Dossier clinique : 0137 - Auteur : JP. FOURNIER - CHU de Nice

Monsieur B., 71 ans consulte pour des douleurs abdominales et des épisodes de constipation cédant avec une débâcle de gaz. Il présente également des épisodes de selles molles. Son médecin traitant lui a parlé d’intestin irritable, ce qui ne l’a pas vraiment rassuré. Il est comptable retraité à la CPAM. Il a des antécédents d’hypertension artérielle et d’artérite pour lesquelles il prend un traitement par hydrochlorothiazide (Ésidrex®), amlodipione (Amlor®), et acétyl salicylate de lysine (Kardégic®). Il est très anxieux et prend régulièrement du bromazépam (Tranxène®).
 
Sommaire du dossier 0137

Question 1
À la suite d’une émission de télévision, il s’est procuré un set d’Hémoccult II®. Il a passé beaucoup de temps sur Internet pour essayer de comprendre la signification et les conséquences d’un résultat positif. Il a trouvé que les caractéristiques de ce test étaient les suivantes : sensibilité : 0,50, spécificité : 0,98 à 0,99, valeur prédictive positive : 0,70, valeur prédictive négative : 0,98 à 0,99. En quoi ce test vous paraît-il adapté au dépistage de masse ?
    Réponse :
    • Propriétés intrinsèques : assez sensible (limite les faux négatifs) (1) et surtout très spécifique (1) (= peu de faux positifs) avec une excellente valeur prédictive négative (1) (très faible risque de conclure à tort que le sujet n‘est pas malade puisque le test est négatif) : en cas de positivité, la colonoscopie doit être réalisée (2)
    • Simple à réaliser, reproductible, bien accepté, (1)
    • Rapport coût/efficacité clairement établi (1) pour une réalisation tous les 2 ans (1) après 50 ans (1)

    Total des points de la question : 9
Question 2
Vos explications ne l’ont pas rassuré. Il revient vous montrer le résultat, positif, et vous demande d’organiser la prise en charge avec son médecin traitant, qu’il juge dépassé pour une prise en charge aussi compliquée. Que prévoyez-vous ?
    Réponse :
    Réalisation d’une colonoscopie sous anesthésie générale (1), avec biopsie et/ou exérèse de lésion(s) suspecte(s) (1)
    • Information loyale (1)
    • Signature du consentement (1) libre (1) et éclairé (1)
    • Arrêt de l’aspirine 10 jours avant la colonoscopie (2) (-5 si oublié)
    • Régime sans résidu pendant 3 à 4 jours avant la colonoscopie (1)
    • Consultation pré-anesthésie au moins 4 jours avant l’examen (1), avec bilan pré- opératoire (ECG, biologie, cliché thoracique) (1)
    • Ingestion la veille de l’examen de 3 à 4 litres de PEG (1) (attention au K+ chez un patient sous thiazidique)

    Total des points de la question : 12
Question 3
3- La coloscopie a eu lieu le lundi 19 mars 2007, en clinique, et 2 polypes suspects ont été réséqués au niveau du sigmoïde. Sa femme le ramène aux urgences le soir à 22h32. Il présente de violentes douleurs abdominales, apparues en fin de matinée, alors qu’il était en salle de réveil. L’infirmière lui aurait dit qu’il était "douillet" et que "ça aller passer, qu’il pourrait rentrer chez lui, et qu’il appelle son médecin si ça n’allait pas mieux". Il a un teint grisâtre. La TA est à 85 – 65 mm Hg, le pouls à 110/min, filant. La température st à 38,5°C. L’abdomen est globalement douloureux. Les signes sont maximaux dans le flanc gauche. Quelle est votre prise en charge aux urgences ? (posologies non demandées)
    Réponse :
    • Tableau de sepsis sévère, évocateur de péritonite par perforation colique dans le contexte
    • Transfert immédiat en réanimation (2)
    • En attendant (2) :
      - mise en place de 2 voies veineuses périphériques de gros calibre (1)
      - O2 au masque facial (1)
      - scope cardio tensionnel et surveillance des constantes vitales (1)
      - remplissage « agressif » (4) par cristalloïdes (1) (sérum salé isotonique par exemple) et/ou macromolécules (1) (dérivés de l’amidon, Gélofusine® par exemple)
      - noradrénaline (Lévophed®) (3) au pousse seringue électrique, sur une voie veineuse dédiée (1), en cas d’hypotension persistante (2)
      - antibiothérapie IV (3) active sur Entérobactéries (1) et Anaérobies (1), par exemple ceftriaxone (Rocéphine®) (1) + métronidazole (Flagyl®) (1), après hémoculture
      - antalgiques adaptés (1)
      - bilan pré opératoire (1)
      - pas de transfert en radiologie pour explorations (ASP ou TDM, thorax pré opératoire) avant stabilisation hémodynamique (4)


    Total des points de la question : 32
Question 4
Sa femme, très inquiète, après que vous l’ayez avertie de l’indication opératoire vous demande de lui expliquer ce qui va se passer. Que lui répondez-vous ?
    Réponse :
    • Information avec l’accord du patient (1)
    • Passage au bloc opératoire dès que l’état le permet (1) pour :
    • Laparotomie sous AG (1) :
    - exploration (1) : recherche de perforation (1), prélèvements du liquide péritonéal pour Bactériologie (1)
    - traitement étiologique (1), selon les conditions locales ; la colostomie d’amont est très habituelle (1)
    - toilette péritonéale et drainage (1)
    • Retour en réanimation en post opératoire (1)
    • Pronostic réservé en raison du tableau clinique (1)

    Total des points de la question : 11
Question 5
L’évolution est favorable et Monsieur B. est transféré en chirurgie le 21 mars. Vous avez la surprise de le retrouver aux urgences le 25 mars au soir. Alors que l’évolution semblait favorable avec la réapparition de quelques gaz, il a été retrouvé inconscient par l’infirmière. L’anesthésiste de garde a constaté une hémiplégie gauche, et l’adresse pour « AVC ». Son traitement actuel associe : nutrition parentérale exclusive (Oligoclinomel®), enoxaparine (Lovénox®), ceftriaxone (Rocéphine®), métronidazole (Flagyl®), oméprazole (Mopral®), phloroglucinol (Spasfon®). L’équipe d’après-midi vous le confie, alors qu’il revient de radiologie avec l’examen ci-joint. Quels signes neurologiques vous attendez-vous à observer chez Monsieur B., qui est droitier ?
    Réponse :
    • Volumineux hématome intra cérébral, sylvien droit total avec œdème cérébral, engagement sous la faux et saignement méningé associé
    • Outre les troubles de conscience mentionnés (1)
    • Hypertension intra crânienne (1)
    • Hémiplégie proportionnelle flasque gauche avec irritation pyramidale (1)
    • Hypoesthésie ou anesthésie de l’hémicorps gauche (1)
    • Hémianopsie latérale homonyme gauche (1)
    • Déviation de la tête des yeux vers la droite (1)
    • Négligence de l’hémicorps gauche (1)
    • Possibilité de dysautonomie (souffrance hypothalamique) (1)
    • L’hémiasomatognosie, l’anosognosie (syndrome d’Anton Babinski) ne sont explorables que si l’état de conscience du patient le permet, de même que dysarthrie, voire agraphie ou acalculie

    Total des points de la question : 8
Question 6
Quelle(s) étiologie(s) pouvez-vous discuter à l’origine de cette lésion ? Quel(s) examen(s) allez-vous prescrire pour étayer votre (vos) hypothèse(s) ?
    Réponse :
    • Surdosage en HBPM (2) : état de la fonction rénale au décours du sepsis et de l’intervention ? (1) : activité anti Xa (1), créatinine plasmatique (1)
    • Carence en vitamine K (2) : alimentation parentérale exclusive (1) : TP (1), facteur V (1)
    • Thrombopénie (2) : ceftriaxone (1), métronidazole (1), oméprazole (1) : numération plaquettaire (1), sur tube citraté (1). Il n’y a pas d’argument pour une thrombopénie à l’héparine induite par l’HBPM : délai, manifestation hémorragique
    • AVC hémorragique chez un hypertendu, en rupture de traitement (2)
    • Il n’y a pas d’argument dans l’observation pour une endocardite avec rupture d’anévrysme mycotique. Un saignement intra tumoral sur métastase cérébrale constitue une éventualité rare par rapport aux autres étiologies attendues

    Total des points de la question : 19
Question 7
7- Les images ont été transmises en Neurochirurgie. L’interne de garde vous répond qu’il n’y a pas d’indication opératoire, et que de toute façon, on n’opère pas ces patients. Vous êtes surpris de cette réponse et vous lui adressez par mail l’article suivant dont le résumé figure ci-dessus :
Rabinstein AA., Wijdicks EFM. Déterminants du devenir des hématomes intra-cérébraux dus aux anticoagulants nécessitant une évacuation d’urgence Arch Neurol 2007 ;64 :203-206
Objectif : Analyser le risque de récupération et les facteurs pronostiques des patients présentant une hémorragie intra cérébrale massive due aux anticoagulants, traitée par évacuation chirurgicale après neutralisation des anticoagulants.
Type : Étude rétrospective de cas.
Localisation : Unité de soins intensifs de Neurologie et Neurochirurgie, Mayo Clinic.
Patients : 17 patients consécutifs avec de volumineux hématomes intra-cérébraux dus aux anticoagulants.
Intervention : Évacuation chirurgicale d’hématomes intra-cérébraux.
Critère principal : Devenir fonctionnel mesuré par l’échelle de Rankin modifiée.
Résultats : Avant chirurgie, tous les patients avaient une déviation marquée (= 1 cm) de la faux du cerveau, et un tiers avaient des signes cliniques d‘engagement de l’uncus de l’hippocampe. Malgré tout, l’évolution a été favorable (score de Rankin modifié = 3) pour 11 patients (65 p. cent). Tous les patients avec une évolution favorable se sont réveillés dans les 36 heures de l’intervention. L’âge élevé (p = 0,05) et des complications systémiques post-opératoires (p < 0,01) étaient significativement corrélés avec une absence d’amélioration neurologique et au décès.
Conclusions : Une intervention chirurgicale d’urgence chez des patients sélectionnés présentant une volumineuse hémorragie intra-cérébrale massive due aux anticoagulants est compatible avec une évolution favorable malgré la présence de signes cliniques et radiologiques d’engagement en pré-opératoire. Pensez-vous que cet article puisse faire changer d’avis l’interne de Neurochirurgie ? Justifiez.
    Réponse :
    • Non (2)
    • Bien que réalisé dans une institution très prestigieuse (Mayo Clinic) et publié dans une revue de bon niveau (Arch Neurol), cet article souffre de multiples points faibles :
    • Étude rétrospective (1), monocentrique (1), non contrôlée (1)
    • Faible effectif (1)
    • Étude de cas (1)
    • Le niveau de preuve est faible : 5 (1) dans la classification de Sackett reprise par l’HAS, avec un niveau de recommandation de C (1).
    Ceci dit, une autre étude, de méthodologie beaucoup plus satisfaisante (Mendelow AD., Gregson BA., Fernandes HM., Murray GD. Early surgery versus conservative treatment in patients with spontaneous supratentorial intracerebral hematomas in the International Surgical Trial in Intracerebral Haemorrage : a randomised trial Lancet 2006 ;365 :387-397) montre que les patients victimes d’un hématome intra crânien sous anticoagulants peuvent tirer bénéfice d’une évacuation chirurgicale précoce…

    Total des points de la question : 9
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