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Métabolisme et physiologie des oligo-éléments
Comme le rôle biologique, le métabolisme des éléments traces est régi par leur liaison aux protéines. L'homéostasie des oligo-éléments, c'est-à-dire la régulation de leur teneur dans l'organisme, est régie par des phénomènes d'induction de ces métalloprotéines.
A la lumière des connaissances plus ou moins définitives acquises dans les destinées métaboliques de certains éléments, nous avons tenté de symboliser de façon synthétique et schématique ce qu'il est possible d'envisager comme les différentes étapes du métabolisme d'un oligo-élément.
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L'absorption
L'absorption : sa complexité relève de formes chimiques différentes sous lesquelles le métal est apporté par l'alimentation, sels minéraux, complexes organiques (métalloprotéines, organométalliques, acides aminés, vitamines, phytoptes...).
Les mécanismes impliqués vont donc varier selon la forme du métal et relèvent soit de la diffusion simple qui est un mécanisme peu efficace, soit d'un transport actif ou passif par transporteur protéique ou par un transporteur de molécules organiques, le métal étant complexé (Cu et histidine) ou substitué (Se et méthionine) à des acides aminés ou des vitamines, il est alors absorbé sur un « hôte vecteur » tel un parasite, soit enfin d'un stockage dans la cellule intestinale permettant souvent par des protéines peu spécifiques telles les métallothionéines une fixation sur le lieu même d'absorption en cas d'apport rapide ou une élimination par desquamation en cas d'apports toxiques.
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Le transport sanguin
Le transport sanguin : à de rares exceptions près on ne retrouve jamais les oligo-éléments sous forme d'ions libres mais liés à divers types de transporteurs :
- des petites molécules (acides aminés, vitamines) avec lesquels ils forment des complexes ;
- des protéines non spécifiques telle l'albumine qui grâce à ses sites de fixation peut non seulement transporter des acides gras libres, la bilirubine etc., des médicaments mais aussi de nombreux métaux ;
- des protéines spécifiques telles les transferrine, transcobalamine, nickeloplasmine, transmanganine.
Il faut toutefois être très rigoureux dans la définition d'un transporteur métallique ; en effet cette notion ne signifie pas simplement l'existence d'une métalloprotéine dans le plasma, mais exige que cette protéine soit susceptible de capter aisément le métal d'un endroit de l'organisme pour le transporter à un autre et le céder à ce tissu. Ainsi la céruloplasmine semble plus, à l'heure actuelle, devoir être considérée comme une enzyme sérique oxydant le fer ou les amines biogènes du plasma que comme le transporteur actif du cuivre absorbé lors de la digestion, rôle qui doit être dévolu aux acides aminés et à la sérum albumine.
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Le stockage
Le stockage : s'il est le plus souvent hépatique, il est aussi possible dans d'autres tissus ; ici encore une certaine prudence s'impose pour définir sans ambiguïté la forme de stockage. Il faut confronter les estimations de la teneur des tissus en métaux qui ne sont que des éléments statiques aux mesures dynamiques réalisées à l'aide d'isotopes radioactifs permettant de mieux apprécier le turn-over de l'élément. En effet les tissus les plus riches peuvent contenir le métal sous une forme métaboliquement non utilisable, ce qui est souvent le cas du tissu osseux.
Dans les tissus, le métal peut aussi se fixer sur des protéines dites de stockage, soit spécifiques comme la ferritine, soit non spécifiques comme les métallothionéines qui par leurs nombreux groupes thiols (elles contiennent 50 % de cystéine) retiennent de nombreux métaux (cuivre, zinc, manganèse, cadmium, plomb ou mercure), voir figure 5 .
La lyse des cellules contenant les protéines de stockage explique l'augmentation plasmatique de certains oligo-éléments dans des syndromes dits de cytolyse.
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L'utilisation tissulaire
L'utilisation tissulaire : dans les tissus, les métaux ont diverses destinées. Ils peuvent être mis en réserve par incorporation ici encore dans des protéines de stockage ; mais la remarque déjà faite à propos du cuivre doit inciter à une certaine prudence, car de nombreuses cuproprotéines tissulaires se sont ultérieurement avérées en effet être des enzymes : la superoxyde dismutase en est un exemple.
Ils peuvent être métabolisés, oxydés ou réduits sous l'influence d'enzymes spécifiques, c'est le cas du cobalt, ou être méthylés comme le sélénium, le cobalt, le mercure, l'arsenic ; cette méthylation implique comme coenzyme la vitamine B12 méthylée et peut aboutir soit à des dérivés volatils aisément éliminés, soit à des dérivés toxiques.
Ils peuvent enfin être incorporés dans des enzymes : ce qui est nous l'avons vu, leur rôle majeur.
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L'excrétion
L'excrétion : bien que de nombreux tissus puissent participer à l'excrétion des métaux (le poumon pour les méthyl-métaux, la peau par la sueur), l'essentiel du rôle excrétoire reste l'apanage du rein et de la bile.
- Éléments à excrétion essentiellement biliaire : Cu, Fe, Mn, Ni, Sr, V
- Éléments à excrétion essentiellement urinaire : Cr, CO, Se, Mo
- Éléments à excrétion possible par la sueur : Cr, Cu, Zn, Se, Sr
La majorité des oligo-éléments a une excrétion biliaire et possède un cycle entéro-hépatique, les éléments sécrétés par les sécrétions biliaires, intestinales, pancréatiques, très riches en zinc, cuivre, manganèse seront en grande partie réabsorbés dans le duodénum. Cette physiologie particulière complique l'interprétation des études de biodisponibilité des oligo-éléments. Les perturbations de la sphère digestive seront de plus des causes de carences importantes en perturbant ces mécanismes de réabsorption, fistules intestinales, syndromes inflammatoires, pancréatites...
L'élimination urinaire est elle, prépondérante pour les métaux éliminés sous forme « séquestrée » tel le cobalt dans la vitamine B 12 ou sous forme anionique tel le molybdate.
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L'homéostasie des métaux
L'homéostasie des métaux est assurée par la régulation de leur taux d'absorption intestinale, ou par les régulations de leur taux d'excrétion biliaire ou urinaire. Il existe pour certains métaux une influence hormonale, ce qui explique l'existence des cycles nycthéméraux.
Cette régulation se fait par l'induction des protéines de stockage intra cellulaires telles les métallothionéines. Si nous prenons l'exemple de la régulation du métabolisme du zinc, nous observons que la régulation de l'absorption se fait dans la cellule intestinale selon le schéma de la figure 6 . Un excès de zinc a un effet inducteur sur le gène des métallothionéines augmentant la teneur intra cellulaire en ces protéines. Ces protéines fixent alors le zinc en excès dans la cellule, l'empêchant de la traverser rapidement pour gagner le plasma sanguin. Comme les cellules intestinales constituent un épithélium à multiplication rapide et desquamant rapidement, le zinc en excès fixé aux métallo-thionéines sera éliminé dans les selles avec les cellules desquamées empêchant l'absorption d'un excès. Inversement en cas d'apport alimentaire pauvre en zinc la cellule intestinale ne contient que très peu de métallothionéines et le zinc traverse très vite la cellule et passe dans le sang. Le schéma de mécanisme est reproduit en figure 6 . Ce mécanisme conditionne le rendement d'absorption du zinc à la richesse des aliments. Par contre, il pourra se dégrader dans des situations comme le vieillissement entraînant une moins bonne absorption du zinc. De plus les métallothionéines n'étant pas très spécifiques mais pouvant aussi fixer des métaux toxiques (cadmium, mercure) ou utiles (cuivre), un apport excessif de zinc entraînera une augmentation de synthèse des métallothionéines, donc une fixation accrue de ces autres métaux dans l'entérocyte, et une moins bonne absorption. Ce phénomène d'interaction sera observé dans les supplémentations prolongées par des doses élevées de zinc, pouvant être responsable d'anémie par carence en cuivre.
La plupart des oligo-éléments possède des mécanismes homéostatiques basés sur l'induction de protéines de stockage plus ou moins spécifiques, démontrant que ces éléments loins d'être de simples contaminants, disposent dans notre génome de mécanismes sophistiqués régulant leur métabolisme. Des dérèglements génétiques existent d'ailleurs dans des maladies héréditaires du métabolisme du cuivre, du zinc ou du fer et aboutissent à des symptômes cliniques caractéristiques prouvant leur nécessité pour l'homme.
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