L'échocardiographie-doppler est une
technique sans cesse en évolution
depuis presque une trentaine d'années
; elle est devenue le premier moyen d'investigation
en Cardiologie après l'électrocardiogramme.
Le principe de l'échocardiographie-doppler repose sur l'usage des ultrasons.
Il s'agit d'une méthode d'investigation non invasive, non traumatique et indolore. Elle peut être pratiquée à tout âge, y compris chez le nouveau-né et le prématuré de très faible poids. Elle peut être répétée et ne connaît aucune contre-indication, tout au moins pour l'échographie transthoracique. Elle n'a pas, à ce jour, d'effets secondaires connus.
Ses indications
sont donc larges. Son usage a fait diminuer
les indications de cathétérisme,
notamment dans le domaine des valvulopathies
et des cardiopathies congénitales.
PRINCIPES : LES DIVERS
MODES D'ECHOCARDIOGRAPHIE-DOPPLER
1
- L'échocardiographie
1.1 - Principes
L'appareil d'échocardiographie
se comporte comme un émetteur et
un récepteur d'ultrasons. Il émet
durant un cours laps de temps et "écoute"
ensuite les sons réfléchis.
Les ultrasons sont émis à
l'aide d'un capteur ou transducteur placé
sur le thorax du patient et sont réfléchis
par les structures cardiaques. Un appareillage
électronique complexe transforme
l'information recueillie en une image interprétable
par l’opérateur, et qui reproduira
l'aspect du coeur en mouvement.
1.2 - Les différents
modes d'échocardiographie
L'enregistrement transthoracique se fait
au niveau de plusieurs voies d'abord : parasternale
gauche (contre le sternum, du deuxième
au cinquième espace intercostal gauche),
apicale (le transducteur étant placé
à l'apex, donc au niveau du choc
de pointe), sous costale ou sous-xyphoïdienne,
particulièrement utile chez le nourrisson
, et enfin supra sternale, au niveau de
la fourchette sternale.
L'échocardiogramme
TM ("time motion" ou "temps mouvement")
ou unidimensionnel est le plus anciennement
utilisé. Il donne une image des structures
cardiaques en mouvement en fonction du temps.
Lorsque l’image est arrêtée
ou "gelée", il est possible
de mesurer directement sur l’écran,
à l’aide de curseurs, la taille
des différentes cavités, d'analyser
leur mouvement et leur déplacement
en fonction du temps. De plus, à
partir des diamètres du ventricule
gauche en diastole et en systole, il est
possible de tirer des renseignements concernant
la fonction systolique du ventricule gauche.
L'échocardiogramme
bidimensionnel (2D) ou en temps réel
permet la reconstruction d'une image beaucoup
plus "parlante" que le mode TM. On obtient
de véritables coupes anatomiques du coeur,
que l'on pourra multiplier à l'infini. L'image
dynamique du coeur est visualisée en
temps réel sur un écran et peut être enregistrée
soit sur bande vidéo, soit en format numérique
sur les appareils les plus récents, ce qui
permet de conserver une image de qualité
optimale.
Des renseignements
morphologiques et fonctionnels sont donc
apportés par l'échocardiographie
TM et 2D, par exemple concernant l'aspect
anatomique des valves, l'existence de malformations
congénitales, la taille et la cinétique
des ventricules...
L'échocardiogramme
tridimensionnelle (3D) en temps réel,
avec reconstruction immédiate des
images, est apparue depuis peu. Son apport
par rapport à l’échographie
bidimensionnelle reste encore à définir.
1.3 - Limites
:
La qualité de l'imagerie obtenue
est très variable d'un patient à
l'autre. Les meilleures images sont obtenues
chez les enfants et les adultes jeunes.
L'obésité, les déformations
thoraciques, l'insuffisance respiratoire
chronique (lorsqu'il existe une distension
thoracique, l'air étant un très
mauvais conducteur des ultrasons) sont autant
d'obstacles à la propagation des
ultrasons, ce qui rend parfois l'examen
difficilement interprétable.
La qualité des images, et de leur
interprétation, dépendent
également beaucoup de l’expérience
de l’opérateur : la qualité
d’un examen échocardiographique
est très « opérateur-dépendante
»
Chez l'enfant et le nourrisson, la qualité
des images est constamment excellente. Le
facteur limitant peut être l'agitation
des jeunes enfants...
2 - L'examen
Doppler :
2.1 - Principes
:
L'effet doppler peut être utilisé
dans le domaine des ultrasons. Quand un
faisceau ultrasonique traverse un flux sanguin,
la fréquence du signal revenant à
l'émetteur peut être augmentée
ou diminuée, en fonction de la direction
et de la vitesse de ce flux par rapport
à l'incidence du faisceau ultrasonique.
Un mouvement liquidien vers la sonde élèvera
la fréquence de retour, tandis qu'un
mouvement s'en éloignant en diminuera
la fréquence. L'amplitude du changement
de fréquence est proportionnelle
à la vitesse du flux sanguin ainsi
qu'à l'angle entre le faisceau ultrasonique
et le vaisseau analysé. Ainsi, l'on
peut déterminer la vitesse ou vélocité
et le sens d’un flux sanguin dans
une région précise du thorax,
cavité cardiaque ou vaisseau.
Le doppler permet donc de déterminer
la vitesse et le sens d'un flux sanguin,
ainsi que son caractère, homogène
(ou laminaire) ou turbulent. Si l'on considère
un flux sanguin au niveau d'une valve par
exemple, l'on pourra aisément déterminer
à partir des vélocités,
le gradient de pression entre les cavités
situées de part et d'autre de cette
valve, ceci selon une formule mathématique
simple (formule de Bernouilli simplifiée,
selon laquelle le gradient est égal
à 4 fois le carré de la vitesse
du flux).
2.2 - Les différents
modes de Doppler :
Le Doppler pulsé
: un cristal unique fonctionne alternativement
comme émetteur et comme récepteur.
L'enregistrement du signal de retour après
un temps réglable permet de sélectionner
la profondeur de la zone explorée.
Le volume de mesure est placé en
se repérant sur l'image en échographie
bidimensionnelle au niveau de la zone que
l'on veut explorer. Le flux enregistré
est donc bien repéré sur l'image
et l'on sait exactement à quoi il
correspond. Par contre, les flux très
rapides, au delà d'une vitesse maximale
mesurable, ne peuvent pas être enregistrés
en doppler pulsé.

Le Doppler continu
: il utilise une émission continue
d'ultrasons avec une sonde à deux
cristaux, l'un émetteur et l'autre
récepteur. Il permet d'enregistrer
des flux de très haute vélocité,
sans limitation de vitesse mesurable. Son
inconvénient est une moins bonne
localisation du flux analysé.
Le Doppler à codage
couleur : est une variété
plus sophistiquée de doppler pulsé.
Il permet une visualisation directe des
flux sanguins intracardiaques et intra vasculaires,
qui se superposent à l'image en échographie
bidimensionnelle. Par convention, les flux
positifs ou flux qui s'approchent du transducteur
sont codés en rouge, les flux qui
s'en éloignent sont codés
en bleu ; les flux très rapides ou
turbulents, apparaissent "en mosaïque"
c'est à dire constitués de
multiples pixels juxtaposés de toutes
les couleurs. Ainsi, une anomalie, telle
qu'une régurgitation valvulaire ou
un flux de sténose sera immédiatement
mis en évidence et pourra être
ensuite analysé plus finement par
le doppler à codage continu ou le
doppler pulsé conventionnel. 
Le Doppler tissulaire
: permet d’analyser l’amplitude
et la vitesse de déplacement, ainsi
que la déformation des parois ventriculaires.
Il s’agit de déplacements de
faible amplitude et de faible vélocité,
car l’on s’intéresse
ici aux mouvements des parois cardiaques,
et non plus aux flux sanguins intra cavitaires.
Cette technique est intéressante
pour apprécier la contractilité
régionale des parois ventriculaires
gauches. Elle a des applications cliniques
précises, telles que l’étude
de la diastole ventriculaire et le diagnostic
de la désynchronisation ventriculaire
(cf chapitre « Insuffisance cardiaque
»).
2.3 - Intérêt
:
Le doppler permet
donc l'étude des flux sanguins intracardiaques
et intra vasculaires. Les flux normaux et
les flux pathologiques, tels que régurgitation
valvulaire, flux de sténose, flux
anormaux (communication inter ventriculaire,
canal artériel persistant...) sont
aisément repérés et
leur vitesse est enregistrée. Les
gradients sténotiques sont ainsi
déterminés de manière
très fiable. Par contre la quantification
des fuites valvulaires reste plus complexe.
3 - Autres techniques
:
3.1 -
L'échocardiographie
transoesophagienne (ETO) est utilisée
depuis une vingtaine d'années. Un
transducteur d'échocardiographie-doppler
est monté à l'extrémité
d'un endoscope, qui sera introduit jusqu'au
niveau de l'estomac, puis retiré
au niveau de l'œsophage.
L’œsophage
cheminant à la face postérieure
du coeur, il sera possible d'obtenir des
images d'excellente qualité des cavités
atriales, du septum inter atrial, de la
mitrale et de l'orifice aortique notamment.
De cette manière, des détails
inaccessibles par voie transthoracique peuvent
être visualisés, tels que des
petits thrombi de l'auricule gauche ou de
petites végétations valvulaires
au cours d'une endocardite infectieuse.
Cette technique se
pratique sous anesthésie locale,
avec ou sans prémédication.
Elle est essentiellement pratiquée
chez l'adulte, son utilisation chez l’enfant
nécessitant une anesthésie
générale.
3.2 -
L'échocardiographie
foetale permet d'enregistrer le coeur
du fœtus dès le 3ème
ou 4ème mois de grossesse et son
but est de porter un diagnostic précis
des malformations cardiaques congénitales
dépistées par le gynécologue
lors des échographies de suivi. C'est
une technique difficile, qui doit être
réalisée par un opérateur
très entraîné et connaissant
bien la pathologie cardiaque congénitale.
3.3
- L'échocardiographie
"de stress" consiste à enregistrer
une échographie bidimensionnelle
au cours d'un effort, soit épreuve
d'effort sur bicyclette ergométrique,
soit simulation d'un effort par perfusion
de dobutamine. Le but en est de faire apparaître
d'éventuels troubles de la cinétique
segmentaire à l'effort lorsqu'il
existe une insuffisance coronarienne. Cette
technique a une meilleure sensibilité
et spécificité que l'épreuve
d'effort conventionnelle pour la détection
de l'ischémie myocardique, comparable
à celle de la scintigraphie myocardique
au thallium. Elle permet en outre de renseigner
sur la viabilité myocardique dans
un territoire infarci.
3.4
- Le «
2D strain » ou « speckle tracking
» est une nouvelle modalité,
qui permet d’analyser la déformation
des parois myocardiques à partir
de l’imagerie bidimensionnelle, ce
qui permet de s’affranchir des difficultés
techniques liées à l’utilisation
du doppler tissulaire. Cette technique semble
très prometteuse pour l’analyse
de la cinétique ventriculaire globale
et segmentaire. 
INDICATIONS
DE L'ECHO-DOPPLER
Du fait des renseignements
très précieux fournis par
cette technique et de son innocuité,
les indications
en sont larges.
Il n'est cependant
pas légitime de prescrire et de répéter
inutilement les examens, ne serait-ce que
pour des raisons économiques (à
titre d'information, le prix d'un écho
doppler trans-thoracique est actuellement
en France de 95.16 Euros).
1 - Les valvulopathies
représentent
l’une des meilleures indications de
l'écho doppler chez l'adulte.
Les valvulopathies
de l'adulte jeune
peuvent souvent être opérées
sans cathétérisme préalable.
L'échographie transœsophagienne
est intéressante en complément
de l’examen transthoracique dans certaines
indications, telles que le bilan d'une insuffisance
mitrale, car elle permet d'analyser les
lésions anatomiques et de juger de
la possibilité d'effectuer un geste
conservateur, de plastie mitrale chirurgicale.
L'indication de cathétérisme
persiste néanmoins dans certains
cas, tels que nécessité d'un
traitement par cathétérisme
interventionnel (valvuloplastie mitrale
percutanée pour rétrécissement
mitral, par exemple). Plus souvent, c’est
la nécessité d'une coronarographie
préopératoire qui fait porter
l’indication d’examens invasifs
; une coronarographie est exigée
par le chirurgien avant chirurgie sous circulation
extra corporelle(CEC) chez les hommes de
plus de 40 ans et chez les femmes de plus
de 50 ans.
Le suivi des porteurs de prothèses
valvulaires se fait essentiellement
grâce à l'écho doppler.
Les patients doivent bénéficier
d'un examen par voie transthoracique dans
les trois mois qui suivent l'intervention.
Ultérieurement, une échographie
transthoracique tous les 1 à 2 ans
est préconisée.
2 - Les cardiopathies
congénitales
représentent la meilleure indication
de l’écho doppler. Le perfectionnement
de la technique au fil des années
a fait considérablement diminuer
le nombre de cathétérismes
préopératoires, ce qui est
particulièrement appréciable
chez l’enfant. De nos jours, de nombreuses
cardiopathies congénitales peuvent
être opérées sur les
seules données de l'écho doppler,
y compris pour la chirurgie sous CEC chez
le petit nourrisson. Seules les cardiopathies
complexes nécessitent actuellement
un cathétérisme préopératoire.
Le suivi post-opératoire des malades
est assuré essentiellement par l'écho
doppler. Le cathétérisme de
contrôle post-opératoire systématique,
effectué en routine autrefois, n'est
plus pratiqué que dans des indications
particulières.
3 - Les cardiomyopathies,
dilatées
ou hypertrophiques, sont diagnostiquées
exclusivement par l'écho doppler.
Le cathétérisme a peu d'indications,
sauf cas particuliers tels que la recherche
d'une myocardiopathie ischémique,
ou le bilan pré transplantation cardiaque.
4 - Les
cardiopathies ischémiques ,
sont surtout
explorées par la coronarographie.
L'échographie ne permet pas de visualiser
les coronaires, sauf parfois sur leur premier
centimètre. L'échographie
peut explorer par contre les troubles de
la cinétique globale ou segmentaire
du ventricule gauche consécutifs
à une cardiopathie ischémique
ou dans le post-infarctus. L’échographie
permet également le diagnostic des
complications de l'infarctus du myocarde
aigu, telles que les complications mécaniques
(rupture septale, insuffisance mitrale).
Quant à l'échocardiographie
de stress, elle permet de diagnostiquer
la viabilité d'une zone nécrosée
ou une ischémie myocardique.
CONCLUSION
L'écho doppler
est donc actuellement une technique irremplaçable
en Cardiologie. Plus que pour d'autres techniques,
la qualité et la fiabilité
des renseignements qu'elle fournit sont
très dépendantes de la qualité
de l'appareillage utilisé et surtout
de l'expérience de l'opérateur.
L'écho doppler cardiaque doit être
effectué par un cardiologue connaissant
parfaitement la pathologie en cause, et
qui pratique un examen orienté par
les données cliniques et paracliniques.
Au cours des dernières années,
le développement des nouvelles techniques,
qui ne cesse de progresser, a été
considérable et a rendu l’examen
de plus en plus performant pour le diagnostic
de la plupart des pathologies cardiaques. |