Une femme de 56 ans arrive aux urgences le soir, amenée par son époux, pour « malaise » et des douleurs de la jambe droite depuis 48 heures. On apprend qu’elle a un diabète insulino-dépendant. Une semaine auparavant, elle s’était faite une petite blessure à la jambe avec un objet contondant. La blessure avait été traitée par soins locaux. En raison de douleurs, elle s’est elle-même traitée pendant 2 jours par du Profenid® per os. Les paramètres vitaux notés par l’infirmière à l’arrivée sont les suivants : conscience normale mais avec une tendance à la somnolence, température : 38°C, pression artérielle : 80-50 mmHg, fréquence cardiaque : 140/min, fréquence respiratoire : 30 bpm. Les extrémités sont légèrement froides et la peau est moite. Voici les lésions cf Figures jointes
Cas clinique 27
Question 1
Quel est le diagnostic le plus probable et comment caractérisez vous l’état circulatoire ?
Votre réponse :
Réponse Attendue :
Insuffisance rénale aiguë anurique sur rein unique avec iléus réflexe. Occlusion intestinale aiguë.
Commentaire : Les fasciites nécrosantes ou dermo-hypodermmites nécrosantes sont des infections bactériennes cutanées du derme et de l’hypoderme s’accompagnant de nécrose. Il s’agit d’infections graves, mortelles dans environ 30% des cas dont la prise en charge est médico-chirurgicale. Des facteurs généraux favorisants sont trouvés dans deux tiers des cas : diabète alcoolisme, immunosuppression toxicomanie IV. Il s’ y associe fréquemment des facteurs locaux : blessure cutanée, chirurgie, varicelle ainsi que la prise d'anti-inflammatoires non stéroïdiens précédant l'épisode infectieux qui pourrait favoriser le passage d'un érysipèle ou d'une dermo-hypodermite bactérienne « simple » vers une forme nécrosante.
Lecture suggérée (renvois au livre) : chapitre 42 Infections graves (Infections cutanéomuqueuses bactériennes et mycosiques)
Question 2
Quels sont les signes locaux de gravité présents et ceux dont il convient de rechercher l’apparition ?
Votre réponse :
Réponse Attendue :
Signes locaux de gravité présents - placards à bords irréguliers en carte de géographie - nécrose cutanée escarrotique - bulles d’allure hémorragique étendues Signes locaux de gravité à rechercher - zones de marbrures, cyanose ou lividité distale - induration de l'œdème - hypoesthésie superficielle - douleurs spontanées intenses - crépitation à la palpation - odeur fétide - extension rapide des lésions malgré le traitement antibiotique Commentaire Toute la question est de reconnaître la DHBN ou la FN, c’est à dire de savoir rechercher, en plus des signes généraux évocateurs chez cette malade de choc septique, les signes locaux de gravité : zones de marbrures, cyanose ou lividité distale, placards à bords irréguliers en carte de géographie, nécrose cutanée escarrotique, bulles hémorragiques étendues, induration de l'œdème, extension rapide des lésions malgré le traitement antibiotique, hypoesthésie superficielle, douleurs spontanées intenses, parfois isolées sans signes cutanés évidents au début, ou odeur fétide, témoins de la production de gaz. Les lésions nécrotiques au coeur de la dermo-hypodermite nécrosante ou de la fasciite doivent être prélevées par ponction d'une phlyctène fermée ou ponction sous-cutanée.
Question 3
Quels examens complémentaires à visée étiologique allez vous demander ?
Votre réponse :
Réponse Attendue :
- Une hémoculture - Ponction sous cutanée ou d’une phlyctène - Radiographie de la cuisse à la recherche de gaz
Commentaire : Les lésions nécrotiques au coeur de la dermo-hypodermite nécrosante ou de la fasciite doivent être prélevées par ponction d'une phlyctène fermée ou ponction sous-cutanée plutôt que par simple écouvillonnage des lésions.
Question 4
Quels sont les gestes thérapeutiques symptomatiques immédiats que vous effectuez ?
Votre réponse :
Réponse Attendue :
- Appel du réanimateur - Mise en place d’au moins une veineuse de bon calibre - Oxygène au masque à haute concentration - Expansion volémique par 500 ml de colloïde ou 1 litre de cristalloïde en 20-30 minutes - En cas d’échec du remplissage, débuter la dopamine (> 5 ?/kg/min) ou la noradrénaline
Lecture suggérée (renvois au livre) : Chapitre 7 Etats de choc, Chapitre 42 Infections cutanéo-muqueuses bactériennes et mycosiques,
Quels sont les micro-organismes possiblement en cause. Indiquez ceux qui le plus fréquemment responsables.
Votre réponse :
Réponse Attendue :
- Streptocoque A b- hémolytique - Anaérobies - S. aureus Commentaire : Les germes en cause sont essentiellement les streptocoques du groupe A et les anaérobies. D'autres germes sont trouvés avec une incidence plus faible: staphylocoque doré, mis en évidence seul ou associé au streptocoque, bacilles à Gram négatif et entérocoques au cours des infections touchant les membres inférieurs et surtout le périnée (entérobactéries: E. Coli, Klebsiella). Une flore mixte aéro-anaérobie est présente dans les "gangrènes synergistiques" en particulier chez les diabétiques. Pasteurella multocida est évoquée après morsure ou griffure animales (chat, chien), ainsi qu'en cas de porte d'entrée muqueuse.
Question 7
Quel traitement étiologique allez vous proposer ?
Votre réponse :
Réponse Attendue :
- Amoxicilline/acide clavulanique éventuellement associé à un aminoside - Céfotaxime ou ceftriaxone + métronidazole - Pénicilline G + clindamycine Commentaires Le traitement comporte deux volets, en plus du traitement symptomatique. 1. Le traitement antibiotique, instauré dès les prélèvements bactériologiques effectués, sans en attendre le résultat et avant tout geste chirurgical. Une récente conférence de consensus a recommandé l’association pénicilline G -clindamycine (qui aurait une action antitoxinique propre) en cas de dermo-hypodermites ou de fasciite nécrosante des membres ou de la région cervico-faciale. En raison du caractère polymicrobien de l’infection, certains continuent cependant à utiliser l'association amoxicilline / acide clavulanique (3-4 g par 24 heures) à la place de la pénicilline G. L’adjonction pendant quelques jours d’un aminoside peut se discuter. Ne pas oublier la prévention du tétanos 2. La chirurgie. La présence de signes généraux ou locaux de gravité sont une indication opératoire urgente. Dans les autres cas, le geste chirurgical peut être différé, à condition d’une surveillance très régulière. Il s’agit une chirurgie large et délabrante. Une excision initiale insuffisante risque de provoquer une reprise de l'infection et conduire à des interventions itératives. Inversement, une excision trop importante peut conduire à une amputation qu'il faut éviter en première intention, dans la mesure du possible. L’oxygénothérapie hyperbare au cours des dermo-hypodermites ou de fasciite nécrosante, notamment à germes anaérobies n'a pas fait la preuve de son efficacité