L’organisation des microorganismes au sein du biofilm dentaire leur confère des propriétés que l’on ne trouve pas chez les espèces individuelles grandissant indépendamment. Les bactéries protégées dans le biofilm sont ainsi jusqu’à 1500 fois plus résistantes aux antibiotiques que leurs homologues planctoniques (Coghlan et coll. 1996). Bien que certains aspects de la résistance au sein du biofilm soient encore mal expliqués, les principaux mécanismes relatant cette moindre susceptibilité aux attaques antibiotiques vont être ici décrits.

1. Différence de métabolisme et de croissance

Les variations et limitations de nutriments (à l’origine de gradients physico-chimiques à travers le biofilm dentaire) peuvent réduire le taux de croissance bactérienne (Bowden et coll.1998). Les bactéries ne se divisent donc plus (ce qui les rend alors résistantes aux agents antibiotiques qui n’attaquent que les bactéries en division (Potera 1999)). La résistance apparaît alors comme le reflet de l’environnement nutritionnel généré à l’intérieur du biofilm dentaire (Gilbert et coll. 1997).

Marsh et coll. (1999) affirment que la résistance augmentée des biofilms aux agents anti-microbiens pourrait être en rapport avec la structure et avec l’âge du biofilm. Bowden et coll. (1998) ont étudié la résistance bactérienne des biofilms de 4 et 7 jours et leurs résultats s’opposent à ceux de Marsh.

De plus, les cellules à croissance rapide meurent car elles sont la cible des différents agents anti-bactériens, elles ne consomment alors plus de nutriments. Par la suite, les cellules situées en dessous des premières ont plus de nourriture, elles se divisent alors plus vite et deviennent par conséquent plus susceptibles. On assiste ainsi à un déplacement de la zone létale au sein du biofilm dentaire, ce qui retarde la destruction de celui-ci. Toutefois, ce retardement ne peut pas protéger complètement le biofilm (Conférence de Paris, 2000). Les bactéries mortes qui fournissent des substrats aux bactéries situées en dessous d’elles, peuvent aussi agir en tant que barrière physique aux antibiotiques, augmentant ainsi la résistance du biofilm dentaire aux agents anti-microbiens (Auschill et coll. 2001).

En conclusion, les modifications de l’environnement nutritionnel et le taux de croissance bactérien favorisent une résistance augmentée des bactéries du biofilm aux antibiotiques locaux et systémiques, aux différents agents anti-microbiens et aux défenses de l’hôte (Page et coll. 1997).

2. Expression phénotypique différentielle

40% des protéines membranaires des bactéries trouvées dans le biofilm diffèrent de celles présentes sur les mêmes bactéries mais vivant à l’état planctonique (Potera 1999).

On assiste donc à des changements phénotypiques en terme d’expression protéique, dès lors que les bactéries sont incluses dans le biofilm dentaire. Ces modifications de protéines de surface sont corrélées à une modification de la perméabilité bactérienne, ce qui favorise leur défense face aux attaques antibiotiques (Freney et coll. 2000). Cette expression phénotypique différentielle est en rapport avec l’état nutritionnel, le taux de croissance, le pH, les changements de température et l’exposition bactérienne du biofilm dentaire à des concentrations insuffisantes d’antibiotiques. Les modifications des composants extra-cellulaires concernent les protéines mais aussi les polysaccharides.

Ainsi, les antibiotiques vont connaître plus de difficulté à atteindre leurs cibles potentielles car celles-ci auront soit disparu, soit été modifiées (Gilbert et coll. 1997). Il a été également démontré que les micro-organismes adhérant à une surface et grandissant dans un biofilm, sont plus résistants aux antibiotiques et aux antiseptiques que les cellules planctoniques (Veno Poulsen 1999).

Il existe donc une relation entre l’attachement à la surface dentaire et l’expression génétique des bactéries du biofilm, l’attachement entraînant l’induction ou la répression de gènes exprimés par les cellules planctoniques, ce qui a pour conséquence l’augmentation de leur résistance. Les changements dans la susceptibilité peuvent être rapides, c’est à dire dès l’attachement mais la résistance n’est pas continue.
On constate donc que la résistance des bactéries du biofilm est secondaire à l’adhésion aux surfaces dentaires et aux modifications de l’environnement local qui sont deux phénomènes concomitants (Bowden et coll. 1998).  

Les bactéries mortes dans le biofilm peuvent agir comme donneur d’ADN codant pour une résistance aux antibiotiques. Cet ADN libre peut être préservé pendant des durées importantes tant qu’il baigne dans la salive. Il est possible que d’autres bactéries intègrent cet ADN et développent alors de nouveaux phénotypes (Li et coll. 2001). De plus, il existe un transfert génétique à l’intérieur du biofilm dentaire, ce qui peut aboutir à une résistance croisée des bactéries voisines, notamment aux immunoglobulines. Certaines bactéries peuvent aussi hériter de leurs voisines des gènes de différentes protéases tels que celui de la ß-lactamase, ce qui leur confère une résistance aux ß-lactamines.