Introduction
Longtemps considérés comme des facteurs marginaux de la biologie et de la nutrition de l'homme, les oligo-éléments ont gagné ces dernières années leurs lettres de noblesse et connaissent même un engouement excessif auprès du grand public. L'émergence de ces nutriments n'est pas qu'un facteur de mode, mais surtout le résultat de progrès considérables sur la connaissance du fonctionnement des enzymes, de l'hormonologie, de l'immunologie et de la biologie moléculaire qui ont montré le rôle important joué par ces éléments dans ce domaine.
La propriété la plus importante pour expliquer le rôle de ces minéraux est leur extraordinaire faculté de se fixer sur des protéines, modifiant en se fixant la forme de ces protéines et en changeant alors les propriétés. L'existence de ces protéines appelées métalloprotéines explique aussi bien le métabolisme que le mode d'action de la plupart des oligo-éléments.
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Définition des oligo-éléments essentiels
Les oligo-éléments constituent une classe de nutriments dont la définition ne repose ni sur des propriétés chimiques ni sur des propriétés biologiques homogènes.
Leur définition donnée au début du siècle par Gabriel Bertrand est avant tout analytique, par opposition aux éléments chimiques majeurs du corps humain (tableau I) , les oligo-éléments sont présents à une teneur inférieure à 1 mg/kg de poids corporel.
Toutefois Gabriel Bertrand avait déjà pressenti le caractère indispensable de certains d'entre eux.
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Essentialité des oligo-éléments
Les oligo-éléments essentiels sont ceux qui répondent aux critères fixés par Cotzias :
- être présents dans les tissus vivants à une concentration relativement constante ;
- provoquer, par leur retrait de l'organisme, des anomalies structurelles et physiologiques voisins dans plusieurs espèces ;
- prévenir ou guérir ces troubles par l'apport du seul élément.
Actuellement grâce aux progrès des méthodes d'analyse, de la purification des nutriments de base (eau, glucides, protéines, vitamines), à l'amélioration des conditions d'élevage (cages en quartz, air ultrafiltré) un nombre croissant d'oligo-éléments ont été démontrés essentiels à des doses infimes chez l'animal.
Or, pour les derniers éléments (Cd, Pb, As), dont les carences expérimentales ont montré des perturbations chez l'animal, aucun signe de carence n'a encore pu être observé chez l'homme. Compte tenu du niveau élevé d'apport par la pollution de notre environnement ces oligo-éléments se trouvent dans notre organisme à un niveau moyen plus proche du niveau toxique.
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Toxicité des oligo-éléments
Une des particularités des oligo-éléments est effectivement qu'ils peuvent tous provoquer des désordres importants lorsqu'ils sont apportés à des taux trop élevés dans l'alimentation humaine.
Il convient de ne jamais oublier cette particularité que l'effet de l'apport d'un oligoélément dépend de la dose. Lorsque l'oligoélément est essentiel l'absence comme l'apport massif seront létaux.
On peut distinguer :
- Les oligo-éléments essentiels à risque de carence démontré chez l'homme : Iode, Fer, Cuivre, Zinc, Sélénium, Chrome, Molybdène, (Fluor*).
- Les oligo-éléments essentiels à faible risque de carence (non prouvée chez l'homme) : Manganèse, Silicium, Vanadium, Nickel, Étain, (Cobalt*).
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Mécanismes expliquant l'essentialité des oligo-éléments
Il est certes délicat d'émettre une explication finaliste, toutefois certaines hypothèses expliquent ce caractère indispensable des éléments traces. Dès l'origine de la vie ils étaient présents à l'état de trace dans la mer originelle où les cellules vivantes sont apparues. Ces métaux possédaient des propriétés naturelles de catalyseurs, notamment d'oxydoréduction. Les premiers êtres vivants, ayant à réaliser des opérations de catalyses pour se procurer leur énergie, ne pouvaient pas ne pas utiliser ces traces de métaux pour lier et maîtriser l'oxygène qui venait d'apparaître sur terre. Il est d'ailleurs intéressant de noter que la teneur relative des minéraux dans les liquides du corps est proche de celle de l'eau des mers.
D'autre part, leur faible teneur en faisait des candidats idéaux pour être utilisés comme messagers et servir à la cellule d'indicateurs de l'état du milieu extérieur, puis à l'organisme de ses apports alimentaires. Ces deux fonctions : catalyse et contribution au message hormonal constituent la base de l'action des oligo-éléments.
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La liaison métal-protéine
Il s'agit d'un phénomène fondamental, car, à de rares exceptions, les métaux n'apparaissent jamais à l'état d'ions libres dans l'organisme ; ils sont absorbés, transportés, mis en réserve et agissent liés à une protéine. Les métaux peuvent présenter deux types de liaisons avec les protéines :
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des liaisons ioniques : c'est le cas des métaux alcalins ou alcalino-terreux (Na, K, Ca) chargés positivement qui forment alors par liaison ionique des protéinates très facilement dissociables avec les groupements acides de la protéine chargés négativement ;
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des liaisons de coordination : ces liaisons proches de la liaison covalente sont celles de tous les oligo-éléments métalliques qui forment avec les protéines des complexes de force variable et qui lorsqu'ils sont difficilement dissociables constituent des métalloprotéines.
Cette possibilité de former des complexes qu'ont les oligo-éléments, provient du fait qu'il s'agit en majorité d'éléments de transition, qui à l'état ionisé possèdent des orbitales incomplètes. Ils peuvent donc former des orbitales d'hybridation avec des atomes voisins appelés ligands fournissant par coordinance les deux électrons occupant la nouvelle orbitale.
Les coordinances les plus fréquentes seront d'ordre 4 ou 6 ; les oligo-éléments légers tel le zinc donnant essentiellement des complexes à coordinance égale à quatre, les autres éléments donnant généralement des coordinances égales à six.
On voit sur la figure 1 que ce type de complexe aboutit à une structure géométrique fixe, ceci nous permet déjà de comprendre le rôle des métaux dans le maintien de la structure tertiaire des protéines, puisque les atomes de ligands fournis par la protéine devront occuper des positions fixes dans l'espace imposé par le type de coordinance du métal.
Les ligands fournissant les atomes de coordination qui se lient au métal seront, soit des hétéroatomes des groupements fonctionnels de la protéine (groupes aminés, thiols, imidazols), soit les atomes impliqués dans la liaison peptidique elle-même, soit les atomes d'un groupement prosthétique de type héminique ou corrinique lui-même fixé à la protéine comme l'hème de l'hémoglobine.
Des études faites et regroupées par Williams établissent un lien entre chaque oligo-élément et un type de ligand, les seuls liens que l'on puisse bien individualiser sont l'affinité du manganèse pour l'oxygène, du cuivre pour l'azote, du zinc et du cadmium pour le soufre.
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Certains oligo-éléments sont des cofacteurs d'enzymes
La plupart des oligo-éléments sont des métaux de transition et peuvent donc se lier aux molécules de protéines que sont les enzymes, en changeant leur forme dans l'espace, et donc en modifiant leur vitesse de réaction. Cette liaison d'un métal à un enzyme est généralement très spécifique d'un métal pour un enzyme donné. Le métal se comporte alors comme un cofacteur indispensable à l'activité enzymatique au même titre que les coenzymes qui sont des cofacteurs organiques issus des vitamines, tel le phosphate de pyridoxal issu de la vitamine B6.
Un très grand nombre de métallo-enzymes a pu être identifié chez les êtres vivants, dont plus de 200 enzymes pour le seul atome de zinc. Un exemple de la structure de ces enzymes à zinc, l'anhydrase carbonique, est donné en
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Ces enzymes sont présents dans de très nombreux métabolismes (lipides, glucides, protéines, ADN...) et, régulent de très nombreuses fonctions (reproduction, croissance, fonctionnement du cerveau...). Une baisse de la teneur des cellules en un oligo-élément donné se traduira par une baisse d'activité des enzymes ayant cet oligo-élément comme cofacteur.
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Certains oligo-éléments entrent dans la structure de vitamines
C'est le cas du cobalt complexé au sein du cycle corrinique de la vitamine B 12, mais aussi du molybdène qui entre dans une structure organique appelée molybdo-bioptérine.
Dans ce cas le métal n'est pas un cofacteur directement lié à l'enzyme mais entre dans la composition d'un coenzyme organique dissociable.
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Certains oligo-éléments participent à l'expression des signaux hormonaux
Le mode d'action des oligo-éléments vis-à-vis des hormones est très diversifié. Ils peuvent participer comme cofacteurs d'enzyme à la synthèse de molécules hormonales, ainsi le zinc est un cofacteur de la delta-5 réductase du métabolisme de la testostérone produisant la dihydrotestostérone ou des delta-9 désaturases du métabolisme des prostaglandines.
Certains oligo-éléments participent directement à la structure moléculaire de l'hormone, contribuant à lui donner une forme spatiale optimum pour être reconnue par son récepteur ; soit parce qu'ils font partie intégrante de cette molécule par des liaisons covalentes comme l'iode des hormones thyroïdiennes, soit parce qu'ils se lient à l'hormone protéique pour lui donner une forme active, comme le zinc agit avec l'insuline ou la thymuline.
Mais les oligo-éléments peuvent agir aussi au niveau du récepteur hormonal soit en facilitant, soit en inhibant la fixation de l'hormone sur son récepteur membranaire.
Une découverte récente a permis de comprendre l'action du zinc sur une famille de protéines dont le rôle est de pénétrer dans la chaîne d'ADN à un endroit précis, au niveau d'un gène, pour ouvrir cette chaîne et permettre la lecture de ce gène par la RNA polymérase DNA dépendante ( figure 3 ).
Ces protéines très importantes dans la régulation des gènes sont des « Zinc Finger Proteins » ou protéines à doigt de zinc, qui possèdent dans leur séquence des molécules de cystéine ou d'histidine régulièrement espacées qui leur permettent, en fixant du zinc, de prendre une structure opérationnelle en hélice alpha qui va s'intercaler dans la zone complémentaire de l'ADN.
Un nombre considérable de ces protéines (tableau II) a déjà été isolé, dont le récepteur des stéroïdes ou le récepteur de l'acide rétinoïque et de nombreux facteurs de croissance ou des facteurs de transcription du génome. Cette action du zinc, indispensable à ces récepteurs hormonaux ou ces facteurs de croissance ou de différenciation, explique son action positive sur la multiplication ou la différenciation cellulaire, ainsi sans doute que l'effet tératogène des carences en cet élément.
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Certains oligo-éléments participent à des fonctions de défense de l'organisme
Un certain nombre d'oligo-éléments (fer, zinc, sélénium) participent à la défense immunitaire. Leur mécanisme d'action peut s'expliquer par des enzymes mais aussi par des molécules jouant un rôle dans l'expression, la transformation des cellules lymphoïdes grâce à des récepteurs membranaires.
Des molécules comme la transferrine ou la thymuline jouent de tels rôles en liaison avec des oligo-éléments. La thymuline, hormone découverte par Bach, ne devient active que si elle est complexée par du zinc, ce qui induit un changement de structure spatiale de ce nonapeptide, lui permettant alors de faciliter la prolifération des lymphocytes.
Les oligo-éléments participent aussi à la lutte contre les radicaux libres de l'oxygène, conséquence parfois heureuse, parfois toxique de la vie aérobie. Depuis leur passage à la vie aérobie, les êtres vivants ont appris non seulement à vivre avec l'oxygène, mais surtout à l'utiliser sous toutes ses formes y compris ses espèces radicalaires, notamment comme moyen de défense antibactérien. Toutefois il s'agit de formes chimiques extrêmement réactives, donc potentiellement dangereuses. Les principaux mécanismes permettant de faire passer l'oxygène à l'état radicalaire (oxygène singulet, anion superoxyde, radical hydroxyl) par une ou plusieurs réductions monovalentes sont : l'activation de cellules (macrophages, monocytes, polynucléaires, cellules endothéliales), la présence dans un tissu de traces de fer ou d'un métal toxique (nickel, plomb, arsenic) non lié aux protéines, l'auto-oxydation ou l'oxydation par le cytochrome P 450 de composés organiques xénobiotiques (herbicides, médicaments...) ou endogènes (catécholamines), l'effet des rayonnements ultraviolets ou ionisants (rayons X, gamma), le fonctionnement anormal de la chaîne respiratoire mitochondriale...
Il est actuellement établi que les radicaux libres oxygénés sont impliqués dans les phénomènes de cytotoxicité et de mutagenèse, entrant en jeu au niveau cutané dans les processus d'héliodermie et de carcinogenèse, au niveau cérébral dans la maladie de Parkinson et d'Alzheimer, au niveau circulatoire dans l'athérome et les lésions post-ischémiques, dans l'insuffisance pulmonaire, l'inflammation, la cataracte et de nombreuses autres maladies liées au vieillissement. Les cibles biologiques de l'agression radicalaire sont nombreuses (protéines, ADN, membranes, lipoprotéines...) et diversement atteintes. Pour maintenir leur intégrité, les cellules sont pourvues de molécules, telles certaines vitamines (C, E, carotènes) capables de piéger et d'inactiver les radicaux libres (piégeurs dits « scavengers ») et de systèmes enzymatiques antiradicalaires (figure 4) comprenant les superoxydes dismutases à cuivre et zinc, ou à manganèse, les catalases, les glutathions peroxydases sélénodépendantes. Toutes ces enzymes utilisent des cofacteurs oligo-éléments, cuivre, zinc, manganèse, sélénium qui sont donc appelés oligo-éléments antioxydants.
Les êtres vivants disposent ainsi, en partie grâce aux oligo-éléments, de moyens efficaces pour protéger leurs cellules, de systèmes de limitation de la production des radicaux oxygénés à un niveau raisonnable dans certains tissus, mais aussi de mécanismes de réparation et d'adaptation rapide face à une surproduction endogène ou exogène brutale, appelée choc oxydant.
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Certains oligo-éléments jouent un rôle structural
Bien qu'étant présents à l'état de trace, ils peuvent renforcer la solidité de certains tissus : le Fluor en remplaçant un hydroxyl dans l'hydroxyapatite des os et des dents, le Silicium en reliant les fibres de collagène à celles de mucopolysaccharides des tissus conjonctifs.
Le rôle des oligo-éléments s'exerce donc de façon variée sur des mécanismes fondamentaux (enzymes, hormones, mécanismes de défense...), qui deviendront défaillants en cas d'apports insuffisants en ces nutriments.
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