Dossier clinique : 0183 - Auteur : Dossiers cliniques déjà retenus aux concours -

Mme A. est une patiente connue de vous, de longue date. Cependant vous ne l'avez pas revue depuis environ 5 ans, date à laquelle elle a arrêté de suivre une contraception orale. Elle a 48 ans, et consulte pour des bouffées de chaleur et des sueurs nocturnes très gênantes depuis 6 mois. Elle n'a pas eu ses règles depuis 13 mois, après deux années de cycles irréguliers. Elle pense être ménopausée ce qu'elle juge normal car elle a été réglée jeune, à 10 ans. Cuisinière dans un lycée, elle est mariée, avec un chauffeur routier, qui ne rentre que le week-end. Ils ont un enfant de 16 ans en bonne santé. Il s'agit d'une femme désireuse d'informations ; elle vous pose nombre de questions - Elle souhaite avoir confirmation de sa ménopause et savoir s'il existe encore un risque de grossesse. - Elle demande une mesure de la densité osseuse suite à la lecture dans une revue d'un article sur l'ostéoporose. - Elle est inquiète du risque de cancer et en particulier du cancer du sein. Sa tante maternelle termine une chimiothérapie pour traiter cette maladie ; elle se demande pourquoi elle n'a pas été invitée à participer au dépistage du cancer du sein qui vient d'être récemment mis en oeuvre dans le département. - Elle s'interroge sur l'opportunité d'un traitement substitutif hormonal de ménopause. L'entretien permet de recueillir les antécédents suivants : - Père, fumeur, décédé d'un infarctus du myocarde à 68 ans - mère en bonne santé - grand-mère paternelle et un oncle paternel atteint d'un diabète de type II, - tabagisme : 15 paquets-années (10 cigarettes par jour depuis l'âge de 18 ans) L'examen clinique est normal ; elle pèse 75 kg pour une taille de 1.62 m. La tension artérielle est à 136/78 mmHg.
 
Sommaire du dossier 0183

Question 1
Quels sont les arguments cliniques en faveur du diagnostic de ménopause chez cette femme ? Quelle réponse apporter à son inquiétude du risque de grossesse ?
    Réponse :
    La ménopause se définit comme un arrêt des règles depuis plus de 12 mois. Madame A. est ménopausée car elle entre dans le cadre de cette définition à 48 ans. Elle ne prend pas de traitement pouvant favoriser cette aménorrhée. L'existence de troubles climatériques va dans le sens de ce diagnostic, mais ils ne peuvent à eux seuls permettre de l'affirmer. Une ménopause survenant après 45 ans est qualifiée de précoce. Une ménopause survenant après 55 ans est qualifiée de tardive. Il est nécessaire de rassurer cette patiente par rapport au risque de grossesse qui est nul.

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Question 2
Est-il nécessaire ou utile de réaliser des tests ou examens complémentaires pour confirmer la ménopause. Justifier votre réponse ?
    Réponse :
    En période d'aménorrhée un test à la progestérone peut être proposé aux patientes : 10 jours/mois de traitement progestatif pendant 2 à 3 mois. L'absence d'hémorragie de privation à la fin des 10 jours de traitement confirme l'hypoestrogénie et l'installation de la ménopause. La réalisation de dosages hormonaux sériques (oestradiol et FSH) a peu d'intérêt dans cette situation. L'arrêt définitif des règles est souvent précédé d'une phase, où les cycles deviennent irréguliers, appelée péri ménopause, voire de périodes plus ou moins longues d'aménorrhée. Les dosages réalisés à cette période sont variables et difficiles à interpréter. Ces dosages ont plus d'intérêt chez la femme hystérectomisée ou la réalisation d'un test à la progestérone est impossible.

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Question 3
Convient-il de prescrire une ostéodensitométrie à cette patiente ? Justifiez votre réponse.
    Réponse :
    Il faut rechercher par l'interrogatoire les critères de prescription tels qu'ils ont été élaborés dans le cadre de la recommandation de pratique clinique de l'ANAES. * Il est recommandé de réaliser une ostéodensitométrie devant : - la découverte radiologique d'une fracture vertébrale sans caractère traumatique ou tumoral évident - Un antécédent de fracture périphérique survenue sans traumatisme majeur (sauf fractures du crâne, orteils, doigts, et rachis cervical) - Des antécédents de pathologies inductrices d'ostéoporose : hypogonadisme prolongé, hypothyroïdie évolutive non traitée, hypercorticisme, hyperparathyroïdie primitive. *
    La réalisation d'une ostéodensitométrie est proposée chez la femme ménopausée, en présence d'un ou plusieurs des facteurs de risque suivants : - Antécédent de fracture vertébrale ou du col fémoral sans traumatisme majeur chez un parent du 1er degré. - Indice de masse corporelle inférieur à 19 kg/m$2 - Ménopause avant 40 ans - Antécédents de corticothérapie prolongée (supérieur à 3 mois pour une dose équivalente de prednisone supérieure ou égal à 7.5 mg/j). Il n'est donc pas nécessaire de proposer à cette patiente un examen ostéodensitométrique : pas de facteurs de risque - IMC : 28.5 kg/m$2. Si le tabagisme est reconnu comme facteur de risque d'ostéoporose, il ne représente pas une indication d'ostéodensitométrie selon les recommandations de l'ANAES. Il reste possible à la patiente de s'adresser à un médecin de son choix qui réalisera l'examen. Le remboursement de cet acte ne sera pas pris en charge par l'Assurance Maladie.

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Question 4
Expliquez à cette patiente ce qu'est une campagne de dépistage organisée du cancer du sein dans une population et ce qu'est un dépistage spontané individuel.
    Réponse :
    Le dépistage organisé du cancer du sein est mis en place chez les femmes de 50 à 74 ans. C'est donc cette tranche d'âge qui a fait la preuve de son efficacité à réduire la mortalité. Dans le cadre du dépistage organisé la patiente est convoquée tous les deux ans, ou prévenue qu'elle peut se rendre chez un radiologue agréé où elle bénéficiera d'une mammographie gratuite. Cet examen comporte deux clichés de chaque sein (incidence de face et de profil). Le compte rendu est réalisé après une double lecture, c'est à dire que l'examen est interprété par deux radiologues ; la double lecture permet de diminuer le nombre de faux positifs et de faux négatifs. Il est adressé à la patiente et/ou au médecin de son choix. En dessous de cet âge, le dépistage "individualisé" par réalisation de mammographie ne sera proposé qu'en cas de facteur de risque qu'il faut rechercher par l'interrogatoire. Cependant dans les départements où le dépistage de cancer n'est pas encore organisé, la prescription d'une mammographie à toutes les femmes de la tranche d'âge 50 - 74 ans sans facteurs de risque est indispensable.

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Question 5
Compte tenu des critères justifiant un dépistage organisé dans une population, quels sont ceux qui s'appliquent à une campagne de dépistage du cancer du sein, en France, chez les femmes de 50 à 74 ans.
    Réponse :
    Un dépistage de masse doit répondre à un certain nombre de critères pour être organisé. - La pathologie étudiée doit être un problème de Santé publique, ce qui est le cas pour le cancer du sein : 42000 femmes atteintes tous les ans et 11000 en décèdent.
    - L'histoire naturelle de la maladie doit être connue : c'est un préalable indispensable pour pouvoir juger de l'efficacité d'une intervention. C'est le cas pour le cancer du sein. C'est pour cela que le dépistage est organisé tous les 2 ans.
    - Il doit exister un test de dépistage performant, c'est à dire sensible et spécifique, ce qui est démontré pour la mammographie.
    - Le test doit permettre d'identifier la maladie à un stade précoce : la mammographie permet de diagnostiquer des anomalies infra cliniques.
    - Il faut aussi qu'il existe un test diagnostic fiable : l'examen anatomo-pathologique est fiable.
    - Il doit exister un traitement efficace : les résultats du traitement à un stade précoce doivent être supérieurs à ceux obtenus à un stade avancé : il est actuellement parfaitement démontré que le pronostic du cancer du sein est lié au stade auquel il est diagnostiqué. 50 % des malades vont décéder s'il existe un envahissement ganglionnaire, 70 % seront guéries en l'absence d'envahissement. 90 % seront guéries si la tumeur est inférieure à 1 cm et sans envahissement ganglionnaire.
    - Le test doit être accepté par la population concernée : la mammographie n'est pas agréable mais généralement acceptée sans problème. Les nuisances physiques et psychologiques engendrées sont inférieures aux bénéfices que les femmes peuvent en attendre.
    - Le dépistage organisé doit apporter un bénéfice en terme de santé publique : les méta analyses concluent à une réduction de la mortalité entre 20 et 35 %.

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Question 6
Quels sont parmi les facteurs de risque de cancer du sein ceux que vous retenez chez cette patiente ?
    Réponse :
    Les facteurs de risque de cancer du sein connus de cette patiente sont :
    - un antécédent familial de cancer du sein au 2ème degré
    - des premières règles précoces, avant 12 ans, - une grossesse tardive après 30 ans.
    Il faut également rechercher par l'interrogatoire :
    - Les facteurs de haut risque du cancer du sein chez une femme : * antécédents familiaux multiples de cancer du sein : 3 cas de cancer du sein chez des apparentés de 1 ou 2ème degré dans la même branche parentale ou 1 cas de cancer du sein ou de l'ovaire associé, chez un apparenté de premier degré :
    - 1 cancer du sein précoce avant 40 ans,
    - 1 cancer du sein chez l'homme,
    - 1 cancer de l'ovaire,
    - 1 cancer du sein bilatéral.
    * Les autres facteurs de risque d'un cancer du sein, en dehors de ces très hauts risques sont :
    - Autres antécédents familiaux au 1er et 2ème degré de cancer du sein
    - Mastopathies : hyperplasies atypiques, carcinome lobaire in situ
    - Un âge supérieur à 50 ans et une ménopause après 55 ans sont également des facteurs de risque qui ne concernent pas cette patiente.

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Question 7
Pour répondre à sa crainte des cancers vous proposez à cette patiente un suivi dans le cadre d'une démarche de dépistage et de prévention individuelle. Que lui dites-vous et que faites-vous ?
    Réponse :
    Plusieurs types de cancers parmi les plus fréquents peuvent être dépistés à un stade précoce par l'examen clinique et des examens complémentaires simples.
    - Cancer du sein : outre la mammographie à réaliser tous les deux ans à partir de 50 ans en l'absence d'autres facteurs de risque, la palpation des seins et des creux axillaires est conseillée (par le médecin, annuellement et par la femme elle-même par autopalpation).
    - Cancers de l'utérus et de l'ovaire : * Réaliser un frottis cervical et un autre dans 1 ans si le dépistage date de plus de 5 ans, puis tous les 3 ans si les résultats sont normaux. * Examen clinique pelvien, à renouveler annuellement pour surveillance de l'utérus et des ovaires.
    - Cancers de la bouche, de la gorge et de la thyroïde : examen clinique annuel (recherche de leucoplasies buccales) avec palpation cervicale (recherche d'adénopathies et de nodule thyroïdien)
    - Mélanome : Inspection de la peau : nombre et aspect des naevi - recherche d'une lésion suspecte par les critères ABCDE : Asymétrie - Bords irréguliers - Couleurs multiples - Diamètre > 6 mm - Extension ou modification (taille ; couleur ; forme ; inflammation ; suintement ou saignement ; sensibilité). adressez aux dermatologues les patients porteurs de noevi atypiques, ou de lésions suspectes.
    - Cancers du colon et du rectum : proposé un test Hémocult© tous les 2 ans avec lecture centralisée du test pour en augmenter les performances. Les dépistages du cancer du col de l'utérus par frottis et du cancer du colon par Hemocult© font aussi partie des dépistages de population organisés dans certaines régions.
    - Rappelez à chaque consultation l'intérêt d'un arrêt du tabagisme en matière de prévention du cancer du poumon, des cancers ORL et de la bouche, du cancer de la vessie... Proposez une aide à l'arrêt du tabagisme.

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Question 8
Que dites-vous à la patiente à propos de ses interrogations sur le traitement hormonal substitutif de ménopause (THS) ?
    Réponse :
    Il est obligatoire d'informer clairement la patiente sur la possibilité de suivre ou non un THS, de ses avantages et inconvénients (Article 35 du code de déontologie - loi du 4 mars 2002). Elle pourra ainsi choisir de suivre ou de ne pas suivre ce traitement en connaissance de cause.
    Il faut lui dire que l'intérêt du THS est prouvé. - Pour traiter les troubles du climatère. Il est très efficace. - Pour prévenir la perte osseuse. Le traitement limite la diminution de la densité osseuse qui apparaît dès la première année de la ménopause. Cet effet bénéfique disparaît dès l'arrêt du traitement mais permet de retarder l'âge de survenue des fractures du col fémoral et des tassements vertébraux. D'autres traitements sont possibles dans la prévention de l'ostéoporose.
    Il faut également lui dire qu'elle n'a pas de contre-indication au THS. Elle doit par contre être informée des risques inhérents à ce traitement et qui sont apparues récemment dans des études anglo-saxonnes (Etude WHI et MWS) : - Confirmation du risque du cancer du sein associé au THS. - Augmentation du risque thromboembolique veineux (phlébite, embolie pulmonaire). Les médias grand public ayant largement fait écho à ce problème il faudra rechercher ce qu'en a compris la patiente et rectifier les erreurs de compréhension.
    Même si ces informations récentes demandent des études complémentaires il apparaît que la prescription d'un THS doit être réfléchie au cas par cas, avec chaque patiente. Il garde comme indication essentielle le traitement des troubles du climatère invalidants, en cherchant la plus petite dose efficace.

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