La structure des polysaccharides extra cellulaires

Les glycanes :

Les glycanes sont des polymères de glucose qui se distinguent des dextranes par leurs branchements latéraux multiples. Les dextranes, que l'on ne trouve pas dans la plaque, sont des polymères linéaires, solubles en milieu aqueux, dont les liaisons glucosidiques sont exclusivement du type (1-6) entre les molécules de glucose adjacentes. Les polymères de glucose de la plaque, les glycanes, sont de deux types : l'un insoluble et l'autre soluble en milieu aqueux.
Les glycanes insolubles, souvent appellés mutanes du fait leur abondante synthèse par les streptocoques mutans, sont principalement constitués de liaisons (1-3) et de liaisons secondaires (1-6). Ils sont rarement synthétisés par des bactéries autres que celles du groupe des streptocoques mutans. La structure hautement ramifiée de la molécule lui confère son insolubilité. La molécule est cependant soluble en milieu alcalin et, ainsi, les glycanes insolubles sont parfois appellés glycanes solubles en milieu alcalin. Ces glycanes insolubles sont un composant important de la matrice de la plaque et sont en partie responsables de la forte cohésion de la plaque et de son adhérence à l'émail. De plus, les multiples liaisons ioniques qui se forment avec les protéines et les saccharides de la surface bactérienne contribuent à consolider l'ensemble.
Les glycanes solubles sont constitués de liaisons glucosidiques (1-6) qui sont prépondérantes et de liaisons secondaires (1-3). Ils sont fabriqués par les streptocoques mutans, S. sanguinis, quelques S. mitis et S. salivarius. Ils ne contribuent que faiblement à la cohésion de la plaque et constituent une réserve énergétique utilisable.

Les deux types de glycanes sont essentiellement synthétisés de la même façon. La réaction peut être schématisée ainsi :

 
Saccharose          Accepteur de glycosyl Glycane          Fructose
 
   G - O – F      →         (GTF)           →                (G - O - G)n+1    + F         

où GTF représente une famille d'enzymes appellés glycosyl-transférases, particulièrement présentes chez les streptocoques mutans. Ces GTF ont souvent été confondues avec des dextrane-sucrases responsables de la synthèse de dextranes. La nature exacte de l'accepteur de glycosyl est imprécise ; il pourrait s'agir aussi bien de glycane préexistant que de la moitié glycosyl du disaccharide saccharose. L'affinité de ces enzymes GTF pour le substrat saccharose est plutôt faible et la vitesse de réaction, lente ; il faut donc une forte concentration de saccharose pour saturer ces enzymes et assurer la synthèse des polymères. Par contre, seule l'hydrolyse du saccharose libère l'énergie nécessaire à cette biosynthèse extracellulaire, ce qui amène à considérer les GTF comme des enzymes à haute spécificité.

Certaines enzymes de la famille des glycosyl transférases sont libérées dans le milieu extracellulaire et d'autres demeurent attachées à la surface de la cellule bactérienne. Ces dernières peuvent servir de point d'ancrage pour les chaînes de glycanes qu'elles ont synthétisées. Il existe de plus des récepteurs spécifiques aux glycanes, de nature protéinique, à la surface des bactéries. En outre, les glycanes peuvent adhérer à la surface de la pellicule acquise de l'émail par des liaisons électrostatiques. Les glycanes insolubles sont donc, en quelque sorte, des traits d'union permettant aux bactéries de s'attacher les unes aux autres et à l'émail de la dent. Ces mécanismes d'adhérence sont des facteurs de virulence très importants chez les streptocoques mutans, particulièrement S. sobrinus. Si la synthèse de glycanes insolubles est essentielle à la colonisation de la surface de la dent par certaines bactéries, elle n'est pas indispensable pour d'autres.

De nombreuses bactéries de la plaque produisent des glycanohydrolases, qui hydrolysent les résidus glycosyl terminaux des branchements (1-6) des glycanes, particulièrement les glycanes hydro-solubles. Les molécules de glucose ainsi libérées peuvent être transportées à l'intérieur de la cellule bactérienne et catabolisées au même titre que les glucides de l'alimentation. Des glycanases, qui sont de fait des endohydrolases produites seulement par les streptocoques mutans, scindent les liaisons α (1-6) à l'intérieur des polymères ramifiés par des liaisons α (1-6) et α (1-3). Ces enzymes libèrent donc, non pas des molécules de glucose, mais des polymères α (1-6) et α (1-3) fragmentés, donc plus petits. Il a été proposé que ceux-ci puissent agir comme accepteurs de glycosyl pour les GTF. Les glycanes insolubles, principalement constitués de liaisons α (1-3) et hautement ramifiés, sont donc particulièrement difficiles à scinder au bénéfice de la plaque.

Saccharose          Accepteur de frutosyl  Fructane          Glucose
 
   G - O – F                       →      FTF      →         (F - O - F)n+1    + G
 

La réaction est catalysée par des fructosyltransférases (FTF), et l'énergie nécessaire à la polymérisation provient de l'hydrolyse du pont oxygène du saccharose, comme dans le cas des glycanes. Le trisaccharide raffinose, de structure a- D - galactose-saccharose, est aussi un substrat des FTF, l'hydrolyse de sa partie saccharose fournissant à la fois l'énergie et le frustosyl qui sera transféré sur un accepteur préexistant. Les fructanes étant hydro-solubles, ils ne semblent pas jouer de rôle important dans la structure de la plaque. Ils constituent cependant une réserve énergétique facilement utilisable. En absence de glucide fermentescible exogène, il y a induction chez les streptocoques mutans d'une fructanase qui hydrolyse les fructanes en fructose libre qui, à son tour, peut être rapidement catabolisé à des fins énergétiques par glycolyse intracellulaire. Les fructanes contribuent ainsi non seulement à la survie des microorganismes de la plaque en période de disette, mais aussi au maintien d'un environnement acide.