'adaptation anticipatoire peut dans des situations plus rares conduire au phénomène d'aversion, qui amène par un phénomène de conditionnement, à refuser la consommation d'un aliment lorsque ses caractéristiques sensorielles sont associées à une expérience antérieure négative (nausée, malaises).
- L'alliesthésie : c'est la diminution du caractère agréable d'un aliment avec la quantité ingérée.
Les signaux digestifs
La distension gastrique : l'arrivée des aliments dans l'estomac stimule les mécanorécepteurs de la paroi gastrique qui, par voie vagale, transmettent les informations au système nerveux central. Cet effet est toutefois transitoire.
Les hormones et peptides entéro-digestifs : l'arrivée des aliments dans le tube digestif entraîne la sécrétion d'un certain nombre d'hormones ou de peptides (insuline, cholécystokinine PYY 3-36, bombésine, entérostatine, glucagon-like peptide-1, apoprotéine A-IV…) qui réduisent la prise alimentaire. L'importance physiologique de la plupart de ces peptides n'est pas encore établie. Trois d'entre eux jouent un rôle important et démontré chez l'homme dans la satiété post prandiale : la cholécystokinine et l'insuline et le PYYY 3-36.
- La cholécystokinine (CCK). Ce peptide est sécrété par certains entérocytes dans la circulation en réponse à l'arrivée de lipides et de protéines dans la lumière intestinale. L'administration de CCK chez l'animal comme chez l'homme diminue la prise alimentaire. Cet effet est plus important lorsque la CCK est administrée par voie intra péritonéale. La vagotomie bloque les effets de la CCK injectée en périphérie sur la satiété, ce qui suggère que le message satiétogène de la CCK est relayé au cerveau par le nerf vague.
- L'insuline. La sécrétion d'insuline pendant la période post prandiale est stimulée par l'arrivée de glucose dans la circulation porte. L'effet de l'insuline sur la prise alimentaire dépend de la dose et de la voie d'administration. L'insuline injectée dans la veine porte hépatique n'affecte pas la prise alimentaire, mais lorsqu'elle est injectée en intra cérébro-ventriculaire, elle la diminue. Les effets de l'insuline sur la satiété chez l'homme sont difficiles à mettre en évidence en raison de l'hypoglycémie qui survient lorsque l'insuline est injectée en périphérie.
- Le PYY 3-36 sécrété par le tube digestif proportionnellement au contenu énergétique du repasDéfinitionprise alimentaire normée. La prise d'un repas, répond à des facteurs socioculturels qui influencent la répartition de la prise alimentaire dans la journée. , il inhibe la prise alimentaire probablement par action au niveau des récepteurs Y2R du noyau arqué.
La présence de nutriments dans l'intestin grêle : La perfusion de nutriments dans le tube digestif avant et pendant un repas induit une sensation prématurée de satiété et une diminution de la prise alimentaire. Le mélange à un repas de gomme de guar qui augmente le temps de contact des nutriments avec les cellules intestinales prolonge l'effet satiétant de celui-ci. Ces expériences démontrent l'importance des chémorécepteurs intestinaux dans la durée de la satiété postprandiale. Ces chémorécepteurs sont situés le long de l'intestin grêle et sont spécifiques de chaque type de nutriment.
L'oxydation des nutriments
Le métabolisme des substrats énergétiques génère des signaux qui permettent au cerveau de contrôler la prise alimentaire. La diminution de l'utilisation du glucose, de l'oxydation des acides gras ou du contenu intra-hépatique de l'ATP augmente la prise alimentaire. Le catabolisme des glucides et des lipides conduit à la phosphorylation oxydative et à la production d'ATP. Ainsi, il apparaît que l'oxydation intra-hépatique et/ou intra cérébrale des substrats génère des signaux qui modifient la prise alimentaire du repas suivant. Un certain nombre d'observations suggèrent que la production hépatique d'ATP est un mécanisme contrôlant la prise alimentaire.
3
.
2
-
La régulation à long terme de la prise alimentaire
Mise en évidence
La régulation du niveau de masse grasse par un facteur hormonal a été démontrée au début des années 1950 par les expériences de parabioseDéfinitionTechnique chirurgicale consistant à mettre en contact le tissu sous-cutané de deux animaux, ce qui permet la diffusion de facteurs humoraux d'un animal à l'autre. de Hervey. Ces expériences ont été réalisées avec un rat rendu obèse par lésion de l'hypothalamus ventro-médian et un rat normal. Dans ces conditions l'animal normal développait une anorexie et une perte de poids. Cette expérience suggérait qu'un signal hormonal ment obèses par mutation autosomique récessive au niveau du locus du gène ob (souris ob/ob)avec des souris normales. Dans ce cas, le comportement des souris normales demeurait inchangé alors que la prise alimentaire et le poids diminuaient chez les souris obèses. Coleman en a déduit que l'obésité des souris ob/ob était la conséquence d'un défaut de production d'un signal hormonal qui supprimait la prise alimentaire. Ce n'est que 25 ans plus tard que le gène ob a pu être cloné et que la protéine qu'il exprime a été synthétisée et dénommée leptine.
Facteurs hormonaux impliqués dans la régulation à long terme du bilan énergétique
Facteurs diminuant la prise alimentaire
-
L'insuline : Les taux d'insuline circulant sont proportionnels à la masse du tissu adipeux blanc, et l'administration intra cérébrale d'insuline induit hypophagie et perte de poids. Toutefois la demi-vie de l'insuline est courte et la sécrétion d'insuline s'ajuste très rapidement aux changements métaboliques. Elle apparaît ainsi comme un signal reflétant l'interaction entre les processus métaboliques immédiats et le niveau d'adiposité.
-
La leptine : Les taux circulants de leptine reflètent la totalité de la masse adipeuse, ce qui explique que le niveau de leptine s'élève avec l'obésité. Toutefois le niveau de masse adipeuse n'est pas le seul déterminant de la concentration de leptine, c'est ainsi qu'à adiposité égale, elle est plus élevée chez la femme que chez l'homme. Contrairement aux premières descriptions, la leptine est sensible à l'apport alimentaire, elle diminue lors du jeûne et s'élève après le repas. Cette élévation postprandiale, est tardive, elle commence 4 à 5 heures après la prise alimentaire, elle est proportionnelle à la quantité d'insuline sécrétée. L'activité physique diminue également la leptine circulante. Ainsi la leptine est un marqueur de variation des stocks énergétiques, et son rôle apparaît notamment très important dans les situations de carence énergétique. La leptine inhibe la prise alimentaire et augmente la dépense énergétique par l'intermédiaire de son interaction avec ses récepteurs spécifiques de l'hypothalamus. Elle active les voies anorexigènes (POMC) et inhibe les voies orexigènes (NPY/AGRP) (figure 2).
Facteurs augmentant la prise alimentaire
-
La ghréline : La ghréline est un peptide sécrété par l'estomac et le duodénum. Elle augmente la prise alimentaire chez le rat et l'homme. Son taux est diminué chez les sujets obèses et augmente après amaigrissement.. Elle a au niveau de l'hypothalamus une action antagoniste de la leptine: elle active les neurones à NPY, et diminue l'action anorexigène de la leptine (figure 2).
3/5