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Diagnostiquer un cancer du corps utérin
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Circonstances de découverte du cancer du corps utérin
Il existe trois modes de découverte possibles pour un cancer :
- le dépistage qui consiste à rechercher le cancer avant qu’il ne soit parlant cliniquement sur une personne (dépistage individuel) ou une population (dépistage de masse) à priori en bonne santé ;
- l’exploration des signes fonctionnels engendrés par le cancer. Cette exploration va aboutir à la découverte du cancer ;
- la découverte fortuite du cancer lors de l’exploration d’une autre pathologie.
En ce qui concerne le cancer de l’endomètre, le deuxième mode de découverte est de loin le plus fréquent puisque aucun dépistage n’est recommandé.
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Dépistage du cancer du corps utérin
Problème du test de dépistage
Il n’existe pas de test satisfaisant pour le dépistage du cancer de l’endomètre. L’examen clinique, le test aux progestatifs, le frottis… ont fait la preuve de leur très faible intérêt. Les biopsies d’endomètre ne sont pas toujours réalisables et trop peu sensibles. L’hystéroscopie ambulatoire peut difficilement être proposée pour un dépistage à grand échelle à cause des contraintes liées à cet examen.
L’échographie serait un examen de dépistage intéressant car elle allie deux avantages :
- la possibilité de visualiser directement l’endomètre et d’en mesurer l’épaisseur lors de l’examen par voie endovaginale. Si l’épaisseur de la muqueuse endométriale est inférieure à 4 mm, la probabilité du cancer de l’endomètre est très faible. Cependant, si la valeur prédictive négative (VPN) de l’échographie est bonne, la valeur prédictive positive (VPP) et la spécificité sont faibles, limitant l’intérêt de l’échographie pour le dépistage du cancer de l’endomètre.
Dans la population générale
En pratique dans la population générale, il n’existe pas de recommandation pour le dépistage du cancer de l’endomètre ceci pour plusieurs raisons :
- c’est un cancer de bon pronostic car il est diagnostiqué dans 75 à 85 % des cas au stade I en l’absence de tout dépistage systématique, et les taux de survie au stade I sont de 80 à 85 % à 5 ans ;
- il existe le plus souvent une traduction clinique précoce de ce cancer, caractérisée par des métrorragies post-ménopausiques ;
- c’est un cancer à évolution lente, le retard au diagnostic ne semble pas affecter de façon significative la survie des patientes ;
- comme nous l’avons vu, il n’y a pas d’examen remplissant les conditions pour réaliser un dépistage systématique.
Dans les populations à risque
- Les patientes sous tamoxifène ont un risque augmenté de développer un cancer de l’endomètre. Cependant, il n’est pas recommandé de faire un dépistage spécifique chez ces patientes. Il faudra par contre explorer de manière rigoureuse toute métrorragie survenant dans ce contexte.
- Les patientes présentant des mutations entrant dans le cadre du syndrome de Lynch (HNPCC = Hereditary Non-Polyposis Colorectal Cancer ou cancer colorectal héréditaire sans polypose) ont un sur-risque de développer un cancer de l’endomètre. Ainsi, chez ces patientes la surveillance recommandée est une échographie transvaginale annuelle associée à une biopsie d’endomètre à partir de l’âge de 35 ans.
En conclusion, pour le cancer de l’endomètre aucun dépistage de masse n’est recommandé dans la population générale. Chaque médecin doit cependant expliquer aux patientes ménopausées le caractère anormal des métrorragies post-ménopausiques et la nécessité de consulter devant ce symptôme.
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Circonstances de découverte sur des signes cliniques
C’est le principal symptôme du cancer de l’endomètre qui survient le plus souvent chez la femme ménopausée.
Métrorragie post-ménopausique = cancer de l’endomètre jusqu’à preuve du contraire
Ce sont typiquement des saignements survenant sans cause déclenchante. Il s’agit du signe typique du cancer de l’endomètre. Les métrorragies post-ménopausiques doivent toujours être explorées avec l’arrière-pensée du cancer de l’endomètre (figure 18.17). Plus la patiente est âgée, plus le risque de cancer est grand devant des métrorragies (tableau 18.4).
Ménorragies
Dans 20 à 30 % des cas, le cancer de l’endomètre peut survenir chez la femme non ménopausée. Il se traduit alors par des saignements dans le cycle ou au moment des règles (méno-métrorragies) d’interprétation souvent difficile en préménopause.
Écoulements séreux (hydrorrhée)
Ils proviennent de la cavité utérine. Ils peuvent être permanents ou par périodes ; ils sont souvent associés à des hémorragies.
Pyorrhée
Elle est rare ; chez la femme âgée, elle doit faire systématiquement évoquer le cancer de l’endomètre.
Signes fonctionnels liés à une métastase
Il s’agit d’un mode de découverte rare des cancers de l’endomètre, les métastases osseuses, hépatiques ou pulmonaires survenant tard dans l’histoire de la maladie. Pour les sarcomes, les choses sont différentes et les métastases (pulmonaires notamment) sont volontiers révélatrices.
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Découverte fortuite
Il arrive que le cancer de l’endomètre soit découvert sur une pièce d’hystérectomie pour pathologie présumée bénigne de l’utérus. Il est rare que le cancer de l’endomètre soit découvert de manière fortuite sur un examen complémentaire réalisé pour une autre pathologie (échographie, IRM, scanner, TEP-FDG).
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Examen clinique d’une patiente suspecte de cancer de l’endomètre
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Interrogatoire
Le but de l’interrogatoire, chez une patiente consultant pour l’un des symptômes précédents, est triple :
- faire décrire l’ancienneté et l’évolution de la symptomatologie ;
- préciser les antécédents personnels et familiaux de la patiente ;
- répertorier les facteurs de risque du cancer de l’endomètre.
Facteurs génétiques
Le cancer de l’endomètre fait partie des cancers plus fréquents dans le cadre du syndrome de Lynch. Si le risque de cancer de l’endomètre dans la population générale est de 1,5 %, il est de 60 % chez les porteuses des mutations de l’HNPCC. L’âge moyen de survenue de ces cancers est 15 ans plus jeune que dans les formes sporadiques.
Facteurs environnementaux
Index de masse corporelle
L’obésité, surtout de type androïde (partie supérieure du corps), est un facteur de risque essentiel.
Régime alimentaire
Les régimes riches en viandes, œufs, haricots blancs, graisses ajoutées et sucres favorisent le cancer de l’endomètre. Une protection relative est notée avec les régimes riches en légumes, fruits frais, pain complet et pâtes. Le rôle de l’alimentation est à mettre en rapport avec les variations du métabolisme et de la réabsorption des estrogènes au niveau intestinal qui est augmentée lors des régimes riches en viande et graisses.
Diabète
Le diabète non insulino-dépendant est un facteur de risque avéré du cancer de l’endomètre. Le RR se situe autour de 2,8. L’hypertension qui est habituellement considérée comme un autre facteur de risque ne semble pas être un facteur indépendant.
Vie génitale
Le cancer de l’endomètre est un cancer hormono-dépendant.
La nulliparité, l’âge précoce de la puberté et l’âge tardif de la ménopause augmentent le risque. La multiparité est au contraire un facteur protecteur.
Contraception orale
La pilule protège contre le cancer de l’endomètre. Les patientes qui ont utilisé une contraception orale ont un RR de 0,5. L’effet protecteur dure au moins 10 ans après l’arrêt de l’utilisation.
Traitement hormonal de la ménopause
La prise isolée d’estrogènes chez les patientes non hystérectomisées augmente le risque de cancer de l’endomètre d’un facteur estimé entre 4 à 5, le risque augmente avec la durée du traitement. Si l’on adjoint un progestatif aux estrogènes, on ramène le risque de cancer de l’endomètre à celui de la femme normale. Le traitement progestatif doit être prescrit au moins 10 jours par cycle pour exercer son effet protecteur.
Patientes sous tamoxifène
Le risque relatif a été évalué entre 2 et 7. Quoi qu’il en soit, le risque est inférieur aux bénéfices apportés par le tamoxifène dans le traitement du cancer du sein.
Autres facteurs
Les rares tumeurs ovariennes sécrétant des estrogènes exposent au cancer de l’endomètre.
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Examen physique
Examen au spéculum
Il permet de constater que les saignements proviennent bien de la cavité utérine et non du col ou du vagin ; c’est un temps essentiel pour le diagnostic différentiel. Le saignement, souvent de faible abondance, est extériorisé par l’orifice cervical. L’inspection du col est importante pour éliminer un cancer du col utérin ou l’atteinte cervicale d’un cancer de l’endomètre.
L’examen au spéculum est un temps essentiel pour le diagnostic différentiel avec les hémorragies génitales basses.
C’est également lors de l’examen au spéculum que des investigations complémentaires peuvent être réalisées :
- si la patiente n’est pas en période de saignement, un frottis cervico-utérin sera réalisé ;
- l’hystérométrie est un examen anodin mais qui a perdu un peu de son intérêt : dans le cancer de l’endomètre, l’utérus est classiquement augmenté de taille (hystérométrie > 7 cm), ce qui est anormal chez une femme ménopausée ;
- enfin, c’est lors de cet examen au spéculum que l’on peut réaliser une biopsie endométriale le plus souvent à la pipelle de Cornier®.
Toucher vaginal
Il permet d’apprécier :
- la taille de l’utérus : l’utérus est classiquement gros, globuleux et de consistance molle dans le cancer de l’endomètre. Cependant, l’augmentation du volume n’est pas constante, l’utérus cancéreux peut être petit et atrophique ;
- la mobilité de l’utérus : c’est l’autre élément fondamental à apprécier. Il est en effet capital de s’assurer que l’utérus est mobile ou qu’il est au contraire retenu par l’induration ou la rétraction suspecte des paramètres.
Tous ces signes sont estompés et difficiles à mettre en évidence chez les patientes obèses et/ou ménopausées.
Chez la femme non ménopausée, les données de l’examen clinique sont difficiles à interpréter, masquées par des lésions souvent associées dans cette tranche d’âge (fibromes, adénomyose…).
En pratique, le TV est donc assez peu contributif au diagnostic de cancer de l’endomètre.
Examen général
L’examen général d’une patiente suspecte de cancer de l’endomètre est un temps important. Nous avons vu en effet que le terrain est volontiers à risque (obésité, diabète, HTA, patiente âgée). L’évaluation de l’état général est donc un temps essentiel du bilan préthérapeutique. Si les saignements sont anciens ou abondants, la recherche des signes cliniques d’anémie doit être réalisée (pâleur, tachycardie…).
Enfin, n’oublions pas que les cancers du sein et de l’endomètre surviennent volontiers sur les mêmes terrains, c’est dire que l’examen sénologique doit être réalisé systématiquement chez ces patientes.
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Confirmation du diagnostic
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Données de l’imagerie
Elles ne font que conforter la suspicion du diagnostic.
Échographie
La mesure de la cavité utérine sera réalisée au mieux par voie transabdominale.
La mesure de l’épaisseur de l’endomètre est en revanche plus précise lors des examens par voie transvaginale (figure 18.18). Si l’épaisseur de la muqueuse endométriale est inférieure à 4 mm, la probabilité du cancer est très faible. La valeur prédictive négative (VPN) de ce signe est très bonne ; par contre la VPP est faible, c’est pourquoi comme nous l’avons vu, l’échographie n’est pas un bon test de dépistage du cancer de l’endomètre. Cependant, chez une patiente ménopausée, une muqueuse utérine d’épaisseur > 8 mm est anormale et doit pousser à des investigations supplémentaires.
Hystéroscopie ambulatoire (HSC)
Elle permet :
- la visualisation directe des lésions : bien que subjectif, cet examen permet une excellente appréciation de l’étendue en surface de la lésion et de l’extension vers le col ;
- d’orienter efficacement la réalisation des biopsies.
L’hystéroscopie a cependant des limites : elle est souvent difficile et parfois impossible chez la femme ménopausée du fait de sténoses cervicales. En cas de saignement, la visualisation de la cavité utérine est limitée.
Hystérosalpingographie (HSG)
Autrefois examen de référence, l’HSG a perdu de ses prérogatives depuis l’apparition de l’échographie vaginale et de l’HSC. On note typiquement une lacune irrégulière, contrastant avec l’aspect d’atrophie du reste de la cavité.
L’HSG est un examen qui peut être responsable de complications à type de douleurs et surtout d’infections, c’est pourquoi elle ne fait plus partie des investigations modernes des méno-métrorragies.
L’hystérosalpingographie ne fait plus partie des examens complémentaires à réaliser chez une patiente suspecte de cancer de l’endomètre.
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Examens cyto-histologiques
Ce sont eux qui vont affirmer le diagnostic, ce qui est nécessaire avant toute poursuite des investigations et du traitement.
Différentes méthodes de prélèvement
Frottis cervico-utérin (FCU)
Le FCU est un mauvais examen de dépistage du cancer de l’endomètre car ce dernier desquame peu. Il arrive cependant que le diagnostic de cancer de l’endomètre soit suspecté en cas de découverte de cellules néoplasiques glandulaires ou de cellules glandulaires anormales (AGCUS) lors d’un frottis cervico-utérin.
Biopsie d’endomètre
La biopsie aspirative à la pipelle de Cornier® permet d’obtenir un fragment d’endomètre en consultation, sans anesthésie. Cet examen simple est recommandé devant toute métrorragie post ménopausique.
- En cas de test positif, elle évite l’anesthésie et le curetage biopsique (CB) à la patiente.
- Si le test est ininterprétable ou négatif, un CB doit être réalisé.
Curetage biopsique
Le CB reste l’examen indispensable pour confirmer le diagnostic de cancer de l’endomètre avant d’entreprendre le bilan d’extension et le traitement. On ne peut se passer du CB que lorsque la biopsie d’endomètre a déjà affirmé la nature néoplasique de la lésion. Il est habituel de pratiquer le CB au décours d’une hystéroscopie, qui permettra de repérer les zones suspectes sur lesquelles doit porter le curetage.
Résultats des prélèvements
États précancéreux
Ce sont les hyperplasies que l’on classe en hyperplasies simples, complexes, simples atypiques ou complexes atypiques, selon les recommandations de l’OMS de 2003.
Adénocarcinome de l’endomètre
Les recommandations nationales différencient deux types de cancers de l’endomètre :
- Les tumeurs de type 1 : tumeurs endométrioïdes pour lesquelles l’OMS a défini 3 grades histopronostiques de gravité croissante :
- Les tumeurs de type 2 sont de moins bon pronostic : ce sont les carcinomes à cellules claires, les carcinomes papillaires/séreux et les carcinosarcomes.
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Bilan préthérapeutique du cancer de l’endomètre
Avant d’envisager le traitement des patientes, un certain nombre d’examens complémentaires va venir influencer la prise en charge.
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Évaluation de l’état général
Nous avons vu que le cancer de l’endomètre survient volontiers chez la femme âgée, obèse, diabétique et hypertendue, c’est dire que l’évaluation de l’état général de la patiente est nécessaire avec notamment la consultation pré-anesthésique qui doit évaluer la balance bénéfice risque des thérapeutiques envisagées.
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IRM abdomino-pelvienne
L’IRM est devenue un examen indispensable pour déterminer le stade des cancers de l’endomètre en préopératoire. Elle permet en effet de donner une idée du degré d’envahissement du myomètre et de l’extension vers le col ou les annexes de la tumeur. C’est également l’un des examens les plus performants pour détecter une atteinte ganglionnaire.
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Recherche des métastases
Si la tumeur semble évoluée (à partir du stade III FIGO), ou s’il s’agit d’une lésion de type 2 histologique, il est licite de réaliser un bilan d’extension plus important avant l’intervention. Ce bilan comprendra un scanner TAP (thoraco-abdomino-pelvien), une évaluation hépatique (échographie ou IRM) et pour certaines équipes un TEP-FDG/TAP.
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Facteurs pronostiques du cancer de l’endomètre
La réunion des facteurs pronostiques est très importante pour adapter au mieux l’attitude thérapeutique. Certains facteurs pronostiques seront déterminés en préopératoire, d’autres en postopératoire (envahissement ganglionnaire), ainsi peut-on dire que l’acte chirurgical fait partie du bilan d’extension nécessaire à la réunion des facteurs pronostiques.
L’IRM et l’intervention chirurgicale sont indispensables dans le bilan d’extension des cancers de l’endomètre.
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Stade FIGO
Le stade FIGO constitue un élément pronostique déterminant du cancer comme le montre le tableau 18.5. Normalement, ce stade FIGO ne peut être défini qu’après l’intervention, cependant le bilan préopératoire et notamment l’IRM permettent d’évaluer ce stade. Certains éléments ont une valeur particulière qui influence directement le traitement, c’est le cas du degré d’envahissement du myomètre dans les stades 1 et de l’atteinte ganglionnaire à tous les stades.
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Grade
Le degré de différenciation histologique de la tumeur est un facteur pronostique indépendant de grande valeur (tableau 18.6). De nombreuses études ont montré la grande différence des évolutions en fonction du grade pour les CE de stade I. Habituellement, le grade est corrélé avec la profondeur d’atteinte du myomètre.
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Type histologique
Nous avons vu le mauvais pronostic des tumeurs de type 2 : carcinomes à cellules claires, carcinomes papillaires/séreux et carcinosarcomes.
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Autres facteurs
D’autres facteurs pronostiques biologiques ont été rapportés pour le cancer de l’endomètre. Ces différents éléments restent néanmoins du domaine de la recherche et n’influencent pas le traitement dans l’état actuel de nos pratiques.
Les facteurs pronostiques de la lésion (stade FIGO, type histologique et grade histopronostique), permettent de définir dans quel groupe de risque se situe la patiente (tableau 18.7 et figure 18.17).
C’est ainsi qu’après avoir porté le diagnostic de cancer de l’endomètre, évalué l’état général de la patiente et défini dans quel groupe de risque se situait la lésion, les stratégies thérapeutiques seront proposées lors d’une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP).
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