1 . 2 . 3  -  Ischémie critique

L’ischémie critique est définie par l’association de douleurs de décubitus ou de troubles trophiques depuis au moins 15 jours avec une pression artérielle systolique inférieure à 50 mm Hg à la cheville (70mm Hg chez le diabétique) ou inférieure à 30 mm Hg à l'orteil ou une TcPO2 au dos du pied ≤ 30 mm Hg. Cette situation clinique comporte un risque d’amputation de membre très élevé (35% à 6 mois), ainsi qu’un pronostic général très défavorable (20% de mortalité à 6 mois).

L’interrogatoire
: les douleurs de décubitus de l’AOMI ont comme caractéristiques d’être distales, de débuter par les extrémités (orteils, bord du pied), d’apparaître après un temps variable de décubitus, d’autant plus court que l’ischémie est sévère, avant de devenir permanentes, d’être soulagées par la position jambe pendante, amenant le malade à se lever une ou plusieurs fois par nuit, puis l’obligeant à garder la jambe pendante.

La position déclive permanente aboutit à la constitution d’un oedème qui va à son tour aggraver le déficit perfusionnel. Les douleurs de repos d’origine ischémique traduisent un déficit de perfusion permanent en rapport avec des lésions vasculaires étendues, souvent pluri-étagées. Ces douleurs sont très intenses, résistant volontiers aux antalgiques de niveau 1 et 2.

L’inspection : On recherche la pâleur de surélévation, l’érythrose de déclivité et l’allongement des temps de recoloration cutanée et de remplissage veineux qui témoignent d’une ischémie sévère et qui s’accompagnent souvent d’oedème distal.

On recherchera aussi une ulcération au niveau des orteils et des espaces interdigitaux, du dos et du bord externe du pied et du talon. Cet ulcère hyperalgique est généralement de petite taille, creusant parfois jusqu’à l’articulation. La gangrène est une nécrose cutanée ou profonde du pied qui apparaît préférentiellement à l’extrémité d’un orteil ou au talon. Elle peut s’étendre à l’avant pied voir à la jambe. Elle peut être soit sèche et limitée par un sillon net, soit humide, mal limitée,
témoignant d’un processus infectieux associé (cellulite) notamment chez le sujet diabétique.
A la palpation la température cutanée peut être abaissée. On recherche avec attention une déshabitation (atrophie sous-cutanée) des pulpes digitales et des coques talonnières.

1 . 2 . 3 . 1  -  Explorations complémentaires en cas d’ischémie critique

L’ischémie est quantifiée par la mesure de la pression à la cheville ou à l’orteil et la mesure de la pression transcutanée en O2 (TCPO2).

Un écho-doppler est effectué systématiquement afin d’évaluer la morphologie des lésions et leur retentissement hémodynamique.

Dans l’ischémie critique, on réalise systématiquement un angioscanner ou une angiographie par résonance magnétique ou une artériographie pour étudier les possibilités de revascularisation.

1 . 2 . 3 . 2  -  Evaluation des Facteurs de risque cardio-vasculaires

L’importance de la consommation tabagique est évaluée ainsi que le niveau de dépendance. On recherchera systématiquement les signes cliniques et symptômes des autres manifestations induites par le tabac (cancer ORL, pulmonaire, vésical, BPCO).
La découverte d’une HTA justifie un bilan de retentissement (item n°130)
Le bilan biologique permettra de rechercher un diabète (item n°129) et une anomalie lipidique.
L’obésité abdominale et d’une manière plus générale le syndrome métabolique sont recherchés (Item n°129).

1 . 2 . 3 . 3  -  Diagnostiquer l’extension de la maladie athéroscléreuse aux autres territoires

Le diagnostic d'AOMI implique la recherche d'antécédents, de symptômes ou de signes cliniques cérébro-vasculaires ou coronaires.

La découverte d’une AOMI impose la recherche de manifestations angineuses et la réalisation d’un électrocardiogramme de repos (item n°132). La réalisation d’un bilan plus complet (épreuve d’effort ou scintigraphie myocardique ou échographie de stress) n’est pas systématique, en dehors du patient diabétique. Elle doit être envisagée chez les patients dont l’AOMI est sévère ou diffuse.

La découverte d’antécédent d’accident ischémique transitoire ou d’accident vasculaire cérébral doit faire réaliser un écho-doppler cervical (item n°133). En l’absence d’antécédent d’ischémie cérébrale, cet examen est proposé à la recherche d'une sténose asymptomatique pouvant relever d’une indication chirurgicale.

Un écho-doppler des artères rénales est réalisé devant la découverte d’une altération de la fonction rénale sous bloqueurs du système rénine angiotensine et/ou une HTA résistante au traitement (item n°130).
Un écho-doppler des artères digestives recherche une sténose athéroscléreuse devant des signes d’angor abdominal ou d’amaigrissement. L’AOMI est associée à un anévrisme de l’aorte abdominale sous rénale dans environ 10% des cas. Ce dernier est systématiquement recherché à l’écho-doppler.

1 . 2 . 3 . 4  -  Diagnostic des formes particulières

L’AOMI du diabétique

Les particularités de l’AOMI chez le diabétique sont : une topographie lésionnelle distale, des atteintes des artères fémorales profondes, une médiacalcose, l’association à une neuropathie sensitive et motrice, une moindre résistance à l’infection, une évolutivité plus rapide vers les troubles trophiques et un taux d’amputation plus élevé. Les formes asymptomatiques sont fréquentes, du fait de l’atteinte neurologique qui diminue la symptomatologie douloureuse. Pour la même raison, la claudication artérielle lorsqu’elle existe, est plutôt distale (plante des pieds). Les douleurs de décubitus sont rares. Les troubles trophiques sont le mode de découverte habituel de l’AOMI chez le diabétique dans plus de 50 % des cas. Ils sont liés aux problèmes artériels, neurologiques ou infectieux ; ils peuvent survenir à tout moment mais sont favorisés par un traumatisme même minime.

L’examen clinique peut poser des problèmes difficiles. Le pied diabétique peut être chaud du fait de la neuropathie, camouflant ainsi une ischémie pourtant présente. La pression artérielle de cheville peut être faussée par la présence de la médiacalcose. Il faut alors pratiquer la mesure de la pression artérielle au gros orteil. En cas d’ischémie permanente avec ou sans trouble trophique, la pression d’oxygène est mesurée par voie transcutanée.

Le diagnostic différentiel le plus important est le mal perforant plantaire (d’origine neuropathique), face à un trouble trophique du pied. Il convient alors de réaliser une radiographie des pieds à la recherche de complications ostéo-articulaires et des prélèvements bactériologiques dans la profondeur de l’ulcération.

Syndrome des orteils bleus


Ce syndrome est dû le plus souvent à la migration de cristaux de cholestérol à partir de lésions athéromateuses. Elles peuvent être spontanées ou avec un facteur déclenchant (cathétérisme artériel, traitement anticoagulant ou fibrinolytique, chirurgie artérielle ou cardiaque).

Les manifestations cliniques sont multiples. Elles sont le plus souvent cutanées avec un livédo reticularis au niveau des talons, des genoux et des cuisses. Celui-ci est associé à un ou plusieurs orteils pourpres, des zones de nécroses cutanées hyperalgiques. Les pouls périphériques sont perçus. Des myalgies peuvent siéger dans les mêmes territoires que le livédo avec parfois augmentation des enzymes musculaires. Des formes systémiques peuvent se surajouter avec atteintes polyviscérales de pronostic très sombre.

Dans les formes spontanées, l’angioscanner thoraco-abdomino-pelvien, si clairance créatinine > 30 ml/min, recherche la lésion emboligène.
Le traitement comporte un traitement antiagrégant plaquettaire, une statine et le traitement de la lésion responsable.

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