2  -  Protection contre les arthropodes vecteurs ou nuisants

La lutte antivectorielle s’appuie sur des méthodes qui diffèrent selon les vecteurs et selon les contextes épidémiologiques et socio-économiques. Elle inclut la lutte chimique, la lutte biologique, la lutte génétique, l’action sur l’environnement, l’éducation sanitaire, la mobilisation sociale et l’évaluation permanente de toutes ces méthodes. La protection personnelle antivectorielle permet d’éviter la contamination quels que soient les moyens de lutte mis en place dans la zone visitée et est une composante essentielle des conseils fournis lors de consultation de médecine des voyages. Elle comprend l’évitement des situations à risque (par exemple, éviter de s’exposer à la tombée de la nuit), la mise en place de moustiquaires imprégnées, le port de vêtements couvrants (manches longues, pantalons et chaussures fermées), l’imprégnation des vêtements par un répulsif-insecticide (perméthrine, bifenthrine, deltaméthrine) et l’application de répulsifs (repellents en anglais) sur les zones cutanées découvertes. Cependant, l’utilisation de ces moyens nécessite quelques précautions.

2 . 1  -  Répulsifs

Un répulsif est une substance naturelle ou de synthèse qui présente une propriété répulsive vis-à-vis des arthropodes hématophages. Repoussant le vecteur potentiel, elle limite le contact homme-vecteur. Les répulsifs sont classés parmi les pesticides, à côté des insecticides, des herbicides et des fongicides. À ce titre, ils font l’objet d’une évaluation par les agences en charge des produits de santé (ANSM) prescrite dans la directive européenne « Biocides ». Les dossiers de seulement quatre substances actives sont retenus (tableau B2) : le N,N-diéthyl-m-toluamide (DEET), le N-butyl-N-acétyl-bêta-alaninate d’éthyle (EBAAP, ou IR3535), le carboxylate de sec-butyl-2-(2-hydroxyéthyl)-1-pipéridine (picaridine ou KBR3023), le mélange de cis- et trans-p-menthane-3,8-diol (citriodiol ou PMDRBO).

Tableau 2 Recommandations pour la protection antivectorielle en France (recommandations de bonnes pratiques, 2010 ; BEH n° 21 du 22 juin 2015)
Catégorie d’âge Substance active Concentration Nbre maximal d’applications journalières
6 mois à l’âge de la marche IR3535 20 % 1
DEET 10 % à < 30 % 1
PMDRBO 25 % 1
Âge de la marche à 24 mois IR3535 20 % 2
DEET 10 % à < 30 % 2
PMDRBO 25 % 2
24 mois à 12 ans DEET 20 % à 30 % 2
Picaridine 20 % à 30 % 2
IR3535 20 % à 35 % 2
PMDRBO 25 % 2
Plus de 12 ans DEET 20 % à 50 % 3
IR3535 20 % à 35 % 3
Picaridine 20 % à 30 % 3
Citrodiol 25 % 3
Femme enceinte DEET 30 % 3
IR3535 20 % 3
Picaridine 20 % 3

Tous les répulsifs sont classés toxiques par ingestion et irritants pour les yeux. Leur éventuelle toxicité en usage prolongé sur la peau pendant plusieurs mois est mal appréhendée. L’absorption percutanée est variable selon les molécules et les excipients. Pour le DEET, il faut éviter le contact avec le plastique, le vernis, les verres de montre et de lunettes. Chez le nourrisson, avant l’âge de la marche, il est préférable de ne rien appliquer sur la peau et de privilégier les moyens physiques de protection, comme la moustiquaire ou les voilages imprégnés. Chez la femme enceinte, on peut utiliser les répulsifs à la concentration minimale efficace. Plusieurs formes galéniques sont disponibles sur le marché : spray, crème, lotion, stick. La durée de protection est variable selon la concentration du principe actif et les excipients utilisés (4 à 8 heures). Les conditions externes (chaleur, sudation…) ont également une influence négative sur cette durée de protection. En cas d’application de crème solaire, le répulsif doit être appliqué après celle-ci. Chez l’asthmatique, il est préférable de ne pas utiliser de formulation en spray.
Les produits ont été testés dans les conditions de laboratoire sur les principales espèces d’arthropodes vecteurs ou nuisants : culicidés (anophèles, Aedes, Culex), phlébotomes, cératopogonidés, tiques. L’efficacité doit être évaluée sur la durée de protection totale, variable selon les genres testés et les concentrations. L’application du produit se fait sur les parties découvertes du corps et doit être adaptée à l’arthropode cible dont on souhaite se protéger.

  • Les anophèles ont une activité nocturne (notamment An. gambiae et An. dirus) ou vespérale (An. darlingi).
  • Les Aedes (notamment Ae. aegypti et Ae. albopictus*) ont une activité diurne avec une recrudescence crépusculaire.
  • Les Culex (Cx. quinquefasciatus, Cx. vishnui, Cx. triataenorinchus) et les phlébotomes ont une activité crépusculaire et nocturne.
------- * Aedes albopictus, ou « moustique tigre », est facilement reconnaissable à la présence d’une ligne longitudinale blanche en position centrale sur son thorax noir et aux rayures qu’il porte sur ses pattes. Ce moustique est en train d’envahir tous les continents, provoquant une nuisance considérable et pouvant transmettre des virus responsables de maladies aussi graves que la dengue ou le chikungunya. En France, le moustique tigre est maintenant implanté dans le sud de la France et diffuse dans le reste de la France (www.signalement-moustique.fr).
Son cycle est brièvement présenté dans le film accessible avec le lien suivant : https://youtu.be/xGWr81gqfgg.
Lorsque les piqûres n’ont pas pu être évitées, certains produits, différents des répulsifs, ont un effet apaisant immédiat : crèmes anti-inflammatoires, gels antihistaminiques, films ou compresses calmantes.

2 . 2  -  Moustiquaires imprégnées

L’usage de la moustiquaire est très ancien et correspond à une protection mécanique simple limitant de façon efficace le contact homme-vecteur, à condition qu’elle soit bien posée et intacte. Dans le cadre de la lutte contre le paludisme, l’imprégnation des moustiquaires par un pyréthrinoïde de synthèse (perméthrine, deltaméthrine) a montré son efficacité tant à l’échelle individuelle que collective sur la diminution de l’incidence de la maladie. Quatre actions sont reconnues aux moustiquaires imprégnées : un effet dissuasif, les moustiques entrent moins dans l’habitation ; un effet excito-répulsif, les moustiques sortent plus et plus rapidement de l’habitation (effet irritant) ; un effet inhibiteur de gorgement, qui perturbe le comportement des moustiques ; un effet létal, qui intègre un effet dit « knock-down » rapide. Depuis quelques années, avec l’utilisation intensive des pyréthrinoïdes, surtout en agriculture, on note la sélection progressive des moustiques présentant une résistance aux pyréthrinoïdes et pour lesquels l’effet « knock-down » est limité. Les nouvelles techniques d’imprégnation de la fibre du textile et l’association de plusieurs molécules devraient permettre de limiter ce phénomène tout en obtenant des produits à longue durée d’action, résistant à de nombreux lavages. La moustiquaire imprégnée présente tout son intérêt dans la prévention de la piqûre des vecteurs dont l’activité est nocturne, comme les anophèles, les culex et les phlébotomes (moustiquaire à mailles fines). Dans le cadre des arboviroses évoluant sur un mode épidémique, l’usage des moustiquaires imprégnées pour protéger les malades alités contribue à limiter l’extension de la maladie dans la population.

2 . 3  -  Imprégnation des tissus et vêtements

L’imprégnation des vêtements par un insecticide rémanent (perméthrine, bifenthrine, deltaméthrine) apporte un complément intéressant dans la protection personnelle antivectorielle, notamment pour la protection contre les tiques et les moustiques diurnes. La limite d’usage est en fait liée à la résistance du produit au lavage.

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