Les immunogènes testés sont les cellules entières de S. mutans ou de S. sobrinus, les antigènes polysaccaridiques spécifiques de sérotype (c, e, f), les acides lipoteichoïques, les glycosyltransférases (GTF), les protéines de liaison aux glycanes (GPB), la protéine D (antigène protéïque de 29 kDa), l'antigène C’antigène protéïque de 70 kDa), l'AgI/II (antigène protéique de surface de 190 kDa).
La cavité buccale dispose de nombreux éléments du système immunitaire permettant de monter une réponse contre les microorganismes. Les constituants moléculaires de l'immunité non spécifique, innée, principalement le lysozyme, la lactoferrine, et le système ions thiocyanates/peroxydase, sont inaccessibles à toute manipulation. Par contre, les molécules de l'immunité spécifique, acquise, les immunoglobulines, sont a priori accessibles, par vaccination, en vue d'augmenter le potentiel de protection naturelle contre les bactéries cariogènes. Dans la cavité buccale, sont présentes des immunoglobulines de type sérique, issues de la circulation générale et déversées par l'intermédiaire du fluide gingival : IgG (1 à 10 µg ml de salive), IgM à l'état de traces, et IgA monomérique. La classe d'immunoglobuline prédominante est toutefois l'IgA sécrétoire (10 à 200 µg/ml de salive), issue des glandes salivaires. Le principe d'une vaccination anti-carie est donc confronté au dilemme suivant : doit-on avoir recours aux anticorps sériques ou aux anticorps sécrétoires ? En faveur de l'une et l'autre approche militent plusieurs observations décrivant qu'à une faible incidence de carie sont associés des taux élevés d'anticorps, sériques ou IgA salivaires, dirigés contre la cellule entière de S. mutans ou contre certains antigènes. Un effort majeur de recherche s'est développé au cours des années visant à induire une réponse immunitaire au niveau de la muqueuse buccale qui soit protectrice contre l'infection par S. mutans, en bloquant l'étape de la colonisation. Des expériences chez le rat, le singe et l'homme ont démontré qu'une immunisation par voie orale avec des cellules de S. mutans provoquait l'apparition d'anticorps spécifiques. On a aussi pu démontrer chez le rat que l'augmentation des IgA sécrétoires correspondait à une capacité réduite de cette bactérie à coloniser la cavité buccale. Des réactions croisées entre antigènes streptococcaux et muscle cardiaque humain, susceptibles d'entraîner des réactions d'autoimmunité au cours de la vaccination, obligent à orienter les recherches vers des antigènes propres à donner naissance à des anticorps protecteurs sans déclencher d'effets nocifs dans l'organisme. La GTF et l'antigène I/II (encore appelé antigène B, Spa ou antigène PI) se révèlent immunogéniques, et protecteurs dans leurs modèles expérimentaux. La protéine A, dont l'activité biologique est inconnue, donnerait une protection par anticorps sériques supérieure à celle de l'antigène I/II chez le singe. Une protéine de paroi de 74 kDa, jouant le rôle d'une adhésine spécifique d'une glycoprotéine salivaire sur l'hydroxyapatite, induit chez le rat une production importante d'IgA sécrétoires par immunisation orale.
Le vaccin anti-carie est-il un mythe ou un espoir? Les multiples expérimentations d'immunisation active des deux dernières décennies ne permettent pas de trancher, ni sur le choix de l'antigène à sélectionner, ni sur la voie, locale (immunité sécrétoire) ou générale (immunité sérique) à privilégier. Une alternative, à l'étude depuis peu, est celle de l'immunisation passive, par voie locale, donc buccale. Des anticorps monoclonaux IgG, spécifiques de l'antigène I/II, en application topique dans la cavité buccale du singe, ont permis d'obtenir une réduction du nombre de S. mutans implantés expérimentalement de même qu'une réduction du taux de carie. Des rats, à qui l'on distribuait du lait de vache riche en IgG anti-S. mutans (suite à une immunisation active préalable des vaches par injection de bactéries) montraient moins de S. mutans et de caries. Après immunisation de poules avec la GTF, des jaunes d'oeuf obtenus, riches en IgG, fournis à des rats, permettaient de réduire de 50% leur taux de carie provoquée par infection expérimentale avec la souche homologue. Malgré la diminution croissante de l'incidence et de la prévalence des caries dans les pays à statut socio-économique élevé, l'immunisation anti-carie, par voie active ou par voie passive, demeure peut-être le meilleurs recours pour certains individus ou certaines populations à risque. Dans les pays à statut socio-économique bas, où la carie est en forte progression et où la majorité ne bénéficie pas de soins satisfaisants, elle est peut-être la solution de choix.