Mademoiselle E., 32 ans, est adressée aux urgences pour céphalées intenses. Celles-ci sont survenues brutalement lors d’un rapport sexuel, en n’ont pas été calmées par la prise d’un gramme d’Aspégic®. Les troubles évoluent depuis quatre heures environ. Elle n’a pas d’autre antécédent qu’un surpoids, un tabagisme et une contraception par Cycléane 20®. La patiente est désorientée et agitée, demandant qu’on éteigne la lumière, difficile à examiner. Vous notez toutefois une raideur de la nuque, des réflexes ostéo tendineux vifs et symétriques. Il n’y a pas de signe déficitaire. Les pupilles sont égales et réactives. Les paires crâniennes sont normales. Elle vomit une fois. La température auriculaire est à 37,8°C. La pression artérielle est à 160 - 80 mm Hg.
Question 1
Quel diagnostic évoquez-vous ? (justifiez)
Votre réponse :
Réponse Attendue :
Hémorragie méningée (ou sous arachnoïdienne), sur : - céphalées brutales, intenses, à l’effort, non calmées par les antalgiques simples, vomissement - syndrome méningé : photophobie, raideur de la nuque, hyper réflexie ostéo tendineuse - antécédents de tabagisme. La contraception orale n’est pas un facteur de risque d’après les enquêtes cas-témoins récentes. Les autres étiologies de céphalées « en coup de tonnerre » (anévrysme artériel non rompu, vasospasme artériel, nécrose hypophysaire, thrombophlébite cérébrale, dissection de vaisseau intra crânien ou cervical) sont moins probables. Toutefois, la thrombophlébite cérébrale pourrait être discutée ici compte tenu de la contraception orale et du tabagisme, mais n’expliquerait pas la symptomatologie méningée à moins de saignement associé.
Lecture suggérée (renvois au livre) : Chapitre 34
Question 2
Compte tenu de votre réponse à la question précédente, vous décidez de faire réaliser un examen tomodensitométrique cérébral non injecté. Il est rendu difficile par l’agitation de la patiente, en dépit de l’injection de 2,5 mg d’Hypnovel®. Le compte rendu est le suivant : “examen de mauvaise qualité en raison de l’agitation de la patiente. Il ne semble pas y avoir d’hémorragie, méningée ou intra cérébrale. Les structures médianes sont en place. Il n’y a pas d’effet de masse”. Cette réponse remet-elle en cause votre diagnostic ? Quel examen supplémentaire devez-vous réaliser ?
Cas clinique 30
Cas clinique 30 bis
Votre réponse :
Réponse Attendue :
Non, 8 % des hémorragies méningées peuvent avoir un examen TDM normal, en particulier en cas de technique insuffisante (patient agité, coupes trop épaisses), de saignement minime, d’anémie, ou de retard dans la réalisation de l’examen (le LCR perd son aspect spontanément hyperdense au TDM en 4 à 6 jours). • Ponction lombaire avec examen cyto bactériologique et biochimique du LCR. Penser à numéroter les tubes. La mesure de la pression du LCR est très habituellement pratiquée dans les pays anglo saxons, et exceptionnellement, sinon jamais en France. Elle serait élevée ici.
Question 3
Vous réalisez une ponction lombaire. L’obésité et l’agitation de la patiente vous obligent à piquer plusieurs fois. Vous obtenez finalement un liquide rosé. Pouvez-vous affirmer l’hémorragie méningée ?
Votre réponse :
Réponse Attendue :
Diagnostic très probable sinon certain sur l’association d’une symptomatologie clinique évocatrice, comme ici, et d’un liquide uniformément rosé dans les 3 tubes, incoagulable, avec pour certains = 1 000 hématies/ mm3. A défaut, le meilleur test diagnostique est la présence d’un surnageant xanthochromique (correspondant aux pigments sanguins) détecté en spectophotométrie d’absorbtion sur le LCR immédiatement centrifugé. La sensibilité est maximale vers la 12ème heure. Les autres tests (éclaircissement du LCR du premier au troisième tube, ratio hématies/leucocytes différents dans le LCR et le sang, recherche d’hématies crénelées, d’érythrophages, recherche de D-dimères sur le LCR) ne permettent de distinguer formellement ponction traumatique et véritable hémorragie méningée. En cas de doute, la clinique conditionne le recours aux avis spécialisés (Neurologue, Neurochirurgien, Neuroradiolgue)
Question 4
Le diagnostic étant confirmé, quelle est votre prise en charge thérapeutique médicale initiale ?
Votre réponse :
Réponse Attendue :
Urgence vitale. Prise en charge médico chirurgicale. Transfert médicalisé en unité de soins intensifs ou réanimation Soins non spécifiques : - voie veineuse, repos au lit strict, au calme, à jeûn - antalgiques : paracétamol, morphiniques si nécessaire. Pas d’aspirine. Anti émétiques - sédation en cas d’agitation. Ne doit pas gêner l’examen neurologique - anti comitiaux : systématique pour certains, uniquement en cas de crise convulsive pour les autres : benzodiazépines (clonazépam) ou phénitoïne Soins spécifiques : - prévention ou correction de l’hypovolémie : apports liquidiens suffisants, voire macro molécules - en cas d’HTA (TAm = 130 mm Hg) : nicardipine (Loxen®) ou urapidil (Eupressyl®, Médiatensyl®) à la SAP en proscrivant une TAs < 150 mm Hg - prévention du vasospasme: nimodipine (Nimotop®) à la SAP, associée au maintien d’une volémie suffisante - surveillance et correction d’une éventuelle hyponatrémie (peu probable au tout début) d’une éventuelle hyperglycémie Surveillance : - neurologique : conscience horaire, signes de localisation, pupilles, paires crâniennes, score de Hunt et Hess. L’examen neurologique doit être effectué plusieurs fois par jour, à la recherche d’une altération de la conscience, de l’apparition de déficit focal - constantes vitales : pouls, TA (+++), température,… - doppler trans crânien
Question 5
Une artériographie des quatres axes vasculaires cérébraux est réalisée le lendemain matin. Quels renseignements en attendez-vous ?
Cas clinique 30 ter
Votre réponse :
Réponse Attendue :
Permet le bilan étiologique de l’hémorragie méningée. A priori ici, l’absence de lésion parenchymateuse évoque un anévrysme artériel dont le siège pourrait être sur la communicante antérieure (pas de signe de localisation et argument de fréquence). Quoiqu’il en soit, permet : - de préciser le type de malformation et ses caractéristiques : anévrysme, sacciforme plus fréquent que fusiforme, vaisseau porteur, efférences, taille, collet - de rechercher d’éventuelles lésions associées (jusqu’à 20 p. cent) - de rechercher un éventuel vasospasme, peu fréquent à ce stade. Ces données conditionnent le traitement étiologique : chirurgie vs radiologie interventionnelle. Si l’anévrysme de la communicante antérieure était confirmé, le traitement serait plutôt chirurgical. Il peut être négatif dans 10 à 20 p. cent des cas (vasospasme, thrombose spontanée), et dans ce cas à reprendre à distance, ou à compléter par angio IRM.
Question 6
Mademoiselle E. n’a pas été opérée, et son état se dégrade au 5ème jour, avec altération de la conscience. Quelles étiologies discutez-vous ? (énumérez sans commentaire)
Votre réponse :
Réponse Attendue :
• reprise du saignement (pic : J7 à J14) • vasospasme (pic : J5 à J12) • hydrocéphalie aiguë • hyponatrémie