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Diagnostic étiologique (démarche diagnostique)
Devant toute dysphonie trainante, l’examen des cordes vocales lors de la consultation ORL est nécessaire. Il peut s’agit d’un examen avec un miroir laryngé (le miroir de Clar correspond quant à lui à la lumière frontale du praticien) ou d’une fibroscopie naso-pharyngo-laryngée. Cet examen est réalisé sans anesthésie ou avec un simple anesthésiant de contact directement au cabinet lors de la consultation.
L’examen ORL doit être complet et comprendre :
- l’analyse du terrain et la recherche des facteurs de risque de cancer : âge, profession « à risque vocal » comme les enseignants, sexe, alcool, tabac, reflux gastro-oesophagien, antécédents chirurgicaux ou traumatiques
- la recherche de signes ORL associés à la dysphonie : dyspnée, dysphagie, fausses routes
- examen des paires crâniennes et en particulier des nerfs mixtes : motricité de la langue (XII), du voile (X), de la paroi pharyngée postérieure (IX et X : signe du rideau)
- examen des aires cervicales et de la glande thyroide
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L’examen clé est l’examen des cordes vocales qui conditionne la poursuite éventuelle des investigations.
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Cordes vocales normales et mobiles. La présence d’un trouble de la voix alors que l’examen semble normal doit conduire à proposer un examen spécialisé auprès d’un médecin spécialisé en phoniatrie car il existe certains diagnostics difficiles à porter lors d’un simple examen fibroscopique
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Cordes vocales normales mais présentant un trouble de la mobilité (paralysie uni ou bilatérale). Ces situations conduisent à une démarche diagnostique centrée autour du trajet des nerfs laryngés jusqu’à leur organe effecteur, la corde vocale et son aryténoïde.
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Cordes vocales suspectes ou présentant une lésion d’allure néoplasique maligne. Dans ces cas le patient doit être programmé sans délai pour une laryngoscopie en suspension à visée d’histologie (cf ci-dessous).
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Cordes vocales présentant une lésion manifestement bénigne (nodules bilatéraux par exemple). Il n’est pas justifié dans ces cas de proposer d’emblée une laryngoscopie en suspension car il n’existe pas de doute quant à la nature bénigne. Mais la plus grande prudence doit être de mise et au moindre doute lors de l’examen initial ou lors de l’évolution, une laryngoscopie en suspension avec biopsie-exérèse doit être proposée
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Lésions malignes et suspectes
Une lésion maligne des cordes vocales doit être redoutée et recherchée à l’occasion de toutes les dysphonies trainantes mais de façon plus impérative encore lorsque les facteurs de risque habituels des cancers ORL sont présents, notamment chez un homme de plus de 50 ans, fumeur et consommant de l’alcool.
La dysphonie est en règle apparue insidieusement chez un patient ayant une voix qualifiée de rauque ou grave depuis longtemps et elle s’aggrave progressivement. Les autres symptômes classiques du cancer ORL peuvent être retrouvés : dyspnée inspiratoire, otalgie, adénopathie cervicale.
Lors de l’examen en fibroscopie naso-pharyngée, on retrouve une ou des lésions dont l’aspect est suspect : plaques blanchâtres, irrégulières, mal limitées, par exemple. En réalité, surtout dans ce contexte, toutes les lésions présentes sont suspectes y compris les lésions mal vues en raison d’un réflexe nauséeux important. La présence d’un polype de la corde vocale dans ce contexte doit inciter à la prudence et le plus souvent à une laryngoscopie en suspension avec exérèse de la lésions. Elle est donc en pratique considérée comme une lésion suspecte. Il en est de même des oedèmes des cordes vocales (œdème de Reinke)
Dans tous les cas, ces lésions suspectes doivent bénéficier d’une laryngoscopie en suspension (sous anesthésie générale) en vue de la réalisation soit d’une biopsie-exérèse si elle est possible (lésions superficielle, bien limitée) soit de biopsies dans tous les autres cas. Comme partout, il est important de se souvenir qu’une biopsie n’a de valeur que positive et qu’une simple biopsie « rassurante » doit être suivie d’une surveillance très attentive et de nouvelles biopsies au moindre doute.
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Lesions d’allure bénigne
Dans certains cas, l’examen fibroscopiquenaso-pharyngé permet de retrouver des lésions manifestement bénignes dont l’exérèse chirurgicale sous laryngoscopie en suspension n’est pas toujours nécessaire. Il s’agit de diagnostics spécialisés qui ne posent pas de problème de démarche diagnostique mais plutôt de choix thérapeutique (hors programme de l’ECN donc) mais on peut retenir :
- Les nodules des cordes vocales : petites lésions cornées sur les cordes vocales survenant le plus souvent chez des jeunes femmes présentant un malmenage vocal chronique comme les enseignants par exemple. Ces lésions peuvent être aussi plus « œdémateuses » et sont assimilées à des polypes bénins. L’aspect rassurant en laryngoscopie permet de ne pas proposer de laryngoscopie à visée biopsique.
- Les granulomes du tiers postérieur des cordes (au niveau de l’apophyse vocale des aryténoïdes), souvent dans le cadre d’un traumatisme d’intubation et/ou d’un reflux gastro-œsophagien. Leur aspect est parfois tout à fait caractéristique : lésion arrondie, régulière, pédiculée.
- Les papillomatoses laryngées juvéniles, sortes de verrues, d’aspect tout à fait caractéristiques pour des spécialistes.
En dehors de cas très particulier (terrain très différent du terrain habituel des cancers ORL, absence d’intoxication tabagique, lésion parfaitement rassurante en fibroscopie naso-pharyngée), la règle est de considérer toute lésion comme suspecte et de proposer une laryngoscopie en suspension au moindre doute.
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Immobilités unilatérales
Immobilité n’est pas synonyme de paralysie et il existe des immobilités qui correspondent à un blocage mécanique ou tumoral d’une ou des deux articulations crico-aryténoidiennes ou encore d’une cicatrice unissant les deux aryténoïdes.
Le diagnostic différentiel entre immobilité et paralysie n’est pas toujours aisé et il est porté généralement sur les circonstances cliniques, les données de l’examen et parfois par l’examen en laryngoscopie en suspension. Dans les cas difficiles en particulier dans des situations médico légales, l’EMG laryngé peut être proposé mais il s’agit en règle de diagnostic de spécialistes.
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Diagnostic d’immobilité unilatérale
Une des cordes vocales reste immobile lors de l’examen au miroir ou en fibroscopie. Les mouvements transmis au larynx par l’ensemble des muscles de la région cervicale rendent ce diagnostic d’immobilité parfois difficile. L’attention devra être portée en particulier sur le temps d’ouverture des cordes vocales plus que sur le temps de fermeture parfois trompeur. Il est à noter que la stroboscopie n’apporte aucun élément au diagnostic positif de paralysie ou d’immobilité laryngées unilatérale.
La position de la corde vocale est jugée lors du temps phonatoire : la corde est dite en position ouverte lorsqu’elle reste en position inspiratoire alors que la corde mobile se met en position médiane (position phonatoire). Elle est dite en position fermée lorsqu’elle reste en position phonatoire pendant le temps inspiratoire et que la corde vocale mobile se met en position ouverte. La position de la corde paralysée dépend du nombre de fibres motrices lésées (paralysie en position ouverte si toutes les fibres sont lésées). La symptomatologie est directement fonction de la position :
- position ouverte : voix très faible et soufflée, fausses routes par inhalation
- position fermée : sémiologie discrète voire absente. En général, pas de gêne respiratoire notable
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Démarche étiologique des immobilités unilatérales
L’interrogatoire et l’analyse des circonstances de survenue sont souvent déterminants (apparition des troubles au réveil d’une intervention chirurgicale par exemple)
L’examen est complété par l’examen des nerfs crâniens qui peut avoir une valeur localisatrice : si l’immobilité est associée à une immobilité de l’hémivoile, il est probable que la lésion sur le nerf siège au dessus de l’émergence de la branche vélique du X c’est-à-dire dans la partie supérieure du cou. Il est complété également par un examen de la glande thyroïde et de la région cervicale à la recherche d’adénopathies. Un examen neurologique enfin est réalisé (troubles associés de la marche, de la préhension, etc.)
Il n’est pas nécessaire de pratiquer à titre systématique une laryngoscopie en suspension
En l’absence de circonstances évocatrices, on propose un bilan TDM injecté depuis la base du crâne jusqu’au thorax. Une échographiethyroïdienne est optionnelle et en tout cas ne dispense pas du TDM. L’IRM n’a pas d’indication en dehors d’une clinique évocatrice de lésion intracrânienne du nerf vague)
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Etiologies des immobilités unilatérales
Les blocages articulaires : Les plus fréquents sont :
- Blocage de l’espace paraglottique par un cancer laryngé ou du sinus piriforme. Dans cette situation le diagnostic d’immobilité est d’une importance cruciale car le statut TNM tient compte de la mobilité (toute lésion du larynx entrainant une immobilité unilatérale est classée T3)
- Lésion post traumatique après intubation notamment : le plus souvent il s’agit d’une dysphonie survenant au réveil après une chirurgie parfois courte ou en cas d’intubation d’extrême urgence. L’aryténoide peut être inflammatoire voire déplacé, ce qui correspond à une luxation ou subluxation de l’aryténoide sur la cricoide par le bec du laryngoscope d’anesthésie.
Les lésions de la voie motrice : Les plus importants à rechercher sont :
- Envahissement nerveux par une lésion maligne siégeant sur le trajet du nerf depuis le noyau ambigu situé dans le bulbe jusqu’à sa terminaison. C’est dans cette indication que le TDM est particulièrement utile. Ne pas oublier en particulier
- les cancers thyroïdiens (un nodule thyroïdien associé à une paralysie laryngée est suspect de cancer)
- les cancers pulmonaires (surtout à gauche en raison du trajet du nerf X. Mais il existe des envahissements à droite par un cancer de l’apex pulmonaire et des envahissements médiastinaux responsables de paralysies gauches alors que le cancer pulmonaire initial est à droite)
- les cancers œsophagiens (si l’œsophage est normal sur le scanner, il est extrêmement peu probable qu’un cancer débutant éventuellement non visible sur le scanner puisse être responsable d’un envahissement nerveux qui nécessite que la tumeur ait traversé toute l’épaisseur de l’œsophage. Il n’y a donc pas de logique à proposer une FOGD dans ce cas)
- Lésion traumatique (section/compression/étirement) en rapport en particulier avec n’importe quelle chirurgie à proximité du nerf vague (neurochirurgie du tronc cérebral ou de la base du crâne), chirurgie cervicale ou carotidienne, chirurgie du rachis) ou de sa branche récurrentielle (chirurgie oesophagienne, pulmonaire, cardio-aortique, thyroidienne, thymique). Le contexte de survenue et l’interrogatoire sont primordiaux
Causes neurologiques : le syndrôme de Guillain-Barré doit être recherchés, de même que les AVC du tronc, une SEP, syringomyélie, encéphalite, méningite, neuropathies diabétiques, inflammatoires, toxiques. Le contexte pathologique est généralement au premier plan et il est rare que la paralysie laryngée unilatérale soit le symptôme inaugural
Causes cardiaques (très rares) : maladie mitrale, coarctation aortique
Paralysies idiopathiques (environ 20% des cas).
Le diagnostic est un diagnostic d’élimination et la récupération survient dans environ un cas sur deux, parfois après 6 à 8 mois d’évolution. Une étiologie virale est parfois évoquée sans preuve.
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