3  -  Argumenter les principales hypothèses diagnostiques

3 . 1  -  Stratégie générale

La stratégie diagnostique est centrée sur la différenciation entre une maladie de Raynaud (phénomène de Raynaud primaire) et un phénomène de Raynaud secondaire. La haute prévalence de l’affection (environ 10 % de la population générale) impose un bilan simple d'autant qu’il s’agit le plus souvent d’une maladie de Raynaud qui est un spasme excessif au froid.

Le bilan est avant tout clinique, à la recherche d'arguments permettant de douter de l'origine primitive du phénomène de Raynaud. Lorsqu’il existe des arguments cliniques permettant de suspecter un phénomène de Raynaud secondaire, les deux examens de première intention sont la capillaroscopie et le dosage des anticorps anti-noyau.

3 . 2  -  Les éléments de suspicion clinique

Les éléments qui permettent de considérer comme suspect un phénomène de Raynaud sont :

  • l’association à des nécroses pulpaires
  • l’association à des signes cliniques permettant d’évoquer d’autres maladies (sclérose cutanée, télangiectasies, calcinose, syndrome sec, arthralgies, toux, dyspnée, râles crépitants...)
  • le caractère unilatéral
  • l’abolition d’un pouls
  • la positivité de la manoeuvre d’Allen
  • une palpation thyroïdienne anormale
  • la survenue après 40 ans ou avant 10 ans
  • l’absence de rémission estivale
  • l’absence d’antécédents familiaux
  • l’atteinte des pouces
  • le sexe masculin
  • la grande maigreur (anorexie mentale)


Lorsqu’aucun de ces éléments cliniques n’est présent, le diagnostic de maladie de Raynaud est hautement probable et aucun examen complémentaire n’est nécessaire.

3 . 3  -  Les hypothèses étiologiques

L’étiologie de loin la plus fréquente est la maladie de Raynaud mais dès qu’existe un élément de suspicion clinique il faut évoquer d’autres étiologies, potentiellement graves.

3 . 3 . 1  -  Chez une femme

Il faut évoquer avant tout une sclérodermie systémique, dont le phénomène de Raynaud est souvent le premier signe, en moyenne 10 ans avant l’apparition de la sclérose cutanée. Les sclérodermies systémiques sont des maladies auto-immunes caractérisées par une microangiopathie et une fibrose. On distingue des sclérodermies limitées : phénomène de Raynaud, sclérodactylie, atteinte oesophagienne et bon pronostic en-dehors du risque d’hypertension artérielle pulmonaire (10% des sclérodermies donc nécessité d’une échographie cardiaque annuelle). Les sclérodermies diffuses sont caractérisées par :

  • un phénomène de Raynaud,
  • une atteinte cutanée extensive touchant le tronc,
  • une fibrose pulmonaire pouvant évoluer vers l’insuffisance respiratoire (nécessité d’explorations fonctionnelles respiratoires avec mesure de la diffusion de l’oxyde de carbone tous les ans),
  • une myocardiopathie,
  • un risque de crises rénales (hypertension artérielle, insuffisance rénale rapidement progressive, anémie microangiopathique).


Les autres connectivites peuvent aussi comporter un phénomène de Raynaud plus rarement révélateur (syndrome de Sharp, dermatopolymyosite, lupus érythémateux aigu disséminé).

3 . 3 . 2  -  Chez un homme

Il faut évoquer avant tout une maladie de Leo Buerger (thromboangéite oblitérante). Il s’agit d’une artériopathie distale non athéromateuse touchant des patients jeunes
(début avant 45 ans) et tabagiques, parfois aussi consommateurs de cannabis. Le tableau associe un phénomène de Raynaud, une ischémie permanente qui se caractérise par des troubles trophiques de doigt ou d’orteil et des douleurs de repos.
L’atteinte artérielle est distale (au-delà des genoux et des coudes). Il peut s’y associer des thromboses veineuses superficielles ou profondes.

3 . 3 . 3  -  Cas particuliers

  • Bien que ces situations soient plus rares, un homme peut présenter une sclérodermie et une femme peut présenter une maladie de Leo Buerger. Il faut prendre en compte le contexte qui peut d’emblée orienter vers des étiologies particulières.
  • Il existe des phénomènes de Raynaud professionnels : maladie des vibrations (bûcheron, maniement des engins vibrants...), syndrome du marteau hypothénar : anévrisme emboligène ou occlusion de l’artère cubitale (carreleur, maçon, sportif intensif : karaté, volley-ball, VTT...). D’autres maladies professionnelles sont maintenant exceptionnelles : intoxication par le chlorure de vinyle, association silicose et sclérodermie (syndrome d’Erasmus).
  • Il existe des phénomènes de Raynaud iatrogènes : béta-bloquants y compris collyres, dérivés de l’ergot de seigle, tryptans, sympathomimétiques nasaux, amantadine, bléomycine, interféron. Le traitement de la migraine chez les patientes souffrant de phénomène de Raynaud, éventualité fréquente, est difficile.
  • Le syndrome de la traversée thoraco-brachiale est très rarement révélé par un phénomène de Raynaud. Dans ce cas il existe une anomalie osseuse (côte cervicale) responsable d’un anévrisme sous-clavier, diagnostiqué par échographie, qui donne des embolies distales et parfois des ischémies aigües particulièrement graves.
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