Monsieur M., 45 ans, est amené par son épouse aux urgences le 10 janvier car il présente des vomissements et des propos incohérents. L’examen clinique à l’entrée montre un patient somnolent mais réveillable. Aucun syndrome déficitaire neurologique n’est retrouvé. Les réflexes ostéotendineux sont vifs, les pupilles sont réactives, intermédiaires. L’interrogatoire révèle une désorientation temporospatiale. La température est à 38,2 °C, le pouls à 93/min, la pression artérielle à 130/80 mmHg, le rythme respiratoire à 28/min et la SpO2 à 95 %. On note un ictère cutanéomuqueux bien visible aux conjonctives. L’examen abdominal est sans particularité, les fosses lombaires sont libres et 250 mL d’urines sont obtenus au sondage vésical. L’interrogatoire de l’entourage rapporte que les premiers symptômes sont apparus voici 6 jours avec un syndrome grippal (fièvre et arthralgies), puis des douleurs abdominales et des céphalées rebelles aux antalgiques habituels. Le patient a pris de l’Efferalgan en quantité non précisée mais à plusieurs reprises depuis 3 jours. Il a vomi deux fois et à présenté une diarrhée hier soir. Il ne s’alimente plus depuis 24 heures. Selon son épouse, M. M. est en bonne santé par ailleurs, il ne prend aucun traitement de manière habituelle, ne fume pas. Suite à un accident de la circulation à l’étranger, il a été opéré d’une fracture du fémur (ostéosynthèse) au mois de novembre précédent. Il occupe un emploi sédentaire dans une administration. Son dernier déplacement remonte aux fêtes de Noël, où il s’est rendu en Bretagne.
Devant ce tableau, quelles sont vos hypothèses diagnostiques et quels examens complémentaires réalisez-vous en urgence ?
Les premiers examens biologiques sont les suivants : hématies = 4 300 000/mm3, hémoglobine = 13,8 g/dL, hématocrite = 40 %, leucocytes = 9 500 /mm3, plaquettes = 98 000/mm3, Na = 137 mmol/L, K = 5 mmol/L, Cl = 102 mmol/L, bicarbonates = 13 mmol/L, ALAT = 4 000 UI/L, ASAT = 5 000 UI/L, phosphatases alcalines = 250 IU/L, g-GT = 450 IU/L, bilirubine conjuguée = 100 µmol/L, TP = 40 %, facteur II = 37 %, facteur V = 36 %, ammoniémie = 120 µmol/L. L’échographie abdominale montre une vésicule alithiasique à parois fines, sans dilatation visible des voies biliaires. Le foie est de taille normale, aucun nodule n’est retrouvé.
Interprétez ces résultats. Précisez le diagnostic retenu à ce stade.
Quelles causes recherchez-vous et quels examens demandez-vous? Justifiez vos réponses.
Devant l’aggravation de son état de conscience (score de Glasgow noté à 8) et la nature du diagnostic évoqué, le patient est admis en réanimation. Le bilan biologique réalisé en réanimation, soit 3 heures après l’admission, est le suivant : hématies = 4 300 000/mm3, Hb = 13,8 g/dL, leucocytes = 9 500/mm3, plaquettes = 50 000/mm3, Na = 130 mmol/L, K = 6 mmol/L, Cl = 96 mmol/L, bicarbonates = 11 mmol/L, créatinine = 200 µmol/L, urée = 30 mmol/L, lactates = 6 mmoles/L, TP = 25 %, facteur II = 22 %, facteur V = 25 %, fibrinogène = 1,3 g/L, complexes solubles positifs, pH = 7,32, PaO2 = 90 mmHg, PaCO2 = 26,5 mmHg. La paracétamolémie est nulle. Les sérologies des hépatites virales sont en attente.
Il manque un examen biologique indispensable pour la bonne prise en charge thérapeutique : lequel ?
Étiologies | Particularités | Fréquence d’IH | Évolution |
Hépatites virales aiguës (40 à 50% des IHF/SF en France) | |||
VHA | Rare (< 0,01 %) | Favorable 40/50 % | |
VHB | La plus élevée | Favorable 20/45 % | |
VHC | Exceptionnelle si isolée | ||
VHD | Associée à VHB | ||
VHE | Asie, Afrique, femme enceinte | ||
Herpès simplex virus | Terrain (nouveau-né, femme enceinte, immunodéprimé) | ||
Parvovirus B19, adénovirus | |||
Fièvres hémoragiques… | |||
Hépatites médicamenteuses(15 à 20 % des IHF/SF) | |||
La fréquence élevée de cette cause justifie l’arrêt de tout médicament devant l’apparition d’une IH | Très nombreux médicaments | ||
Hépatites aiguës toxiques (5 % des IHF/SF) | |||
Paracétamol | Dose dépendant | 40-65 % | Favorable avec la N-acétylcystéine |
Champignons (Amanites et Lépiotes) Autres : Ecstasy, CCI4, phosphore… | Cytolyse retardée | Élevée | mortalité 20-25 % |
Autres causes (5 à 10 % des IHF/SF) | |||
Foie cardiaque aigu | |||
Obstruction veines sus-hépatiques | Syndrome myéloprolifératif Déficit en inhibiteur de la coagulation | ||
Hépatites auto-immunes | |||
Hyperthermie maligne | |||
Infiltration maligne massive | Métastases de cancer Hémopathie maligne | ||
Stéatoses micro-vésiculaires | Stéatose aiguë gravidique Syndrome de Reye | ||
Suites de transplantation hépatique | |||
Hépatectomies partielles étendues ou sur foie pathologique | |||
Maladie de Wilson | Hémolyse associée | ||
Cause indeterminee(15 à 20 % des IFH/SF) | Mortalité 80-90 % |
Quel diagnostic étiologique vous parait le plus probable ?
Quelle thérapeutique de sauvetage devez-vous discuter ? Quels éléments principaux de surveillance mettez-vous en place ? Citez les principes du traitement symptomatique à entreprendre dans l’attente d’une décision ?