Une femme de 75 ans est admise aux urgences pour gonalgie gauche avec fièvre et altération de l’état général.
Histoire de la maladie : Hospitalisation 3 jours auparavant pour chimiothérapie d’un myélome ; lors de l’hospitalisation il a été procédé à un repositionnement de la chambre implantable. La patiente est rentrée chez elle deux jours après. Le lendemain elle souffre de fièvre, de nausées, et d’une douleur du genou gauche qui semble gonflé.
Antécédents : - Prothèse du genou gauche pour gonarthrose il y a 5 ans - Myélome multiple diagnostiqué 6 mois auparavant et traité depuis par Mélphalan et Dexaméthasone. - Plusieurs crises de coliques néphrétiques, rapportées à une goutte. Traitement habituel : Allopurinol, Nicardipine, Prednisolone, et Oméprazole.
Examen à l’admission : Confusion ( GCS 14) ; PA 130.80 mmHg ; FC 130 / min ; FR 30 / min ; T 38.9° ; SpO2 86% (sous air) Cyanose des extrémités, marbrures des genoux Auscultation cardiaque normale, râles crépitants aux bases pulmonaires, abdomen souple et indolore. La cicatrice de la reprise de la chambre implantable est discrètement inflammatoire. Le genou gauche est douloureux, gonflé, inflammatoire avec un choc rotulien. Le reste de l’examen clinique est sans particularité. Le sondage urinaire ramène 10 ml d’urines (la malade n’a pas uriné depuis 6 h ) Les premiers examens complémentaires obtenus dans l’heure montrent : Hb 91g/dl ; Leucocytes 1.4 G/l ; Plaquettes 62 G/l ; TP 46 % ; Na 137 mmol/l ; K 5.6 mmol/l ; ; Prot 72 g/l ; Albuminémie 15 g / l ; Créatininémie 198 µmol/l ; Glycémie 6.4 mmol/l ; Lactatémie 3.2 mmol/l ; pH 7.32 ; PaCO2 29 mmHg ; HCO3 15 mmol/l ; Pa O2 96 mmHg ; BE - 11 mmol/l ; Sa O2 96% ( sous 6 l O2) Radio thoracique : syndrome interstitiel bilatéral ECG : dans les limites de la normale Echographie cardiaque : cœur hyperkinétique
Question 1
Quels sont les signes cliniques qui évoquent un sepsis sévère ?
Votre réponse :
Réponse Attendue :
Cette patiente présente un SIRS (systemic inflammatory response syndrome) (tachycardie, tachypnée, fièvre, leucopénie) et une forte probabilité d’infection donc un sepsis (SIRS + infection). Il s’agit d’un sepsis sévère puisqu’il existe des signes d’hypoperfusion périphérique, une oligurie, une confusion, une acidose métabolique avec hyperlactatémie.
Lecture suggérée (renvois au livre) : Choc septique (p81-89) et Fièvre aiguë chez un malade immunodéprimé (p400-402)
Quelles sont les étiologies possibles à l’augmentation de la créatininémie ?
Votre réponse :
Réponse Attendue :
Plusieurs causes sont possibles :
- une insuffisance rénale fonctionnelle secondaire au sepsis sévère - une insuffisance rénale organique chez cette patiente souffrant de myélome qui a pu être précipitée par l’hypovolémie liée au sepsis - une insuffisance rénale obstructive (peu probable sur la clinique mais à envisager de principe) chez cette patiente aux antécédents de coliques néphrétiques et de goutte.
Question 3
Comment interprétez-vous la présence de râles crépitants ?
Votre réponse :
Réponse Attendue :
Les râles crépitants bilatéraux traduisent vraisemblablement un oedème pulmonaire (images interstitielles bilatérales à la radio). La patiente n’a aucun antécédent cardiaque et l’échographie ne montre pas de dysfonction cardiaque évidente ; il s’agit donc vraisemblablement d’un oedème pulmonaire lésionnel dans le cadre du sepsis sévère
Question 4
Quelles sont les causes possibles de la gonalgie ?
Votre réponse :
Réponse Attendue :
Il s’agit vraisemblablement d’une arthrite septique avec infection de la prothèse . Une arthrite microcristalline ne peut être envisagée qu’après avoir éliminé formellement la première hypothèse et semble peu vraisemblable malgré les antécédents de goutte.
Question 5
Quel(s) traitement(s) urgent(s) est (sont) indiqué(s) dans les deux premières heures ? Justifier vos décisions thérapeutiques.
Votre réponse :
Réponse Attendue :
Cette patiente nécessite en urgence une antibiothérapie et des mesures symptomatiques vis- à-vis du sepsis sévère : - il existe des signes d’insuffisance respiratoire aiguë (tachypnée, cyanose) ; une oxygénothérapie à fort débit doit être appliquée immédiatement ; compte tenu de la confusion et de la gravité du sepsis une ventilation mécanique sur intubation est indiquée - l’oligurie et les signes d’hypoperfusion périphérique nécessitent une expansion volémique rapide (par exemple 2 l de soluté salé à 9 p mille) ; la nécessité de la ventilation mécanique avec sédation probable est un facteur aggravant et il faut certainement prévoir un remplissage très rapide avant ce geste (par exemple, 500 ml de soluté salé ou de colloïde en 10 minutes) - l’antibiothérapie doit être à priori active sur le staphyloccoque (repositionnement de la chambre implantable) par argument de fréquence et en envisageant la possibilité d’un staphyloccoque résistant à la Méticilline compte tenu de l’hospitalisation préalable ; cette antibiothérapie doit couvrir d’autres germes et être à large spectre puisqu’il s’agit d’une patiente immunodéprimée et leucopénique ; on pourrait ainsi proposer l’association d’une Pénicilline à large spectre (Imipénème par exemple), d’un glycopeptide et d’un aminoside.
Quel traitement doit être entrepris secondairement ? pourquoi ?
Votre réponse :
Réponse Attendue :
Dès que la situation sera stabilisée sur le plan hémodynamique et respiratoire une ponction lavage de l’articulation du genou gauche éventuellement sous arthroscopie est indispensable pour traiter la porte d’entrée de ce sepsis sévère
Question 7
A la 36ème heure les hémocultures et l’ECBU poussent à E.coli (C3GS et Quinolones S) Quel traitement proposez vous ? Quelle explication peut-on proposer pour l’ensemble du tableau clinique ?
Votre réponse :
Réponse Attendue :
L’isolement d’un colibacille permet de revenir à une antibiothérapie à spectre plus étroit (« désescalade ») par exemple Ceftriaxone associé ou non à une fluoroquinolone (du fait de sa bonne diffusion osseuse).
L’histoire clinique peut être reconstruite chronologiquement de la manière suivante : a. infection urinaire à E coli ( infection nosocomiale lors de l’hospitalisation précédente, peut être favorisée par une lithiase muette cliniquement) b. bactériémie et greffe septique sur matériel étranger (prothèse du genou) c. arthrite septique d. infection généralisée et sepsis sévère chez une patiente immunodéprimée