4  -  Les traumatismes vasculaires des membres

4 . 1  -  Traumatismes vasculaires du membre inférieur

L'atteinte artérielle peut être secondaire à un traumatisme direct ouvert (plaie par arme blanche, par arme à feu, accident de la voie publique …), ou fermé. En pratique civile et en Europe, il s'agit plus souvent de traumatismes indirects secondaires aux lésions ostéoarticulaires (luxation du genou, fracture, écrasement de membre). Les traumatismes iatrogènes (ponction artérielle ou veineuse) sont fréquents au niveau du Scarpa

L'interrogatoire du blessé et de l'entourage précise les circonstances de survenue, et le mécanisme du traumatisme.

L'examen clinique est fait comparativement avec le membre controlatéral, il apprécie la coloration et la chaleur du membre. Le trajet en cas de lésion ouverte est reconstitué (orifices d'entrée et/ou de sortie). La palpation des pouls en aval du traumatisme est systématique à la recherche de leur disparition. L'auscultation des trajets vasculaires peut retrouver un souffle systolique ou systolo-diastolique .

Les lésions artérielles peuvent être asymptomatiques et doivent être systématiquement suspectées. En particulier en cas de luxation de genou même réduite, la recherche d'une lésion de l'artère poplitée est impérative, car son expression peut être retardée.
Les lésions artérielles peuvent être symptomatiques. Deux complications dominent la symptomatologie : l'hémorragie extériorisée ou non (hématome parfois battant) et l'ischémie d'intensité variable (Voir la question ischémie aiguë), difficile à apprécier sur un patient en état de choc.

Le diagnostic est aisé en cas d'hémorragie ou d'ischémie sensitivo-motrice dont le traitement est immédiat. Le bilan des lésions est réalisé en peropératoire en s'aidant éventuellement d'une artériographie sur table d'opération.

Dans les autres situations, le recours aux examens paracliniques est nécessaire :

  • Le doppler continu est insuffisant pour le diagnostic, et peut être faussement rassurant.
  • L'écho-doppler ne doit pas retarder la prise en charge : il est difficile à réaliser dans le contexte du polytraumatisé voire non réalisable en raison de l'état du membre. Il peut montrer une occlusion artérielle, dépister une fistule artério-veineuse ; il est le plus souvent insuffisant pour mettre en évidence des lésions intimales.
  • L'artériographie doit être réalisée chaque fois qu'il existe une suspicion d'atteinte artérielle. Elle permet de préciser les lésions (siège, lésions étagées), l'état de la circulation collatérale et du lit d'aval, toutes informations utiles pour la restauration vasculaire. Elle peut être faite sur la table d'opération après réduction des lésions ostéo-articulaires.
  • L'angio-scanner, souvent réalisé dans le cadre d'un polytraumatisme, peut révéler des lésions vasculaires des membres, avec une précision presque équivalente à celle de l'artériographie.


La gravité dépend :

  • du type du traumatisme : les lésions des parties molles peuvent aller de la simple contusion à l'écrasement.
  • de l'importance de l'hémorragie appréciée sur les signes de choc.
  • du siège de la lésion vasculaire (artère poplitée+++).
  • de l'intensité et de la durée de l'ischémie (au-delà de 6 heures, les lésions provoquées par une ischémie totale sont souvent irréversibles) et de l'étendue des masses musculaires concernées par l'ischémie.
  • des lésions associées :
    • une instabilité osseuse peut aggraver les lésions artérielles (la stabilité osseuse est nécessaire pour la réparation vasculaire).
    • une plaie veineuse majore l'hémorragie. °une interruption du retour veineux (thrombose ou rupture) aggrave les conséquences de l'ischémie. ° une lésion nerveuse obère le pronostic fonctionnel et la conservation du membre.
    • l'importance de la perte de substance cutanée et des parties molles compromet la couverture de la réparation artérielle et osseuse et majore le risque infectieux.
  • du terrain : un collapsus grave et/ou un coma associé retardent souvent le diagnostic lésionnel. En cas de polytraumatisme, le nombre des lésions associées, l'existence d'un traumatisme cérébral, ou abdomino-thoracique sévère aggravent non seulement le pronostic général mais aussi le pronostic local en retardant la prise en charge de la lésion vasculaire. Le diabète, l'athérome compromettent la restauration artérielle et la conservation du membre et majorent le risque infectieux. L'âge et les tares associées aggravent le pronostic global.


Le risque infectieux local et/ou général est majoré par l'attrition, l'ouverture de la peau et des parties molles, l'ischémie, la souillure, et le délai de prise en charge. Cette infection est fréquemment due à des germes anaérobies pouvant conduire à la gangrène
gazeuse.

4 . 1 . 1  -  La prise en charge

4 . 1 . 1 . 1  -  Sur les lieux de lʼaccident :

  • en cas d'hémorragie extériorisée, l'hémostase doit être réalisée par une compression manuelle immédiate directe sur la plaie. La compression ne doit pas être excessive mais précise et efficace centrée sur le site de l'hémorragie.
  • simultanément une voie veineuse est mise en place et, si nécessaire la liberté des voies aériennes supérieures est assurée.
  • un état de choc est contrôlé par un remplissage intravasculaire visant à maintenir une pression artérielle suffisante pour assurer une perfusion viscérale et cérébrale correcte.
  • en cas de fracture ou de luxation, une immobilisation temporaire du membre est assurée et un traitement antalgique institué par voie veineuse.

4 . 1 . 1 . 2  -  Le transport du blessé :

  •  le transfert rapide en milieu hospitalier spécialisé est assuré par un transport médicalisé ou sécurisé.

4 . 1 . 1 . 3  -  En milieu hospitalier spécialisé :

  • un bilan est effectué. Le patient est réanimé et transfusé en fonction des données cliniques et biologiques.
  • s'il existe une hémorragie extériorisée, l'hémostase chirurgicale doit être faite en salle d'opération.
  • devant un polytraumatisme, la lésion engageant le pronostic vital est traitée prioritairement.
  • si l'atteinte artérielle est isolée, la restauration artérielle est réalisée sans délai.
  • si l'atteinte artérielle est associée à des lésions ostéo-ligamentaires, la prise en charge doit être pluridisciplinaire et simultanée (chirurgien orthopédiste, chirurgien vasculaire et chirurgien plasticien). L'artériographie est faite sur la table d'opération. La réparation artérielle doit être faite après réduction et stabilisation rapide, au besoin temporaire, par un fixateur externe. Devant des signes d'ischémie grave, la stabilisation peut être réalisée après la réalisation d'une revascularisation transitoire par un shunt.
  • la réparation d'une lésion veineuse peut être nécessaire.
  • les indications des aponévrotomies de décharge sont très larges.
  • une restauration artérielle tardive (au-delà de 6 heures d'ischémie complète) peut être inefficace voire dangereuse en revascularisant des masses musculaires nécrosées (risque d'acidose, d'insuffisance rénale aiguë, d'hyperkaliémie et de troubles du rythme ventriculaire). L'alcalinisation par voie veineuse, le lavage de membre, une épuration extra-rénale précoce peuvent être utilisés si le pronostic vital n'est pas en jeu.
  • en cas de lésions nerveuses irréparables et/ou de lésions associées complexes des parties molles et/ ou d'un délai thérapeutique dépassé, l'amputation peut être réalisée d'emblée après concertation multidisciplinaire et information du blessé ou de ses proches si possible.
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