Dossier clinique : 0184 - Auteur : Dossiers cliniques déjà retenus aux concours -
Madame A, 30 ans, rentre de vacances après un séjour à San Francisco. Quelques heures après son retour, elle se plaint d'une douleur basi thoracique gauche et d'une dyspnée de début brutal. En raison de ce voyage, son médecin traitant évoque la possibilité d'une embolie pulmonaire et l'adresse aux urgences de l'hôpital. L'interrogatoire de cette patiente vous apprend qu'elle bénéficie depuis 5 ans d'une contraception par Stédiril. A l'âge de 18 ans, elle a présenté une thrombose veineuse surale, alors qu'elle portait une attelle pour entorse grave de la cheville, malgré une prophylaxie par Lovenox, 4000 u 1 fois/jour. Depuis la puberté, elle doit prendre un traitement anti-comitial par Alepsal (phénobarbital) en raison d'une comitialité temporale idiopathique. Elle est bien équilibrée avec ce traitement (plus de crises depuis de nombreuses années). En dehors de la dyspnée, l'examen clinique est normal. La pression artérielle est à 120 / 80 mmHg, le pouls à 85 par minute.
Question 1
Dans l'immédiat, quels examens complémentaires pouvez-vous demander pour confirmer l'hypothèse diagnostique soulevée ? Pour chacun d'entre eux, discutez leur intérêt et leurs limites.
Réponse :
Compte tenu de l'âge de la patiente et de l'absence de pathologie associée, un dosage en urgence de D-dimères pourrait permettre d'éliminer le diagnostic d'embolie pulmonaire car cet examen a une très haute valeur prédictive négative supérieure à 95 %. Pour les autres examens complémentaires, on peut lister une radiographie du poumon standard à la recherche d'une opacité systématisée mais souvent la radio standard est normale en cas d'embolie pulmonaire. En fonction des possibilités de l'hôpital, deux examens peuvent être proposés : une scintigraphie pulmonaire de ventilation et perfusion : cet examen dans environ 30 % des cas permet d'affirmer l'embolie pulmonaire, dans 30 % des cas elle permet d'exclure le diagnostic et dans 30 % des cas le diagnostic reste incertain. Un autre examen peut être proposé : le scanner spiralé qui permet souvent d'observer une image directe du thrombus. Cet examen peut être effectué ici, compte tenu de l'âge de la patiente et l'absence d'insuffisance rénale.
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Question 2
Le diagnostic d'embolie pulmonaire de moyenne importance a été confirmé par les examens complémentaires. Le bilan biologique général que vous avez réalisé ne montre pas d'anomalie significative. Notamment l'hémogramme et le bilan d'hémostase donne : hémoglobine 14.4 g/dL ; leucocytes 7.2 x G/L ; plaquettes 350.G/L, taux de prothrombine (TP) 85 % ; TCA 31 s (témoin 35 s). Vous planifiez le traitement antithrombotique qu'il est nécessaire de prescrire. Pour chacune des solutions thérapeutiques possibles, décrivez-en les avantages et les inconvénients. Indiquez le nom du médicament, les doses, la voie d'administration, et le cas échéant les modalités de la surveillance biologique.
Réponse :
Puisqu'il y a embolie pulmonaire de moyenne gravité, cette patiente relève d'un traitement antithrombotique standard par la séquence héparine-AVK. Pour l'héparinothérapie, il y a deux solutions. Soit de l'héparine non fractionnée en perfusion continue à la seringue électrique, soit un traitement par HBPM. Pour le traitement par HBPM, un seul produit a une AMM dans cette indication : Innohep. Si la solution de l'héparine standard est choisie, il faut débuter le traitement par une dose bolus de 50 u/kg, suivie de la mise en place de la perfusion continue à une dose probatoire de 500 u/kg/24 heures. Quatre heures après le début de la perfusion, il est nécessaire de prélever un tube citraté pour évaluer le niveau d'hypocoagulabilité : les examens à demander sont, soit le TCA seul, soit l'héparinémie seule, soit le TCA et l'héparinémie. Il est nécessaire de cibler un TCA compris entre 2 et 3 fois le temps du témoin et une héparinémie comprise entre 0.3 et 0.6 u/mL. Le traitement anticoagulant doit être surveillé tous les jours en raison des fluctuations possibles de l'hypocoagulabilité. Ce traitement est donc astreignant pour le patient et les infirmières. Une solution plus simple est d'utiliser Innohep à la dose de 175 u/kg 1 fois/24 heures, par voie sous-cutanée. Compte tenu du contexte médical et de l'âge de la patiente, il est inutile de surveiller l'héparinémie. Le problème serait différent s'il s'agissait d'une patiente âgée avec détérioration de la fonction rénale Le traitement par antivitamine K peut être introduit soit le jour même soit dans les 48 heures après le début du traitement par l'héparine. Normalement on ne fait pas de dose de charge, le traitement est débuté avec un comprimé de 4 mg de sintrom, 20 mg de préviscan, 5 mg de Coumadine, et le premier contrôle d'INR s'effectue 12 heures après la 3ème pris de l'antivitamine K. La dose de l'héparine doit rester inchangée tant que l'INR n'a pas atteint la fourchette désirée comprise entre 2 et 3.
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Question 3
[SUITE QUESTION 2]
Réponse :
En outre, tant que dure héparinothérapie, il faut demander une numération plaquettaire 2 fois/semaine afin de dépister une éventuelle thrombocytopénie induite par l'héparine.
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Question 4
Au huitième jour, du traitement, l'INR est à 1.5 malgré 30 mg de fluindione (1 cp et demi de préviscan). Cette relative résistance au médicament était-elle prévisible ?
Réponse :
La sensibilité des patients aux antivitamines K est imprévisible, certains sont équilibrés avec 1/4 de comprimé, d'autres avec 2 comprimés. Toutefois, dans le contexte de cette observation chez cette patiente qui prend du Phénobarbital, il est vraisemblable que la relative résistance au préviscan s'explique par une interférence médicamenteuse. Les barbituriques sont des inducteurs enzymatiques qui rendent le patient relativement résistant aux antivitamines K.
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Question 5
En raison de cette résistance, l'héparinothérapie est prolongée. Dix jours après le début du traitement, alors que les signes cliniques pulmonaires avaient disparu, la patiente se plaint d'une douleur au mollet gauche. Un examen écho-doppler révèle une thrombose des veines jumelles qui n'existait pas à l'entrée de la patiente. Le contrôle du traitement héparinémique témoigne pourtant d'un équilibre correct. L'hémogramme montre : hémoglobine 14.2 g/dL ; leucocytes 6.4 G/L ; plaquettes 120 G/L. Que vous évoque cet évènement ? Quelle est la conduite à tenir ?
Réponse :
Une thrombopénie induite par l'héparine est définie par une chute du nombre des plaquettes supérieure ou égale à 40 % ou une thrombopénie inférieure à 120 000. Le diagnostic de thrombopénie induite par l'héparine doit être évoqué ici, d'autant qu'il y a récidive de maladie thromboembolique alors même que le traitement anticoagulant apparaît correctement équilibré. Les thrombopénies induites par l'héparine peuvent se compliquer de thromboses veineuses et artérielles et dans certains cas, si on persiste à administrer de l'héparine, d'une coagulation intravasculaire disséminée. Sur le plan pratique, il est urgent d'arrêter l'héparine et l'antivitamine K et de proposer à la patiente une alternative qui a ce jour peut être soit de l'hirudine (antithrombine directe) soit un analogue de l'héparine, l'Orgaran, pour lequel le risque d'allergie croisée avec l'héparine est de l'ordre de 5 %. Il est par ailleurs important de documenter l'allergie à l'héparine en demandant la recherche d'anticorps anti-héparine-PF4 ; toutefois dans 5 à 10 % des cas, il peut exister une thrombopénie induite par l'héparine en l'absence d'anticorps détectables. La meilleure preuve à posteriori de l'allergie à l'héparine est la remontée des plaquettes 3 à 5 jours après l'arrêt du traitement par l'héparine. Le traitement antivitamines K ne sera réintroduit que lorsque les plaquettes auront ébauché leur remontée.
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Question 6
Moyennant un traitement adéquat, tout s'est finalement bien passé. Il y a maintenant 2 mois que la patiente est rentrée de vacances. Le traitement anticoagulant est équilibré avec 40 mg de fluindione. Afin de trouver une explication possible à cette histoire clinique et de prendre le cas échéant des mesures de prévention adaptées (la patiente à 2 soeurs de 20 et 18 ans), vous planifiez un bilan de thrombophilie. Ce bilan est-il justifié ? Quel est le meilleur moment pour planifier le bilan ? Indiquez par ordre de fréquence décroissant les anomalies que pourrait présenter la patiente et que vous allez devoir donc rechercher ?
Réponse :
Oui, le bilan est ici justifié en raison du jeune âge de la patiente et des conditions de survenue de l'épisode thromboembolique. En outre, cette patiente vous dit qu'elle a déjà présenté une phlébite du membre inférieur à l'occasion d'une immobilisation pour entorse. Le meilleur moment pour planifier le bilan est à distance de l'épisode aigu, 15 jours à 3 semaines après l'arrêt du traitement antivitamines K, soit environ 6 mois après le début du traitement antithrombotique. Par ordre de fréquence décroissant, on recherchera une mutation du facteur V Leiden qui touche 3 à 4 % de la population, une mutation du gène de la prothrombine qui touche 1 à 2 % de la population, un déficit en antithrombine, en protéine C ou en protéine S qui touche 1 sujet sur 5 à 10 000 ; le bilan sera complété par une recherche d'anticoagulant circulant et d'anticorps antiphospholipides et d'hyperhomocystéinémie, mais il y a peu de chances que ces examens soient positifs compte tenu du contexte de cette observation.
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Question 7
Votre enquête n'a rien donné. Votre patiente envisage un voyage au Vietnam pour ses prochaines vacances, alors que le traitement par fluindione (previscan) est arrêté depuis 3 mois. Quels conseils lui donnez-vous concernant sa contraception ?
Réponse :
Oestroprogestatif contre-indiqué, progestatifs purs autorisés ou contraception mécanique.
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Question 8
Quels conseils de prévention (vis à vis de la maladie thromboembolique) lui prodiguerez-vous pour son voyage au Vietnam ?
Réponse :
Si la patiente doit reprendre l'avion pour un long trajet, certains proposent une injection d'HBPM au moment de rentrer dans l'avion, associée à des bas de contention et à une hydratation importante.
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