Vous êtes appelé le 21 novembre auprès de Mme M., âgée de 31 ans, hospitalisée depuis 15 jours en hématologie. Elle a une maladie de Hodgkin scléronodulaire stade IV-B-b. La patiente a reçu 6 cures de chimiothérapie par ABVD (adriamycine, bléomycine, vinblastine, dacarbazine) sur une chambre implantable, associée à une irradiation en mantelet de 40 grays. Devant la récidive rapide de la néoplasie dans le territoire irradié, la patiente reçoit une nouvelle chimiothérapie par BEAM le 20 octobre (carmustine, étoposide, cytarabine, melphalan). Alors que la patiente est en aplasie depuis le 23 octobre, apparaît le 27 octobre un syndrome fébrile. La radiographie du thorax montre un syndrome alvéolo-interstitiel bilatéral. Après réalisation de prélèvements bactériologiques (hémocultures et examen cytobactériologique des urines), un traitement associant pipéracilline-tazobactam et gentamicine a été débuté. À l’examen clinique, vous notez : température à 40 °C, pression artérielle à 85/40 mmHg, fréquence cardiaque à 119/min, fréquence respiratoire à 35/min, SpO2 à 92 % sous oxygénothérapie à 12 L/min. L’auscultation retrouve des ronchi dans les 2 champs pulmonaires. Il n’y a pas de trouble de la conscience, pas de syndrome méningé. Discrète turgescence jugulaire. Pas de souffle à l’auscultation cardiaque. Mollets souples. Abdomen souple. Pas d’hépatosplénomégalie. Les examens complémentaires réalisés 4 heures auparavant montrent : ionogramme sanguin normal, CRP = 200 mg/L, hématocrite = 33 %, hémoglobine = 8,8 g/dL, leucocytes = 300/mm3, plaquettes = 25 000/mm3. Le bilan d’hémostase est normal, de même que les bilans hépatique et rénal. LDH = 270 UI/L. La radiographie du thorax confirme le syndrome alvéolo-interstitiel prédominant aux bases. La chambre implantable est en place.
Question 1
Quels sont les signes de gravité ? (Renvois au livre : Chapitre 8, p83-84 : Manifestations cliniques)
Votre réponse :
Réponse Attendue :
Hypotension artérielle, tachycardie, tachypnée et désaturation en oxygène.
Question 2
Décrivez les anomalies hématologiques et expliquez les risques qui en découlent ?
Votre réponse :
Réponse Attendue :
Les anomalies biologiques indiquent que la patiente est toujours en période d’aplasie : neutropénie profonde, thrombopénie, anémie. Les risques sont les infections, les hémorragies. L’anémie accentue les conséquences de l’insuffisance respiratoire en diminuant le transport en oxygène.
Question 3
Décrivez les différents syndromes présents chez cette patiente.
Réponse inflammatoire liée à la présence de micro-organismes. Invasion de tissus normalement stériles.
Bactériémie, virémie, fongémie, parasitémie
Présence de bactéries (virus, champignons, parasites) viables dans le sang.
Syndrome de réponse inflammatoire systémique (SRIS) à une agression aiguë.
Présence d’au moins deux des signes suivants : – température > 38 °C ou < 36 °C ; – fréquence cardiaque > 90 battements/min ; – fréquence respiratoire > 20/min ou PaCO2 < 32 mmHg ; – leucocytes > 12 000/mm3 ou < 4 000/mm3 ou > 10 % de cellules immatures.
Sepsis
Syndrome de réponse inflammatoire systémique en relation avec une infection.
Sepsis sévère ou état infectieux grave
Sepsis associé à une hypotension répondant au remplissage vasculaire et/ou hypoperfusion et/ou dysfonction d’au moins un organe : – encéphalopathie septique ; – syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) ; – oligurie < 1 mL/kg/h ; – acidose métabolique inexpliquée ; – hyperlactacidémie ; – coagulation intravasculaire disséminée (CIVD).
Choc septique
Sepsis sévère avec hypotension persistante malgré un remplissage vasculaire adéquat et/ou la nécessité d’utilisation de drogues vasoactives associée à une hypoperfusion et/ou dysfonction d’au moins un organe.
Votre réponse :
Réponse Attendue :
Cette patiente présente un syndrome infectieux ou sepsis, une insuffisance respiratoire aiguë, un état de choc, une immunodépression. Il s’agit donc d’un choc septique par probable pneumopathie infectieuse à pyogènes. Les images à la radiographie pulmonaire sont peu explicites du fait de la neutropénie.
Question 4
Quels autres éléments pouvant être à l’origine de la fièvre faut-il rechercher à l’examen clinique chez cette patiente ?
Votre réponse :
Réponse Attendue :
La neutropénie modifie la sémiologie, les signes habituels d’infection étant souvent absents ou atténués. On examinera spécifiquement : l’aspect de la peau en regard de la chambre implantable, une douleur à sa palpation ou sur le trajet du cathéter ; l’oropharynx, à la recherche d’une mucite, d’une pharyngite, de lésions péri-odontales ; la peau, à la recherche de localisations secondaires d’infections profondes, d’abcès ou de veinite ; la région périnéale, à la recherche d’une fissuration, d’une ulcération ou d’un abcès.
Question 5
À ce stade de votre réflexion, quelles informations transmettez-vous au conjoint ?
Votre réponse :
Réponse Attendue :
Gravité de la situation liée au terrain et aux différentes défaillances engageant le pronostic vital à court terme. Après prise en charge symptomatique et étiologique, la gravité sera réévaluée en fonction de l’évolution des défaillances.
Question 6
À quelles classes appartiennent les antibiotiques prescrits ?
Votre réponse :
Réponse Attendue :
Pipéracilline-tazobactam : c’est une uréidopénicilline associée à un inhibiteur des bêtalactamases. La gentamicine est un aminoside.
Question 7
Quel nouveau traitement antibiotique proposez-vous et pourquoi ?
Votre réponse :
Réponse Attendue :
En présence d’une neutropénie fébrile, l’antibiothérapie est une urgence thérapeutique. Il faut l’élargir aux germes non couverts par l’antibiothérapie préalable : remplacement de la pipéracilline-tazobactam par une autre bêtalactamine active sur Pseudomonas aeruginosa multirésistant (ceftazidime ou imipénem) ; adjonction d’un glycopeptide (vancomycine) actif sur les staphylocoques méticilline-résistants et sur les autres cocci Gram + ; en raison de la gravité de la situation, un traitement actif sur les levures (Candida, Aspergillus) doit être entrepris : amphotéricine B.
Question 8
Quels autres traitements instituez-vous ? Justifiez-les.
Votre réponse :
Réponse Attendue :
Ablation de la chambre implantable après transfusion plaquettaire, avec mise en culture de la chambre et de son cathéter. Mise en place d’un cathéter veineux central. Traitement du choc par remplissage vasculaire et perfusion continue d’un vasoconstricteur (dopamine en première intention) jusqu’à correction des signes cliniques d’hypoperfusion. Réalisation d’une échographie cardiaque à la recherche d’une endocardite, et d’un écho-Doppler veineux à la recherche d’une thrombophlébite. Recherche de localisations secondaires septiques : cutanée, osseuse, rénale, splénique…