Dossier clinique : 0129 - Auteur : JP. Fournier - CHU de Nice

Monsieur G., 67 ans, est adressé aux urgences par le remplaçant de son médecin traitant le 17 août 2005 pour altération de l’état général, douleur lombaire gauche et vomissements, le tout évoluant depuis 8 jours environ. Il a pour principaux antécédents un diabète de type II, une HTA, et une néphrectomie droite pour pyonéphrose calculeuse il y a 20 ans. Son traitement actuel associe linisopril + hydrochlorothiazide (Zestorétic®) et gliclazide (Diamicron®).
Son épouse vous signale qu’il urine très fréquemment depuis un mois environ, ce qui l’obligeait à se lever plusieurs fois par nuit. En outre, depuis une semaine, il a présenté à plusieurs reprises des douleurs lombaires gauches avec quelques épisodes d’urines "rouges". Il va rarement à la selle. Depuis 48 heures, il a très peu uriné et a vomi à plusieurs reprises. Il est essoufflé pour des efforts de plus en plus modérés.
Sa tension artérielle est à 180/100 mm Hg aux deux bras ; le pouls est à 145/min, régulier. La température est à 36,3°C. Le decubitus est impossible. La fréquence ventilatoire est à 30/min. Vous retrouvez des râles crépitants bilatéraux à l’auscultation. L’haleine n’a pas d’odeur particulière.
Il existe un météorisme abdominal ; l’abdomen est silencieux. Les orifices herniaires sont libres. La fosse lombaire gauche est douloureuse.
Vous notez des œdèmes des membres inférieurs.
La glycémie capillaire est "HI".
 
Sommaire du dossier 0129

Question 1
Vous prenez les premières mesures thérapeutiques. Parallèlement, quels examens supplémentaires allez-vous prescrire ? Justifiez-les.
    Réponse :
    Tableau clinique évocateur d’insuffisance rénale aiguë ou d’aggravation d’une insuffisance rénale chronique (2) (on ignore le statut antérieur, mais de toute façon, diabète + HTA + rein unique = insuffisance rénale chronique probable), avec au moins un critère de gravité, la surcharge pulmonaire (dyspnée, orthopnée, crépitants) (1).
    Sont indispensable, dès les urgences :
    - ECG (2) : recherche d’hyperkaliémie (1)
    - Ionogramme sanguin (1), créatinine (1), protidémie (1), calcémie (1), glycémie (1) : recherche d’hyponatrémie (1), d’hyperkaliémie (1), d’hybobasémie (1), d’élévation de la créatinine (1), d’hypocalcémie (1) (à interpréter en fonction de la protidémie), de diabète décompensé (1)
    - Urée ou créatinine urinaire (1) : insuffisance rénale encore fonctionnelle ? (1)
    - Phosphorémie (1) : en faveur du caractère ancien de l’insuffisance rénale en cas d’élévation (1)
    - Hémoculture (1) et ECBU (1) : recherche d’une infection systémique (1), d’autant qu’hypothermie (1) (peut être expliquée par l’insuffisance rénale elle-même)
    - CRP ou procalcitonine (1) : argument diagnostique en faveur d’un éventuel sepsis (1)
    - Hémogramme (1) : recherche d’anémie (1), de thrombopénie (1), TP – TCA- fibrine (1) : recherche d’une éventuelle consommation d’origine septique (1). À compléter en cas d’anomalies (D dimères, cofacteurs, etc…)
    - Gazométrie artérielle (1) : recherche d’acidose métabolique (1), d’hypoxémie (1)
    - Cliché thoracique au lit (1) : recherche de signes de surcharge (1)
    - Les autres examens seront réalisés après stabilisation du patient (1)

    Total des points de la question : 38
Question 2
Vous disposez des premiers résultats suivants : Na+ : 125 mmol/l, K+ : 7,6 mmol/l, Cl- : 86 mmol/l, CO2T : 14 mol/l, glycémie : 20,4 mmol/l, protidémie : 66 g/l, Ca++ : 2,35 mmol/l, urée : 58 mmol/l, créatinine : 889 µmol/l, leucocytes : 12,4 109/l, hématies : 3,56 1012/l, hémoglobine : 6,8 mmol/l, hématocrite : 0,26 l/l, plaquettes : 125 109/l, TP : 76 p. cent, TCA : 32 sec (témoin : 30 sec), fibrinogène : 6,7 g/l. La gazométrie artérielle montre (masque haute concentration) : pH : 7,03, PaCO2 : 34 mm Hg, CO2T : 13 mmol/l, PaO2 : 165 m Hg, sat : 95 p. cent.
Le sondage urinaire ramène quelques cc d’urines très foncées, avec : protéines : +++, hématies : +++, leucocytes : +++, corps cétoniques : +, nitrites : +. Le ionogramme urinaire montre : Na+ : 30 mmol/l, K+ : 15 mmol/l, Cl- : 27 mmol/l, urée : 250 mmol/l
Le cliché montre une surcharge bilatérale, à prédominance péri hilaire, avec un épanchement pleural bilatéral de faible abondance.
Quels renseignements tirez-vous des tests urinaires ?
    Réponse :
    Le ionogramme sanguin est ininterprétable compte tenu du traitement par diurétique (Zestorétic®) (2).
    L’urée urinaire est en faveur du caractère organique de l’insuffisance rénale (1) (urée urinaire / plasmatique < 10 (1)).
    La bandelette urinaire peut donner des faux positifs sur des urines concentrées (2). À cette restriction près :
    hématurie et protéinurie : compatibles avec une origine glomérulaire (diabète + HTA) (1) ou interstitielle (antécédent lithiasiques + éventuel obstacle cervico prostatique) (1)
    hématurie compatible avec une lithiase urinaire (1)
    leucocyturie et nitriturie évocatrices d’infection urinaire (1) (Se : 0,60 à 0,75)
    cétonurie : jeûne ou IEC (1) (pas d’odeur caractéristique de l’haleine)

    Total des points de la question : 11
Question 3
Quel examen manque-t-il à ces premiers tests ? Pourquoi ?
    Réponse :
    ECG (2) compte tenu de l’hyperkaliémie (1) : la présence d’anomalies ECG implique un traitement symptomatique immédiat (2). 0 pour toute autre réponse

    Total des points de la question : 5
Question 4
Quel(s) vous parai(ssen)t être le(s) mécanisme(s) de cette insuffisance rénale ?
    Réponse :
    • Insuffisance rénale organique (3) : rein "fragile" (1) (HTA (1) + diabète (1) + IEC/diurétique (1) + sepsis probable (1))
    • Obstacle (3) sur rein unique (1) : douleur lombaire (1), épisodes d’hématurie macroscopique (1), puis anurie (1), ileus réflexe (1), antécédents lithiasiques (1)

    Total des points de la question : 17
Question 5
Quelles mesures thérapeutiques urgentes prenez-vous ? (posologies non demandées)
    Réponse :
    • Transfert en réanimation (2) pour hémodialyse urgente (3). En attendant :
    • voies(s) veineuse(s) (1), monitorage des constantes vitales (1)
    • O2 au masque haute concentration (1), pour une SpO2 = 92 p. cent (1)
    • trinitrine IV (1) : bolus puis SAP
    • gluconate (ou chlorure) de calcium IV (1) puis sérum bicarbonaté ou glucose – insuline (1) (attention à la surcharge !)
    • arrêt du traitement personnel (1). Insuline à la SAP (1)
    • pas d’antibiothérapie avant la dialyse (1)

    Total des points de la question : 15
Question 6
Une fois Monsieur G. stabilisé, vous discutez de la stratégie des examens complémentaires à visée étiologique. Quel(s) examen(s) prévoyez-vous ? Dans quels délais ?
    Réponse :
    Après une séance d’hémodialyse (1), permettant de contrôler la surcharge hydrosodée (2), l’hyperkaliémie (2) et l’acidose métabolique (2) : échographie rénale (3) pour confirmer l’obstacle (1) et poser l’indication de dérivation des urines (2) (pyélostomie ou sonde en double J), sous couvert d’une antibiothérapie probabiliste (1). En cas d’impossibilité technique (ileus) : TDM non injecté

    Total des points de la question : 14
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