Dossier clinique : 0186 - Auteur : Dossiers cliniques déjà retenus aux concours -
M. D..., 59 ans, est adressé en psychiatrie, à la sortie d'un service d'urgence où il a été hospitalisé pour un état comateux. Il avait été trouvé gisant sur le sol d'un couloir du foyer où il résidait. A la sortie de ce coma, il avait fait une fugue. Il avait été retrouvé dans la rue, mais il se donne successivement plusieurs professions, semblant ne pas se souvenir de celle qu'il a citée quelques instants avant. Il dit ainsi qu'il a été professeur de français, physique, mathématiques, qu'il serait assureur, puis formateur en entreprise. A chaque examen, il se présente comme si on ne le connaissait pas et prend le médecin pour quelqu'un d'autre. Il dit être arrivé la veille, systématiquement, même au bout de plusieurs jours. Dans l'unité de soins, il n'arrive pas à se repérer, demande son chemin pour retourner à Neuilly où il déclare vivre ; il faut le reconduire régulièrement dans sa chambre. Il a perdu la notion du temps, demande souvent l'heure avec une tonalité d'inquiétude. Il donne constamment plusieurs versions des mêmes faits sans s'apercevoir de ses contradictions et s'irrite quand on les lui fait remarquer. Au cours de son séjour, il fugue à plusieurs reprises du service, croyant se trouver ailleurs. On apprend par des voies latérales qu'il est divorcé depuis plusieurs années et qu'il a deux filles qui résident dans la région parisienne où il a vécu autrefois. Le foyer où il vivait depuis plusieurs années, n'envisage pas de le reprendre car il consommait beaucoup de boissons alcoolisées et se trouvait fréquemment en état d'ivresse. Il ne reconnaît pas qu'il est malade et comprend les questions qui lui sont posées ou les propos qui lui sont tenus. L'examen physique, révèle l'existence de troubles de la marche (steppage). Le patient élargit notablement son polygone de sustentation, et présente une perte de la force musculaire segmentaire. On trouve également une hypoesthésie épicritique et thermo-algésique, en chaussette, une abolition des réflexes ostéo-tendineux, rotulien et achilléen. Ces troubles sont bilatéraux et symétriques. Le reste de l'examen ne permet de relever aucune autre anomalie. Les résultats des examens biologiques montrent une anémie macrocytaire, une thrombopénie, un bilan hépatique perturbé (ASAT = 184 - ALAT = 101 - PAL = 154, Gamma GT = 369 et une hypoprotidémie.
Question 1
Faire l'analyse sémiologique de cette observation.
Réponse :
Ce malade présente une désorientation temporelle et spatiale (ne sait plus où il est, cherche sa chambre), une amnésie antérograde (oubli au fur et à mesure), une fabulation compensatrice (s'attribue plusieurs professions), de fausses reconnaissances (prend le médecin pour quelqu'un d'autre), une méconnaissance complète de sa maladie. Il présente également des mouvements d'angoisse (fugues, probablement liée à ses troubles de l'orientation). Il a présenté avant son admission en psychiatrie, une perte de connaissance prolongée avec coma. L'examen physique révèle des troubles sensitifs et moteurs des deux membres inférieurs, de façon symétrique, ce qui a une grande valeur d'orientation.
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Question 2
D'autres examens complémentaires, que ceux qui ont été pratiqués, doivent-ils être réalisés ? Dans l'affirmative, quels sont-ils et dans quel but doivent-ils être demandés ? Dans la négative, justifiez votre position.
Réponse :
L'examen clinique devra d'abord rechercher la conservation des capacités de raisonnement et de jugement, en dehors des conséquences de l'amnésie antérograde. De même la mémoire immédiate est, en principe, conservée, puisque le malade est capable de comprendre les questions et de chercher à y répondre, même si les réponses sont inadéquates du fait de l'impossibilité de fixer les souvenirs et marquées, en fait, par la fabulation compensatrice. Comme on a peu d'éléments d'information sur ce patient et que l'interrogatoire est peu fiable, il est nécessaire de procéder à des examens complémentaires pour ne pas laisser passer une autre forme de pathologie organique, pouvant produire une symptomatologie voisine ou identique, notamment neurologique, à moins que ces examens n'aient été pratiqués au service d'urgence, avant le transfert du malade. On fera donc pratiquer ou l'on recherchera le résultat de la ponction lombaire après réalisation d'un examen du fond d'oeil, une tomodensitométrie (TDM) et un Electro-encéphalogramme (EEG). On se renseignera sur le taux de l'alcoolémie au moment du coma et l'on pratiquera des examens explorant les différentes fonctions métaboliques (hypoglycémie-glycémie veineuse - hyponatrémie et acido-cétose). On recherchera, par ailleurs, comme du reste il a été fait, un complément d'information sur sa situation professionnelle, sociale et familiale en prenant contact avec le personnel du foyer où il vivait.
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Question 3
Discutez le diagnostic.
Réponse :
Le diagnostic positif affirme le syndrome confusionnel ou le syndrome de confusion mentale sur la constatation d'une désorientation temporelle et spatiale (qui fonde la définition de la confusion). Son association à une amnésie antérograde, à la fabulation compensatrice, et à la méconnaissance du trouble signe le syndrome de Korsakoff qui devra être rattaché à l'une de ses étiologies dont la principale est l'alcoolisme. Ce syndrome de Korsakoff peut être pur, selon certains auteurs (syndrome confusionnel) ou réaliser la psycho-polynévrite, car il existe également, et d'une manière associée, une polynévrite sensitivo-motrice des membres inférieurs affirmée sur le caractère bilatéral et symétrique des troubles sensitifs et moteurs constatés. Le diagnostic différentiel éliminera la démence alcoolique sur l'absence de troubles du jugement et de l'intelligence, en dehors des faits touchés par l'amnésie antérograde. De même on fera la différence avec le syndrome de Gayet-Wernicke sur l'absence de syndrome confusio-onirique, de troubles de la coordination motrice et de l'équilibre, de troubles oculaires. Les résultats des examens de laboratoires permettront de faire la différence avec d'autres affections neurologiques qui peuvent présenter une sémiologie similaire (méningite, hémorragie méningée, hématome sous-dural) un syndrome de Korsakoff d'autres origines - autres formes de carences en vitamine B1, après un traumatisme ou une encéphalite nécrosante subaiguë, etc.
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Question 4
Proposez un projet thérapeutique, à court, moyen et long terme ?
Réponse :
Il faut hospitalier ce malade pour entreprendre le bilan nécessaire et le traitement qui sera basé d'abord sur le sevrage de l'intoxication alcoolique. Dans l'immédiat, il faut prévenir l'apparition d'un syndrome de sevrage et plus particulièrement celle d'un delirium tremens par la prescription d'un traitement par benzodiazépines telles que le Seresta© (recommandé par la conférence de consensus) ou le Tranxène à fortes doses rapidement degressives en quelques jours. On y adjoindra un traitement vitaminique B (B1 - B6) à hautes doses également. On assurera un régime alimentaire suffisamment équilibré au point de vue de l'apport calorique et de l'hydratation (la réhydratation massive, à raison de plusieurs litres d'eau ou de sérum par jour, préconisée autrefois, est devenue aujourd'hui contre-indiquée). A court terme, il faudra essayer de demander à l'Assistante sociale de faire le bilan de la situation administrative, sociale et familiale du malade, prendre contact avec sa famille pour envisager un projet d'avenir, compte tenu du fait que ce malade a perdu toute capacité d'autonomie (notamment projets de transfert dans un hôpital plus proche de sa famille si elle le souhaite dans le but d'un placement ultérieur dans une maison de retraite également à proximité si possible). Il faudra mettre en oeuvre toutes les démarches administratives rendues nécessaires par cette situation et envisagée dans la réponse à la question suivante.
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Question 5
D'autres mesures doivent-elles être envisagées ? Dans l'affirmative quelles sont-elles et quelles sont leurs modalités de mise en oeuvre ? Dans la négative, justifiez votre décision.
Réponse :
Il faut envisager les questions suivantes : - les modalités d'hospitalisation : bien qu'il soit préférable, chaque fois que cela est possible, d'hospitaliser un malade en placement libre, son état ici, même s'il est apparemment consentant, notamment du fait des fugues successives, rend préférable, une hospitalisation sans le consentement sur le mode de l'hospitalisation à la demande d'un tiers en application de la loi du 27 juin 1990. - Selon l'état de la situation patrimoniale, il y aura lieu de prévoir une mesure de protection, en application de la loi du 3 janvier 1968 sur la protection des incapables majeurs (mise sous Sauvegarde de Justice dans un premier temps avec ou sans désignaton d'un mandataire, puis mise sous curatelle ou tutelle à plus long terme si nécessaire). - Rédaction des certificats nécessaires à l'exonération du ticket modérateur de la sécurité sociale. Selon la situation matérielle et professionnelle, prévoir une éventuelle mise en congé de longue maladie ou de longue durée (si par exemple, le malade était fonctionnaire) et à plus long terme une mise en invalidité (auprès de la sécurité sociale). Prévoir s'il nécessaire un certificat pour obtenir sa reconnaissance comme handicapé avec ou sans versement de l'allocation d'adulte handicapé (AAH) et mesure de placement corrélative - maison de retraite avec le bénéfice d'une mesure de dérogation, ou MAPAD Maison d'Accueil pour Personnes âgées dépendantes.
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Question 6
Quelles sont les formalités à accomplir pour réaliser l'hospitalisation de ce malade, s'il est hospitalisé sans pouvoir donner son consentement ?
Réponse :
Si le malade est hospitalisé sans consentement, on aura recours à l'application de la loi du 27 juin 1990 (révisée 2000). Cette loi prévoit : - une demande manuscrite, rédigée sur papier libre, par le tiers demandeur - une justification de l'identité du tiers demandeur et du malade - établissement de deux certificats médicaux, signés par deux médecins différents, sans liens de parenté entre eux ou avec la malade jusqu'aux= 4° degré. Ces certificats sont valables 15 jours. Ils doivent être concordants, mais établi de façon indépendante. Ils doivent décrire les faits ou les troubles présentés par le malade, sans mention de symptômes ou de diagnostic et conclure à l'impossibilité d'obtenir un consentement valable à des soins et une surveillance constante qui sont nécessaires, et donc à la nécessité d'une hospitalisation sans le consentement du malade, dans un établissement spécialisé régi par la loi du 27 juin 1990 (révisée 2000) et sur le monde de l'H.D.T. en application de l'article L3212.1 du Code de la santé publique.
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