Introduction

La Dermatite Atopique (DA) (ou eczéma constitutionnel) est une affection inflammatoire prurigineuse chronique commune chez l'enfant et l'adulte jeune, qui est sous la dépendance de facteurs héréditaires mais dont l'augmentation de prévalence au cours des dernières décennies s'explique préférentiellement par l'influence de facteurs environnementaux encore mal compris.

Les caractéristiques anatomopathologiques sont très proches de celles observées dans l'eczéma de contact et incluent une atteinte épidermique prédominante avec un afflux de lymphocytes T (exocytose) et un œdème intercellulaire (spongiose) réalisant des vésicules microscopiques. Le derme superficiel comporte un infiltrat mononucléé péri-vasculaire. La dilatation des capillaires superficiels est responsable de l'érythème et l'extravasation de protéines plasmatiques de papules œdémateuses. Les vésicules peuvent être visibles macroscopiquement. Leur rupture à la surface de la peau détermine le caractère suintant et croûteux des lésions, et constitue un excellent milieu de culture pour les contaminants bactériens, d'où la fréquence de la surinfection (impétiginisation) staphylococcique. Du fait du grattage, l'épiderme s'épaissit (lichénification) et devient, chez l'enfant et l'adulte moins susceptible à un suintement issu des vésicules. Les lésions de grattage peuvent cependant déterminer des brèches épidermiques et une exsudation secondaire.

1  -  Physiopathologie

La DA est la manifestation cutanée de l'atopie, caractérisée par l'existence de manifestations d'hypersensibilité médiée par des IgE et par des lymphocytes T spécifiques. L'atopie, en relation avec une prédisposition génétique, de nature multigénique, à sécréter des quantités élevées d'IgE en réponse à des antigènes de l'environnement, encore appelés parfois « atopènes », peut s'exprimer par des manifestations respiratoires (asthme), ORL (rhinite), ophtalmologiques (conjonctivite), digestive (allergie alimentaire) et cutanées (DA). L'atopie se définit par la coexistence dans la vie d'un individu (souvent à des périodes différentes de sa vie) de ces différents types de manifestations et/ou par l'existence d'une telle association chez plusieurs membres d'une famille.

Les mécanismes physiopathologiques à l'origine des lésions d'eczéma impliquent trois partenaires : l'antigène, les cellules présentatrices d'antigène du groupe des Cellules Dendritiques (CD) et les Lymphocytes T (LT) spécifiques. Alors que, dans la réaction d'eczéma de contact, les molécules prises en charge par les Cellules de Langerhans (CL) sont des haptènes (molécules de faible poids moléculaire), qui diffusent à travers l'épiderme, au cours de la DA les antigènes/allergènes (acariens, phanères, pollens) sont de grosses protéines (plusieurs centaines de milliers voire millions de daltons) classiquement incapables de pénétrer facilement dans les couches superficielles de l'épiderme et d'être prises en charge par les CL. Cependant ces allergènes sont porteurs d'activité enzymatique de type protéasique, ce qui leur confère probablement la propriété de pénétrer l'épiderme et d'être pris en charge par les CL dont on connaît le rôle indispensable dans l'induction des réponses immunitaires spécifiques d'antigène. Le rôle de facteurs irritants associés sur une peau particulièrement sèche est également vraisemblable. La DA doit donc être considérée comme une hypersensibilité retardée de contact aux allergènes de l'environnement. Comme pour l'eczéma de contact, il faut considérer 2 phases : une phase de sensibilisation puis une phase d'expression de l'eczéma. L'expérience clinique montre que beaucoup de facteurs non immunologiques (psychologique, physiques, chimiques) vont permettre ou non le développement des lésions d'eczéma chez un individu sensibilisé.

1 . 1  -  La phase de sensibilisation

Elle ne survient que chez des individus prédisposés génétiquement puisque les allergènes sont présents dans l'environnement habituel de tout individu. La sensibilisation s'effectue dans l'enfance. Elle peut se faire à partir de la pénétration cutanée des antigènes mais aussi par voie respiratoire ou digestive. La pénétration des allergènes à travers la peau est favorisée par les anomalies de la barrière qui caractérisent les patients atopiques. La peau atopique est sèche (xérose) et il manque le film hydrolipidique naturel protecteur qui limite le contact direct des molécules de l'environnement avec la couche cornée. Des anomalies de cohésion des cellules cornées majorent ce déficit de la barrière cutanée. Le prurit de l'eczéma atopique en dehors des poussées d'eczéma est lié à la xérose cutanée et aboutit à la pénétration des molécules en contact direct avec la peau. Les allergènes peuvent alors être pris en charge par les CL. Il est donc logique de penser que leur pénétration à travers l'épiderme puisse suffire à générer une sensibilisation lors des premiers contacts avec les allergènes, puis des lésions d'eczéma lors des contacts ultérieurs.

Néanmoins, la pénétration des allergènes n'est pas limitée au tissu cutané, mais peut se faire à travers toute interface milieu extérieur / épithéliums de revêtement, en particulier les muqueuses respiratoires (pneumallergènes) et digestive (trophallergènes / allergènes alimentaires mais aussi pneumallergènes). L'allergène est alors pris en charge par des cellules dendritiques présentatrices d'antigènes de ces différents épithéliums. Ces voies de pénétration muqueuse sont certainement très importantes pour la sensibilisation des nourrissons et des petits enfants puisque le système immunitaire muqueux est immature; la fonction de barrière réalisée par les IgA sécrétoires n'est pleinement développée que vers l'âge de 10 ans et les 1ers mois de la vie sont cruciaux pour la mise en place correcte des mécanismes normaux de tolérance aux antigènes de l'environnement qui caractérisent l'immunité muqueuse. Il est également certain que l'inhalation de pneumallergènes ou l'ingestion de trophallergènes peuvent induire des poussées cutanées au cours de la DA.

Les lésions d'eczéma de la DA nécessitent une présentation de peptides d'allergènes par des cellules dendritiques à des LT spécifiques CD4+ et CD8+ par présentation de complexes peptide / CMH de classe II et de classe I respectivement dans les ganglions lymphatiques drainant le site de pénétration de l'antigène ainsi qu'à des lymphocytes B qui, différenciés en plasmocytes, synthétiseront des IgE. L'activation de sous-populations de LT CD4+ douées d'activité régulatrice (CD4+CD25+) est également possible. Des lymphocytes CD8+ de type Tc2 synthétisant de l'IL-5 et de l'IL-13 pourraient également être impliqués. Les LT mémoires quittent alors le ganglion et se retrouvent dans la circulation générale. La migration préférentielle dans les tissus cutanés serait liée à l'expression des molécules CLA (Cutaneous Lymphocyte Antigen) par les LT spécifiques autorisant une interaction avec des sélectines des veinules post-capillaires dermiques et ainsi leur reciblage vers les structures cutanées.

Ces IgE spécifiques des allergènes qui ont été synthétisées par les plasmocytes vont ensuite se fixer sur les CL cutanées qui possèdent des récepteurs de forte affinité, FceRI capables de lier les Fc des IgE. L'expression des récepteurs aux IgE sur les CL n'est pas un phénomène stable mais varie considérablement en fonction de l'environnement de la cellule et du taux d'IgE circulant. Cette expression faible en peau non lésionnelle augmente beaucoup en peau inflammatoire de DA ou d'autres dermatoses. Ces observations suggèrent que des cytokines de type Th2 (IL-4, IL-13) produites par l'infiltrat inflammatoire modulent l'expression des FcR aux IgE.

1 . 2  -  La phase d'expression de l'eczéma

Une fois l'individu sensibilisé par voie cutanée ou muqueuse, les contacts ultérieurs avec l'allergène en cause peuvent induire des lésions d'eczéma. L'allergène pénètre les couches superficielles de l'épiderme, est pris en charge par les CL épidermiques et des cellules dendritiques dermiques ayant des IgE fixées à leurs récepteurs de surface. Les allergènes fixés par les IgE induisent le pontage des molécules d'IgE aboutissant à 2 phénomènes: l'internalisation des allergènes et l'activation des CL, aboutissant à leur migration et à la production de cytokines inflammatoires comme l'IL-1, l'IL-6, l'IL-8 ou le TNFa. Après internalisation du complexe IgE / allergène, se déroule l'apprêtement des allergènes qui aboutit à l'expression de peptides dans les niches présentatrices des molécules du Complexe Majeur d'Histocompatibilité (CMH).

Les CL migrent dans le derme où elles sont alors capables de présenter les peptides aux LT spécifiques qui activés produisent des cytokines de type Th2 (IL-4, IL-5). L'IL-4 est le facteur principal de commutation isotypique IgG vers IgE et entretient donc la synthèse d'IgE et la production d'IL-5 est responsable de l'infiltration des lésions par des éosinophiles. L'activation des lymphocytes T est suivie de l'activation d'autres types cellulaires, kératinocytes et cellules endothéliales principalement, ce qui aboutit à la production de cytokines inflammatoires et à la production de chimiokines permettant le recrutement des cellules inflammatoires du sang vers la peau.

1 . 3  -  Régulation de l'inflammation cutanée

L'eczéma de la DA évolue par poussées entrecoupées de rémissions spontanées. Les mécanismes en cause dans la régulation de l'inflammation sont très mal connus. Des arguments indirects suggèrent que la résolution de l'eczéma de la DA passerait par l'activation de LT régulateurs de type 1 producteurs d'IFNg, molécule inhibitrice de l'activation des lymphocytes effecteurs de type 2. Les études cinétiques de production de cytokines au cours du développement des réactions d'eczéma ont récemment montré que la physiopathologie de l'activation lymphocytaire T était en réalité plus complexe. Si 24 heures après le contact cutané avec l'allergène, les LT sont de type 2, dès 48 heures, les LT produisent des cytokines de type 1 (IFNg, IL-2) ou des cytokines partagées par les 2 types 1 et 2, correspondant alors aux LT de type 0.

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