3  -  Le diagnostic de prédisposition aux cancers en 2010


Les prédispositions aux cancers qui font l’objet de tests génétiques diagnostiques sont celles pour lesquelles les risques tumoraux ont été établis, la prise en charge des risques définie, prise en charge qui a pour finalité une diminution de la morbidité et de la mortalité. La prise en charge est dans la majorité des cas une surveillance précoce et rapprochée, conduite en milieu spécialisé. Cependant, dans certains cas, une prévention chirurgicale est recommandée : colectomie en cas de polypose adénomateuse clinique, annexectomie dès l’âge de 40 ans en cas d’altération du gène BRCA1 par exemple. Les efforts de recherche portent sur le développement de molécules ayant un effet préventif. Notons l’essai clinique LIBER de prévention du cancer du sein, proposé aux femmes ménopausées porteuses d’une altération des gènes BRCA1 ou BRCA2, essai qui examine l’effet préventif d’inhibiteurs de l’aromatase, classe d’anti-œstrogènes. Les principaux gènes qui font l’objet d’un test génétique en pratique clinique sont cités dans le tableau 2 et dans le rapport d’activité en oncogénétique édité annuellement par l’INCa, Institut National du Cancer, (http://www.e-cancer.fr/les-soins/oncogenetique).

Tableau 2 : Nombre de tests cas index réalisés en 2007
  Gène    Nbre de test  
              Gène   Nbre de test  
    Gène   Nbre de test 
  BRCA1         4183   
             TP53           165   
   ATM           35
  BRCA2         4114                 PTCH           156   SMAD4           25
   MSH2          948                 RB1           116       FH           19
   MLH1          900                 PTEN           106      INI1           19
   MYH          671                 NF2           96     MET           16
   RET          449                 HRPT2           80   BMPR1A             15
   MSH6          437                 BHD           79      WRN           13
   MEN1          408                 FANCA           69     RUNX1           12
   APC           389                 AIP           69     FANCG           9
   VHL          386                 PMS2           64     NBN           6
   SDHB          342                 CDH1           53     CYLD           5
   SDHD          319                 XPC           50    MRE11           4
   CDK4          262                 STK11           47     XPD           4
   CDKN2A            262     CDKN1B(P27,KIP1)             44     BLM           2
   NF1          258                 PRKAR1           42   
   SDHC          169                 XPA           37   

Ce tableau est une adaptation du tableau publié dans le « Rapport sur l’estimation des besoins de la population pour les 10 années à venir en termes d’accès aux consultations et aux tests d’oncogénétique » http://www.e-cancer.fr/les-soins/oncogenetique. L’ensemble des gènes étudiés en 2007 en pratique diagnostique dans les laboratoires français est rapporté. Ils sont présentés en ordre décroissant du nombre de tests réalisés. Dans l’ensemble, il correspondent au nombre de prescriptions faites en 2007. Cependant, dans certains cas (FANCA, AIP), le nombre, élevé, est lié à la mise en place récente du test et à l’analyse de cas dont l’enregistrement est ancien.

Les éléments évocateurs d’une prédisposition génétique sont : le jeune âge au diagnostic (par rapport à l’âge moyen de l’atteinte dans la population), la multiplicité des lésions tumorales, la présence d’une histoire familiale du même cancer ou d’autres cancers associés à la prédisposition et l’existence éventuelle d’une maladie associée. Pour les cancers fréquents (sein, côlon), l’histoire familiale est un élément important d’orientation. En général, est retenue comme évocatrice d’une prédisposition l’existence de trois cas unis entre eux par un lien de premier ou second degré et appartenant à la même branche parentale ou de deux cas mais dont un cas survenant à un âge jeune par rapport à la tumeur considérée. On verra cependant quelques lignes plus loin que l’histoire familiale n’est pas le seul élément d’orientation.

Du fait de la grande diversité des mutations, en règle différentes d’une famille à l’autre, et surtout du fait qu’une mutation clairement délétère n’est pas toujours identifiée, les tests sont conduits en deux temps : (1) analyse d’un cas index, (2) analyse des apparentés si une mutation a été identifiée. Le cas index est en général une personne qui a été traitée pour un cancer donné et à un âge précoce. Si à l’issue de l’analyse, aucune mutation n’a été identifiée, le test est considéré comme peu informatif, car on ne peut exclure l’existence d’un facteur de prédisposition (mutation dans le gène étudié et non détectée ou d’un gène non étudié). De plus, aucun test ciblé ne peut être proposé aux apparentés. En revanche, si une mutation a été identifiée, alors un test peut être réalisé chez ces derniers. Si celui-ci est négatif, on peut retenir que l’apparenté testé n’a pas hérité du facteur familial de prédisposition.

Si la sélection d’une personne atteinte et ayant une histoire familiale de cancer du sein et de l’ovaire correspondant aux critères évoqués plus haut permet de multiplier par 100 la probabilité d’identifier une mutation d’un gène BRCA1/21(cf. note : BRCA1/2) , la sensibilité des critères familiaux n’est que de 50% [25]. En effet, en cas de transmission paternelle dans une famille de petite taille et du fait de la pénétrance incomplète, les antécédents familiaux peuvent être absents. C’est ainsi et compte-tenu d’une fréquence des mutations BRCA1/2 dans les cas de cancer de l’ovaire estimée à 10% que l’une des conclusions du rapport 2009 de l’INCa portant sur les besoins dans les 10 ans à venir en oncogénétique, a été de proposer un test BRCA1/2 à toute femme ayant été atteinte d’un cancer de l’ovaire avant l’âge de 70 ans (http://www.e-cancer.fr/les-soins/oncogenetique).

La mise en évidence d’une signature tumorale d’une prédisposition permettrait de s’affranchir d’une indication des tests génétiques fondée sur l’histoire familiale et l’histoire clinique. Dans le cadre du syndrome de Lynch dont le spectre tumoral large concerne le côlon, l’intestin grêle, l’endomètre, l’urothelium, l’estomac, les voies biliaires et l’ovaire, la recherche du phénotype tumoral MSI (voir §1) devant l’un de ces cancers survenant avant l’âge de 60 ans est un élément d’orientation essentiel.

Avec une fréquence de femmes prédisposées aux cancers du côlon et aux cancers du sein de l’ordre de 1/250 et d’hommes prédisposés aux cancers du côlon de l’ordre de 1/500 (tableau 1), les prédispositions aux cancers fréquents2(cf. note : cancers fréquents) obéissant à un modèle monogénique dominant sont parmi les maladies génétiques les plus fréquentes. Les consultations de génétique et les tests réalisés sont en plein essor. Grâce à un programme de soutien de la DHOS (Direction de l’Hospitalisation et de l’Organisation des Soins) relayée par l’INCa, le nombre de tests de prédisposition aux cancers a été en 2003 de 12 256 et en 2007 de 20 035, soit une progression de 63% (tableau 2) (http://www.e-cancer.fr/les-soins/oncogenetique). Ce programme s’est attaché à intégrer analyses de laboratoire, consultations de génétique et prise en charge multidisciplinaire des personnes à haut risque. Il favorise également une activité de réseaux entre les praticiens, ceci afin d’homogénéiser les pratiques sur l’ensemble du territoire. Les mesures de prévention des cancers du sein et du côlon ont fait l’objet de recommandations [26,27] et sont résumées sur le site de l’INCa. En dehors de la définition des bonnes pratiques des tests, le réseau de laboratoires doit relever un défi : la classification des variants génétiques (mutations faux-sens, suspicion d’anomalie d’épissage) dont la signification biologique est inconnue. En effet, jusqu’à 40% des mutations identifiées dans les gènes BRCA1 et BRCA2 et tout autant pour les gènes de prédisposition aux cancers du côlon sont des variants de signification inconnue (Bendboudjema et al, en préparation). Un effort non seulement national mais aussi international, via la création du consortium ENIGMA, est fait pour les classer et par là pour prendre en charge les familles de façon la plus adaptée possible.

Notes
  1. BRCA1/2 : La fréquence des porteurs de mutations BRCA1 et BRCA2 dans la population est estimée à 1/500 Aujourd’hui, une mutation de l’un de ces gènes est identifiée dans environ 20% (1/5) des cas index testés selon les critères fondés sur l’histoire familiale, évoqués plus haut. Ainsi, ces critères permettent de multiplier par 100 la probabilité de trouver une mutation.
  2. cancers fréquents : Prédisposition aux cancers du sein, et du côlon. On met à part pour l’instant les prédispositions au cancer de la prostate dont le ou les gènes responsables n’ont pas été définitivement identifiés.
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