Nous avons vu qu'un nombre restreint d'espèces bactériennes en est capable ; il s'agit des espèces pionnières qui ne peuvent à elles seules assurer la diversité bactérienne caractéristique de la plaque dentaire. Il est indispensable que certaines bactéries d'abord se fixent irréversiblement aux surfaces dentaires, pour ensuite permettre la fixation d'autres bactéries par adhérence interbactérienne hétérotypique.
Très peu de bactéries buccales ont cette double capacité : c'est le cas des streptocoques, en particulier de S. sanguinis, et des actinomycètes. La fixation d'abord, puis la persistance sur le site de telles bactéries sont indispensables pour qu'il y ait colonisation. La persistance implique que la bactérie doit se maintenir fixée sur le site, en résistant aux forces de détachement, et y trouver les nutriments nécessaires à sa croissance. C'est seulement quand ces conditions sont remplies que la colonisation est couronnée de succès. Il a été établi que la persistance des bactéries dépend du rapport entre leur taux de multiplication et leur taux de détachement, et que le premier stade de la colonisation dépend du nombre de bactéries transmises et acquises.
La surface des différents substrats colonisés par les bactéries buccales — PAE, cellules épithéliales, et autres bactéries — présente de nombreux types de récepteurs. Certains de ces récepteurs sont appelés cryptitopes. Il s'agit de molécules qui ne deviennent accessibles aux ligands bactériens qu'après remaniement de l'architecture moléculaire avoisinante ou après exposition par l'action d'une enzyme.
Pour se développer, les bactéries colonisant les surfaces dentaires ont besoin de nutriments : le carbone et les sources d'énergie sont des facteurs dits "limitants" de la croissance des bactéries buccales. La compétition pour les substrats utilisables comme source de carbone et d'énergie dans la plaque dentaire détermine quelles sont les espèces capables de s'y développer. La multitude de substrats potentiels offerts par le milieu buccal pour la croissance bactérienne permet la coexistence d'espèces très diverses.
La notion de dose minimale infectieuse explique que la quantité de cellules d'une espèce bactérienne donnée qui s'attachera à la surface buccale dépend de la concentration totale de cette espèce transmise par la salive.
Trois paramètres majeurs conditionnent la colonisation et rendent ce processus hautement sélectif : adhérence, croissance et dose minimale infectieuse, dans un contexte de compétition entre bactéries.