3  -  Physiopathologie de la MIN

Un grand nombre de facteurs sont incriminés de manière possible mais rarement certaine. Actuellement, on pense que la MIN est un accident multifactoriel survenant à un âge vulnérable dû à une succession d’événements qui s'associent chez un nourrisson dont le fonctionnement est encore immature.

3 . 1  -  Les facteurs de risque (fdr)

De nombreuses études épidémiologiques ont permis de mieux préciser les facteurs de risque des morts inattendues du nourrisson. On peut les regrouper en 3 grandes catégories. Ainsi, la règle des « 3 M : Milieu – Maladie – Maturation» a été élaborée.

3 . 1 . 1  -  Le Milieu

Cette catégorie regroupe des fdr très connus comme la position du couchage, la température ambiante, les intoxications tabagique et médicamenteuse, d'autres controversés comme les conditions socio-économiques de la famille mais aussi certains fdr plus récemment incriminés comme les conditions de couchage ou sous-estimés comme les sévices.

3 . 1 . 1 . 1  -  La position de sommeil

La position de sommeil en décubitus ventral (DV) a été dénoncée comme facteur de risque majeur depuis plus de 30 ans.
D'un point de vue physiopathologique, pendant son sommeil, le nourrisson ne peut contrôler son homéostasieDéfinitionintroduit en biologie par Claude Bernard et défini comme la capacité que peut avoir un système quelconque à conserver son équilibre de fonctionnement en dépit des contraintes qui lui sont extérieures, il fut repris par un américain du nom de Cannon qui parlait de l'homéostasie comme « la sagesse du corps ». En effet, pour lui, l’homéostasie est l’équilibre dynamique qui nous maintient en vie. C'est la maintenance de l'ensemble des paramètres physico-chimiques de l'organisme qui doivent rester relativement constants (glycémie, température, taux de sel dans le sang, etc.).. Sachant que la thermolyse est essentiellement assurée par la face, le DV diminue les possibilités d’échanges thermiques, créant ainsi les conditions d’une ascension de la température corporelle. Une infection intercurrente même bénigne, un excès de température majore alors le risque d’hyperthermie. D'autre part, couché sur le ventre, le nourrisson risque, le nez enfoui dans l'oreiller, par un phénomène de « rebreafing » ou « ré-inspiration à circuit fermé », de ventiler dans un micro environnement enrichi en gaz carbonique et appauvri en oxygène engendrant ainsi une hypercapnieDéfinitionL'hypercapnie ou l'hypercarbie est un phénomène qui survient lorsque la pression partielle de CO2 dans le sang artériel (PaCO2) devient trop importante ; on parle alors de surcharge du sang artériel en CO2..

La position en décubitus dorsale (DD) est la position recommandée dans le cadre de la prévention de la MSN même si elle comporte des inconvénients :


La position latérale (DL) est moins dangereuse que la position ventrale, mais comporte le risque de changement spontané de position de l’enfant pendant son sommeil (l’enfant peut basculer sur le ventre, le remettant ainsi en situation dangereuse).

3 . 1 . 1 . 2  -  L’environnement du couchage

  • Les conditions du couchage

Le risque de MIN augmente d’une part avec l’utilisation de couvertures, couettes et l’emmaillotement de l’enfant avec le risque d’étouffement, et d’autre part lorsque la température de la chambre est élevée avec le risque d’une hyperthermie maligne en cas d’infection.

  • Le partage du lit ou « co sleeping » ou « bed-sharing»

Le partage du lit avec le nourrisson par des parents fumeurs, qui ont consommé de l’alcool, des drogues ou très fatigués, augmente le risque de MSN.
Il en est de même pour le partage d’un canapé pour dormir avec l’enfant.

  • Le partage de la chambre ou « room -sharing »

Le risque de MSN est moindre quand l’enfant dort pendant les 6 premiers mois de la vie dans la chambre de ses parents.

3 . 1 . 1 . 3  -  L'intoxication tabagique

Le tabac est un facteur de risque démontré. La pathogénie de cette morbidité n'est pas clairement établie car, très souvent, l'intoxication tabagique in utero se poursuit par un tabagisme passif du nourrisson et peut être associée à d'autres prises de toxiques ou à une polymédication.
Ce risque est d’autant plus fort que la mère a fumé pendant toute la grossesse. Il diminue lorsque l’arrêt du tabac intervient tôt en cours de la grossesse.
Le tabagisme passif est également incriminé puisque le risque existe déjà lorsque seul le père fume et augmente en proportion du nombre de fumeurs dans la maison.

3 . 1 . 1 . 4  -  Les conditions socio-économiques

Les facteurs socio-économiques sont encore controversés et, pour certains auteurs ils sont non spécifiques.
La MIN semble plus fréquente lorsque les conditions socio-économiques de la famille sont défavorables. Il est probable que les messages de prévention y sont plus difficiles à faire appliquer.

3 . 1 . 1 . 5  -  Les sévices

La part des homicides dans la mortalité infantile est certainement sous-estimée et il existe des confusions entre homicides, MIN et morts « de cause inconnue ».
Le syndrome de Silverman ou syndrome de l'enfant battu doit systématiquement être évoqué.
Plusieurs publications ont documenté des cas de récurrence de MIN dans une même famille mais en rapport avec des infanticides. Ceci s’inscrit plutôt dans un syndrome particulièrement difficile à diagnostiquer, le Syndrome de Münchhausen par procuration Définitionforme de maltraitance d’un adulte envers un enfant qui consiste à provoquer de manière délibérée des problèmes de santé conduisant à des soins médicaux répétés, qui fort heureusement, reste exceptionnel.

3 . 1 . 2  -  La Maladie

3 . 1 . 2 . 1  -  L'hyperthermie

Le risque d’hyperthermie chez le nourrisson est bien connu des professionnels depuis une trentaine d’années, mais reste méconnu de beaucoup de parents.
Ce risque est majoré lorsque le nourrisson est couché en DV et encore plus quand il est trop couvert ou près d’une source de chaleur ; les pertes d’eau importantes peuvent aboutir à une déshydratation.
L’hyperthermie est plus fréquemment observée pendant les périodes hivernales en rapport avec les épidémies d’infections. En effet, l’hyperthermie et des variations brusques et importantes de la température centrale (hyper ou hypothermie) modifient la régulation respiratoire.

3 . 1 . 2 . 2  -  Le pic hivernal

La recrudescence hivernale, la présence d’une rhinopharyngite avant le décès, les lésions inflammatoires du système respiratoire, la découverte de virus et bactéries dans les lésions sont des facteurs bien documentés.
Lors du bilan post mortem, les germes les plus fréquemment retrouvés sont des virus (Virus Respiratoire Syncitial ou VRS, cytomégalovirus ou CMV, adénovirus) et des bactéries (Haemophilus Influenzae, Bordella Pertussis), des médiateurs de l’inflammation (interféron, interleukines) sont présents dans le liquide céphalo-rachidien et le plasma et des enzymes du métabolisme de détoxification des xénobiotiques (cytochromes) sont anormalement représentés.

3 . 1 . 2 . 3  -  Les malformations

Les « apnées » obstructives sont connues lors des anomalies malformatives de la filière laryngo-pharyngée (syndrome de Pierre-Robin, laryngomalacie, rétrécissement des voies aériennes supérieures) ou lors des problèmes infectieux (laryngite, rhinite, épiglottite) ou chimique (irritation des reflux gastro-œsophagiens graves).
Le reflux gastro-œsophagien peut être cause d’une inhalation alimentaire massive. Celle-ci est rare. Ces reflux se compliquent aussi de malaise et de perte de connaissance documentés par des enregistrements cardiaques et respiratoires. Avec ou sans œsophagite, le reflux est, dans certains cas, cause d’un réflexe vagal bradycardisant ou apnéisant. Il n’a néanmoins pas été démontré qu’il peut à lui seul et en l’absence de fausse route massive, être responsable de décès.

3 . 1 . 2 . 4  -  Les troubles du rythme cardiaque

Les troubles du rythme cardiaque sont rares. Si le syndrome du QT long, avec ou sans surdité, est exceptionnel chez le nourrisson, les autres troubles du rythme (tachycardie supra ventriculaire ou jonctionnelle, bloc auriculo-ventriculaire) doivent être dépistés dès la période néonatale. Ils sont responsables d’accès de pâleur, de brèves pertes de contact voire d’accès de cyanose ou lorsqu’ils se prolongent de l’installation d’une insuffisance cardiaque.
Il semble qu’il y ait une surexpression des récepteurs muscariniques cardiaques associée à la MIN.

3 . 1 . 2 . 5  -  Les maladies héréditaires métaboliques

Des anomalies héréditaires du métabolisme de l’oxydation des acides gras ont été documentées. Un déficit de l'enzyme MCAD ou Medium Chain Acyl CoA Deshydrogenase non symptomatique à la naissance, provoque à l’occasion d’un jeûne prolongé une symptomatologie bruyante à type de malaise hypoglycémique sans cétose, d’encéphalopathie, de Syndrome de Reye Définitionmaladie neurologique aigue qui peut provoquer une stéatose hépatique et un œdème cérébral. De cause inconnue, il s’observe surtout au décours d’une infection virale et a été associé à l’utilisation d’aspirine et dérivés salicylés., de coma, d’acidose métabolique sévère.
 LAUGIER.J, ROZE.JC, SIMEONI.U, SALIBA.E. , Soins aux nouveau-nés : avant, pendant et après la naissance ; Masson,2ème édition, Paris, 2006, 837 pages LAUGIER.J, ROZE.JC, SIMEONI.U, SALIBA.E. Soins aux nouveau-nés : avant, pendant et après la naissance ; Masson,2ème édition, Paris, 2006, 837 pages

Dans le cadre du Plan national « Maladies rares » 2010-2014, la HAS a été saisie afin d’évaluer l’intérêt d’étendre le dépistage néonatal actuel au déficit en MCAD.

3 . 1 . 3  -  La Maturation

L’incidence d'un retard de maturation et/ou d'une anomalie du contrôle cardio-respiratoire est évoquée dans la MIN.
La responsabilité des apnées est encore débattue pour les prématurés, les nouveau-nés hypotrophiques ou encore pour les enfants ayant présenté une grande souffrance pernatale justifiant des mesures de réanimation. Cependant, c’est dans ce cadre bien particulier que des lésions anatomiques du tronc cérébral (séquelles d’infection, d’accidents vasculaires ou d’hypoxie) peuvent être responsables d’apnées centrales anormalement longues (>20 s) et potentiellement pathologiques. Ainsi, une déficience du contrôle neuro-végétatif engendre une apnée prolongée puis une bradycardie.
Des études émettent l'hypothèse de l'existence d'une anomalie de la maturation des systèmes de transmission somatostatinergiquesDéfinitionSomatostatine : Hormone découverte en 1972. sécrétée principalement dans le tube digestif au niveau des cellules endocrines (hormonales) appartenant au duodénum et au pancréas. Elle est également présente dans le système nerveux central et plus particulièrement au niveau de l'hypothalamus. Son rôle est d'inhiber la sécrétion de l''hormone de croissance par l'hypophyse mais également de nombreuses autres hormones : thyrolibérine, corticolibérine (sécrétée par l'hypothalamus), thyréostimuline, gastrine (sécrétée par l'estomac) insuline et glucagon (sécrétées par le pancréas). dans le tronc cérébral des victimes de MIN.

3 . 2  -  Encore quelques questions

Si certains fdr sont étudiés et reconnus par de nombreuses équipes, certaines points restent sources de débats au sein des professionnels et de questions des parents endeuillés ou inquiets sans pouvoir apporter de réponse argumentée.

3 . 2 . 1  -  Risques pour la fratrie

Le risque de récurrence de MIN au sein d'une même fratrie apparaît variable d'une étude à l'autre (de 0 à 2 voire 10 fois plus). L’hypothèse d'une possible existence d'un gène autosomal dominant mais avec une pénétrance incomplète (variations de manifestations du gène et de son expression) est évoquée (cf CR des 5èmes assise internationales sur la MSIN).
Mais, il est actuellement admis que la MSN reste un accident isolé, sans risque pour les enfants suivants d’une même fratrie. Les professionnels doivent être profondément convaincus de cette réalité, afin de contribuer à créer un climat de confiance vis à vis d’une nouvelle vie à venir au sein des couples pour qui la crainte de récidive est, chez eux, bien légitime.
Dans la population des jumeaux, l’existence d’un sur-risque n’est pas clairement démontrée.

3 . 2 . 2  -  Facteurs protecteurs ?

3 . 2 . 2 . 1  -  Les vaccins

Les vaccinations ont un effet protecteur vis-à-vis de la MIN, puisque les enfants complètement vaccinés ont 2 fois moins de risque que ceux non vaccinés

3 . 2 . 2 . 2  -  L’allaitement maternel

Les différentes études comparatives sont discordantes pour isoler l’effet protecteur de l’allaitement maternel.

3 . 2 . 2 . 3  -  L'usage des tétines

L’utilisation des tétines est un sujet de controverse. Des études récentes montrent que les nourrissons utilisant les tétines auraient un risque moindre de MIN. Le mécanisme protecteur serait dû à des déglutitions et des réactions d’éveil plus fréquentes, le couchage en DD, la protection des voies oro-pharyngées par la tétine et la diminution du reflux gastro-œsophagien par la succion non nutritive.

3/5