3  -  Les rhinites

La rhinite allergique s'inscrit dans le cadre général de la maladie allergique atopique. La démarche pour établir le diagnostic de rhinite allergique repose avant tout sur un interrogatoire bien conduit et un examen clinique soigneux. Le bilan complémentaire est centré sur la réalisation des tests cutanés. Son intérêt repose essentiellement sur l'identification d'un ou plusieurs antigènes et de leur responsabilité dans l'apparition de la symptomatologie. Elle permet parfois d'engager une éviction antigénique ou une immunothérapie spécifique. La prise en charge actuelle repose sur un traitement symptomatique et efficace par antihistaminiques et/ou corticoïdes locaux qui permet de contrôler la symptomatologie. Cependant, les liens étroits entre rhinite et asthme allergique sont de plus en plus reconnus, et pourraient dans un avenir proche inciter à une prise en compte plus précoce et plus sérieuse de cette pathologie un peu négligée par le passé.

3 . 1  -  Définition, épidémiologie

Il s'agit d'une maladie très fréquente puisqu'elle touche 10 à 40 % de la population générale. Les études épidémiologiques ont montré que son incidence avait été multipliée par 3 ou 4 en quelques décennies ; et des études médico-économiques, réalisées aux USA, ont révélé que malgré son apparente bénignité, cette pathologie était responsable d'une morbidité non négligeable, d'un retentissement important sur la qualité de vie, et d'un coût élevé pour la société. Cette pathologie est rare avant l'âge de 5 ans, débute le plus souvent à la puberté pour les rhinites allergiques polliniques et plus tard, entre 15 et 30 ans, pour les rhinites per-annuelles. Les intrications avec les autres maladies allergiques sont importantes, notamment avec la pathologie asthmatique. On estime que 20 % des rhinites allergiques sont associées à un asthme. Cette association semble plus fréquente lorsque la rhinite est per-annuelle. Dans l'allergie saisonnière, en relation avec les pollens, la rhinite est souvent associée à une conjonctivite : c'est le classique « rhume des foins ». La nature allergique de certaines sinusites est vraisemblable, mais sa reconnaissance comme telle varie selon les pays… largement acceptée aux USA, elle est moins volontiers reconnue en Europe. La rhinite allergique est associée à une physiopathologie dépendante des IgE. Elle fait intervenir un premier contact avec l'antigène (sensibilisant). Les contacts ultérieurs (déclenchants) sont responsables de manifestations cliniques biphasiques : immédiate et tardive. La phase immédiate, se caractérise par un prurit nasal, une rhinorrhée aqueuse et une obstruction nasale, puis à distance de 6 à 24 heures avec ce contact antigénique une symptomatologie plus chronique à type d'obstruction nasale s'installe.

3 . 2  -  Diagnostic

3 . 2 . 1  -  Interrogatoire

La triade obstruction nasale, rhinorrhée, et éternuement est très évocatrice. L'obstruction nasale quand elle existe est souvent bilatérale. La rhinorrhée est souvent aqueuse et les éternuements interviennent en salve et précèdent la rhinorrhée. Cette scène clinique caractéristique peut s'associer à un prurit nasal ou oculaire avec larmoiements. Des céphalées, notamment frontales peuvent être associées et traduisent une participation sinusienne. Parfois un jetage postérieur avec sensation de picotements pharyngés est noté, associé à des troubles olfactifs. Enfin, des signes généraux, et des troubles du sommeil peuvent être rapportés. Des analyses récentes scientifiquement conduites ont montré qu'ils étaient plus fréquents qu'on ne le pensait antérieurement.

L'interrogatoire recherche la périodicité, l'intensité, le caractère transitoire ou permanent des symptômes et l'importance de la gêne ressentie, pour déterminer la gravité de la pathologie. Le consensus Allergic Rhinitis and its Impact on Asthma (ARIA 2000) différencie les rhinites intermittentes dont les symptômes sont présents moins de 4 j/semaine ou moins de 4 semaines/an, des rhinites persistantes dont les caractéristiques sont opposées. Elles sont légères ou modérées-sévères, en l'absence ou en présence de troubles du sommeil, de perturbations des activités sociales, scolaires, professionnelles et du caractère peu ou très gênants des symptômes respectivement. Cette classification supprime la notion de rhinite saisonnière et perannuelle, et guide le choix thérapeutique.

3 . 2 . 2  -  Examen clinique

Il débute par une inspection de la pyramide nasale, retrouvant parfois un pli nasal caractéristique chez l'enfant. D'orientation horizontale, il est lié aux frottements répétés du nez. Un second pli palpébral inférieur est lui aussi caractéristique, et observé plus fréquemment chez l'enfant allergique, en particulier lorsqu'une dermatite atopique est associée.

3 . 2 . 3  -  Examen en rhinoscopie antérieure, au spéculum bivalve

Il permet d'examiner les cornets et l'état de la muqueuse. Classiquement, on trouve une hypertrophie de la muqueuse des cornets inférieurs avec une hypersécrétion nasale. Cet aspect macroscopique se normalise lors des périodes d'accalmies cliniques. L'intérêt de cette exploration rhinoscopique, est surtout d'éliminer une déviation septale, une sinusite chronique, une polypose naso-sinusienne. Pour compléter cet examen, une naso-fibroscopie souple peut être réalisée pour une exploration plus complète des fosses nasales et du méat moyen. Au terme de ces investigations, le diagnostic de rhinite allergique devient très probable. Les examens complémentaires seront alors prescrits pour confirmer le diagnostic.

3 . 2 . 3 . 1  -  Les tests cutanés

Ils sont réalisés et interprétés selon les modalités précédemment décrites pour l'asthme.

3 . 2 . 3 . 2  -  Dosages biologiques

Ils ont également les mêmes indications que dans l'asthme et doivent être interprétés en fonction des résultats des tests cutanés et de la connaissance des réactions croisées.

3 . 2 . 3 . 3  -  Recherche d'une hyper-éosinophilie nasale

Elle peut être faite grâce à la réalisation d'un frottis ou d'un brossage nasal. Une infiltration de la muqueuse par des polynucléaires éosinophiles n'est pas synonyme d'allergie. La réalisation de ces examens n'est pas conseillée en routine. Les indications plus fines pourraient peut-être se dégager (suivi de la pathologie, sensibilité aux corticoïdes…), mais elles doivent être mieux validées par des études bien conduites. Une hyperéosinophilie importante sur le frottis nasal, associé à la négativité du bilan allergologique évoque une pathologie de type « NARES » (Non-Allergic Rhinitis with EoSinophilia).

3 . 2 . 3 . 4  -  Les tests de provocation nasale

Ils permettent d'évaluer la réactivité spécifique de la muqueuse nasale à différents allergènes. Ils sont évalués par rhinomanométrie. On mesure les modifications manométriques nasales avant et après l'introduction de l'allergène. Un doublement des résistances, ou des manifestations cliniques doses-dépendantes, sont considérés comme des tests positifs et spécifiques vis-à-vis des antigènes utilisés. Ils peuvent rendre service lorsqu'il existe une discordance entre l'interrogatoire, les tests cutanés et/ou le dosage des IgE spécifiques.

Ils peuvent permettre d'éviter la réalisation de test de provocation bronchique beaucoup plus dangereux notamment chez le patient asthmatique, et ils ont un intérêt en pathologie professionnelle pour la reconnaissance au titre de maladie professionnelle.

3 . 2 . 3 . 5  -  Les examens radiologiques

Ils ne sont pas systématiques. La radiographie des sinus est en général inutile. La participation sinusienne est effectivement fréquente, associée aux rhinites chroniques. Les radiographies standards ne permettent pas l'exploration des sinus éthmoïdaux. Elles permettent toutefois d'éliminer une rhino-sinusite aiguë évolutive, infectieuse, bactérienne ou fongique. La tomodensitométrie permet de visualiser l'ensemble des cavités sinusiennes. Elle n'est pas toujours nécessaire à l'inventaire d'une rhinite chronique allergique pure. Elle doit précéder un examen endoscopique.

3 . 3  -  Traitements

Le récent rapport de l'OMS a insisté sur la nécessité de prendre en charge correctement la rhinite allergique dans la perspective.

3 . 3 . 1  -  Éviction allergénique

C'est la première étape du traitement antiallergique, et elle sous-entend que les allergènes en cause ont été clairement identifiés. Elle est relativement facile à appliquer pour les allergènes domestiques (acariens, phanères animaux et blattes). Elle peut permettre, lorsqu'elle est bien faite d'éliminer la symptomatologie et les prises médicamenteuses. Rarement elle est suffisante pour faire disparaître l'ensemble de la symptomatologie et elle est impossible lors des rhinites allergiques polliniques. Elle prend toute son importance dans les rhinites allergiques d'origine professionnelle.

3 . 3 . 2  -  Traitements médicamenteux

3 . 3 . 2 . 1  -  Les traitements locaux

Les corticoïdes locaux agissent sur tous les symptômes de la rhinite allergique. Ils sont présentés sous forme de solution aqueuse et doivent être pris le plus souvent de manière mono-quotidienne. La corticothérapie locale doit être prescrite en 1re intention dans les rhinites chroniques allergiques et le plus souvent, elle est associée à un traitement antihistaminique. Les antihistaminiques locaux peuvent être utilisés dans le traitement des rhinites allergiques. Il n'y a pas alors d'effet secondaire général et leur efficacité semble tout à fait comparable à celle des antihistaminiques administrés par voie générale.

Les anticholinergiques : le bromure d'ipratropium a un intérêt dans la rhinite aqueuse ou séro-muqueuse. Il n'a pas ou peu d'effet sur la congestion nasale, le prurit et les éternuements. Son intérêt apparaît limité en pratique clinique.

Les anti-dégranulants des mastocytes. Ils sont principalement représentés par les formulations locales des cromones (cromogycate de sodium, nédocromyl). Ils semblent jouer un rôle préventif vis-à-vis des réactions allergiques. Ils sont particulièrement efficaces chez l'enfant, et bien tolérés.

3 . 3 . 2 . 2  -  Les traitements généraux

Les antihistaminiques sont indiqués en traitement symptomatique des rhinites allergiques. Les antihistaminiques des nouvelles générations n'ont pas ou peu d'effet sédatif (nouvelles molécules) et sont efficaces essentiellement sur les éternuements et l'écoulement nasal. L'obstruction nasale est souvent mal contrôlée par ces médicaments, bien que les derniers composés proposés semblent un peu plus efficace sur ce symptôme.

De nombreuses molécules sont actuellement disponibles (Clarityne®, Zyrtec®, Telfast®, Mizollen®, Aérius®…), qui sont à utiliser en fonction de leur efficacité et de leur tolérance individuelle.

Les corticoïdes par voie générale en cure courte peuvent rendre service lors de rhinite allergique particulièrement sévère, où l'intensité et la symptomatologie doivent être contrôlées rapidement. Elle peut faciliter l'action secondaire des traitements locaux prescris en relais. Il faut éviter les corticoïdes injectables retard, qui ne sont justifiés que lorsqu'une rhinite saisonnière isolée est parfaitement contrôlée avec une seule injection annuelle.

3 . 3 . 3  -  Les traitements chirurgicaux

Il s'agit d'indication portant sur le cornet inférieur, où des réductions de la muqueuse, et de l'os turbinal peuvent être réalisées. Ces traitements permettent de limiter l'obstruction nasale. Ils sont peu ou pas efficaces sur les autres symptômes de la rhinite et ne dispensent pas des thérapeutiques habituelles prescrites. On distingue la turbinoplastie qui intéresse la muqueuse du cornet inférieur par cautérisation ou vaporisation au laser et la turbinectomie au cours de laquelle une partie de l'architecture osseuse et la muqueuse du cornet inférieur est réséquée.

3 . 3 . 4  -  L'immunothérapie spécifique

C'est le traitement antiallergique par excellence. Il s'agit d'un traitement plus long dont le bénéfice doit être mis en balance avec les autres options thérapeutiques. Classiquement et encore actuellement, il est proposé au patient ayant des symptômes intenses chez qui les traitements chroniques médicamenteux sont indispensables, ou lorsque l'éviction est impossible. Cependant il est possible qu'à la fois la mise à disposition de méthodes sûres et efficaces d'immunothérapie par voie orale et une nouvelle conception de la prise en charge des rhinites allergiques dans le contexte général de la maladie allergique atopique soient à l'origine d'un renouvellement des indications de l'immunothérapie, qui pourraient devenir à la fois plus fréquentes et plus précoces.

3 . 3 . 5  -  La stratégie thérapeutique dépend de la gravité de la rhinite

  • Les rhinites intermittentes légères sont traitées par antihistaminique local ou oral ou décongestionnant.
  • Les rhinites intermittentes modérées-sévères et persistantes légères sont traitées par antihistaminique oral ou local et/ou décongestionnant ou corticoïdes locaux. La symptomatologie est réévaluée 2-4 semaines plus tard. Si amélioration, le traitement est poursuivi pendant 1 mois, sinon les posologies sont augmentées.
  • Les rhinites persistantes modérées-sévères sont traitées par corticoïdes locaux, puis réévaluées 2-4 semaines plus tard. En cas d'amélioration, le traitement est poursuivi pendant un mois, sinon après avoir éliminé une erreur diagnostique, une observance thérapeutique insuffisante, la posologie des corticoïdes locaux est augmentée. En présence d'une rhinorrhée prédominante, un anticholinergique est associé, un antihistaminique s'il s'agit d'éternuements prédominants, une corticothérapie systémique courte et des décongestionnants locaux en cas d'obstruction prédominante. L'échec peut nécessiter un avis chirurgical de désobstruction.
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