2  -  Démarche étiologique

2 . 1  -  Les éléments de cette démarche

Le diagnostic d’adénopathie posé et ses caractéristiques connues, il faut :

  • préciser s’il s’agit d’une adénopathie unique ou d’une polyadénopathie :
    • l’examen des autres aires ganglionnaires doit être systématique ;
    • on précisera le siège et la taille de ces ganglions éventuels sur un schéma daté ;
    • on y associera la recherche d’une splénomégalie, d’une hépatomégalie et d’une hypertrophie amygdalienne ;
  • recueillir des éléments d’interrogatoire et d’examen clinique utiles à la démarche étiologique :
    • les antécédents et le mode de vie : vaccinations, voyages, cancer, médicaments, métier, animaux, tabagisme… ;
    • une atteinte de l’état général (asthénie, anorexie, amaigrissement…) ;
    • une fièvre, des sueurs voire des frissons ;
    • des signes locaux-régionaux dans chacun des territoires de drainage ;
    • des signes cutanés ou osseux, un syndrome anémique et/ou hémorragique ;
  • pratiquer des examens complémentaires : ces examens sont orientés selon les données cliniques :
    • un hémogramme sera pratiquement systématique à la recherche de signes en faveur d’une infection (polynucléose neutrophile, syndrome mononucléosique), d’une inflammation (anémie microcytaire ou normocytaire avec vitesse de sédimentation [VS] augmentée) ou d’une hémopathie.
    • une radiographie pulmonaire sera souvent utile ;
    • d’autres examens seront pratiqués en fonction du contexte :
      • prélèvements bactériologiques ; 
      • sérodiagnostics ;
      • bilan sanguin inflammatoire et hépatique ;
      • imagerie : échographie ganglionnaire ou abdominale, scanner.

2 . 2  -  Démarche étiologique en présence d’une adénopathie isolée

L’étude minutieuse du territoire physiologique de drainage lymphatique est alors essentielle à la recherche d’une pathologie infectieuse ou tumorale.

  • Adénopathie cervicale : cuir chevelu, dents, sinus, ORL, thyroïde.
  • Adénopathie sus-claviculaire : à gauche, ganglion de Troisier : tube digestif, reins, testicules, pelvis, abdomen ; à droite : poumon, médiastin.
  • Une étiologie maligne est de loin la plus vraisemblable en présence d’une adénopathie sus-claviculaire.
  • Adénopathies axillaires : seins, membres supérieurs, paroi thoracique.
  • Adénopathies inguinales : membres inférieurs, organes génitaux externes, anus.


Dans tous les cas on recherchera, dans la zone drainée et accessible, une tumeur cutanée (mélanome) et une porte d’entrée infectieuse potentielle : plaie, morsure, griffure.

Trois groupes étiologiques prédominent : les infections, les cancers, les lymphomes.

Infection

Une infection sera d’autant plus suspectée qu’il existe une porte d’entrée, de la fièvre et un caractère inflammatoire de l’adénopathie.
Les infections à staphylocoque ou streptocoque sont souvent en cause en présence d’une plaie ou d’une infection cutanée (panaris et ganglion axillaire, par exemple).

Parmi les autres causes infectieuses :

  • la maladie des griffes du chat (lymphoréticulose bénigne d’inoculation), avec une adénopathie parfois volumineuse et une possible fistulisation ;
  • la tularémie après contact avec du gibier ;
  • les maladies sexuellement transmissibles pour les adénopathies inguinales : syphilis, chancre mou, maladie de Nicolas et Favre ;
  • la tuberculose, qui donne souvent une adénopathie « froide » sans signes inflammatoires et évoluant vers la fistulisation (« écrouelle ») ;
  • la toxoplasmose, qui peut donner également une polyadénopathie.


La cytoponction ganglionnaire avec examen microbiologique pourra être utile pour dépister le germe en cause dans ces adénopathies infectieuses.

Cancer

La recherche d’un cancer dans le territoire de drainage doit être pratiquée en second lieu chaque fois qu’une cause infectieuse ne peut être affirmée.
Des examens complémentaires spécifiques seront nécessaires : imagerie, biopsie.
La cytoponction ganglionnaire pourra être utile pour affirmer le caractère néoplasique quand le cancer primitif n’est pas encore connu ou pour affirmer une dissémination.
Le tableau 1 résume les localisations les plus fréquentes.

Lymphome


Le diagnostic de lymphome devra être systématiquement envisagé devant toute adénopathie isolée qui n’a pas fait sa preuve au bout de 3 semaines d’évolution. L’atteinte de l’état général (amaigrissement, sueurs ou fièvre) n’est pas systématique et l’hémogramme sera souvent normal, ou ne montrera que des signes indirects inflammatoires.

Les deux examens essentiels sont alors la cytoponction et la biopsie ganglionnaires.

La cytoponction a l’avantage d’être facile à réaliser, de donner un résultat rapide et de permettre une étude microbiologique. Elle permet souvent de retrouver des cellules lymphomateuses ou des cellules de Sternberg (lymphome de Hodgkin). Une cytoponction normale ne permet cependant pas d’éliminer un lymphome d’une part et, d’autre part, la biopsie du ganglion sera toujours nécessaire pour affirmer le lymphome et préciser son type histologique.

La biopsie ganglionnaire nécessite une organisation préalable et elle est souvent réalisée sous anesthésie générale. Elle permet une étude histologique mais aussi de l’immunomarquage, de la biologie moléculaire ou la réalisation d’un caryotype. C’est le seul examen permettant la classification histologique du lymphome. Une congélation du tissu tumoral prélevé doit être faite. En cas d’anesthésie générale et de forte suspicion de lymphome, une biopsie ostéomédullaire pourra être associée, puisqu’elle sera nécessaire au bilan de ce lymphome.

Tableau 1. Territoires physiologiques de drainage lymphatique/métastases ganglionnaires de cancers selon ces territoires
Siège de l’adénopathie   Territoire physiologique de drainage   Métastases ganglionnaires de cancers  
Cervical   Cuir chevelu    
  Sphères ORL et stomatologique   Cancers ORL, langue  
  Thyroïde   Cancer thyroïde  
Sus-claviculaire   Médiastin, poumons    
  Tube digestif (sous-diaphragmatique)   Cancer abdominal ou pelvien, cancer du sein  
  Testicules    
Axillaire   Membres supérieurs    
  Seins   Cancer du sein  
Inguinal   Périnée : anus, pénis, scrotum, vulve   Cancer des organes génitaux externes, canal anal  
  Membres inférieurs    
Quel que soit le territoire de drainage     Mélanome  

2 . 3  -  Démarche étiologique en présence d’une polyadénopathie

L’hémogramme est l’examen d’orientation principal dans ce contexte. Il peut retrouver :

  • des blastes de leucémie aiguë, souvent associés à une anémie et à une thrombopénie. La prise en charge spécialisée et la réalisation d’un myélogramme sont indispensables ;
  • une hyperlymphocytose constituée de lymphocytes morphologiquement normaux très évocatrice de leucémie lymphoïde chronique (LLC). Un immunophénotypage des lymphocytes sanguins devra être réalisé ;
  • un syndrome mononucléosique révélant souvent une mononucléose infectieuse (avec classiquement fièvre, angine et splénomégalie ; la sérologie EBV [virus Esptein-Barr] sera demandée). Il peut également être en rapport avec une autre cause : virus de l’immunodéficience humaine (VIH), toxoplasmose (adénopathies cervicales postérieures surtout ; la sérologie sera demandée) ;
  • des lymphoplasmocytes évocateurs de maladie de Waldenström (avec VS augmentée) ;
  • une plasmocytose modérée évocatrice de virose (rubéole) ;
  • des cellules lymphomateuses évocatrices de lymphome avec dissémination sanguine.


Lorsque l’hémogramme n’oriente pas, il faudra rechercher :

  • une infection VIH ou une toxoplasmose sans syndrome mononucléosique ;
  • une syphillis secondaire ;
  • une brucellose ;
  • une leischmaniose viscérale ;
  • une sarcoïdose ;
  • un lupus, une polyarthrite rhumatoïde ;
  • un médicament (hydantoïnes) ;
  • une histiocytose sinusale…


Chacune de ces étiologies aura ses investigations complémentaires propres.

La biopsie ganglionnaire reste l’examen de recherche étiologique à pratiquer en l’absence de diagnostic précis.

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