Dossier clinique : 0134 - Auteur : JP. Fournier, CHU de Nice - CHU de Nice
Monsieur B. Abderrahmane, 29 ans, est déposé aux urgences par sa famille le 8 août 2005 à 02 :47 pour "tremblements". Vous êtes de garde et le prenez en charge.
Son entourage rapporte que depuis l’après-midi, il tremble, et est très agité. Ils ont vainement essayé de le calmer, et ont même dû le contenir.
Ils ne lui connaissent pas d’antécédent notable, si ce n’est une dépression depuis quelques semaines pour laquelle il a vu un médecin. Il ne prend aucun traitement. Il habite la région parisienne et passe ses vacances chez ses parents. Depuis qu’il est arrivé, ils le trouvent "bizarre". Ils rapportent qu’il passe son temps à se laver, qu’il se croit "impur".
Votre discussion avec la famille est interrompue par une infirmière qui vous signale que le patient convulse, ce que vous constatez.
Question 1
Quelles mesures thérapeutiques initiales prenez-vous ?
Réponse :
Urgence thérapeutique [1]
• position latérale de sécurité [1]. Mise place d’une canule de Guédel [1]
• O2 par masque facial [1]
• anti convulsivant IV [2] (ou à défaut par voie rectale) : diazépam (Valium®) ou clonazépam (Rivotril®) [1]
• intubation oro trachéale pour protection des voies aériennes [1] en cas de persistance ou d’aggravation des troubles de conscience [1]
• surveillance continue : pouls, TA, saturation, fréquence ventilatoire, conscience [1]
Total des points de la question : 10
Question 2
La crise cède avec votre traitement, mais récidive presque aussitôt. Il n’a pas eu de reprise de conscience. Trois crises vont avoir lieu en l’espace de quelques minutes, sans reprise de conscience. Quelle est votre attitude thérapeutique ?
Réponse :
C’est un état de mal convulsif [2]
• passage à la phospho phénitoïne (ProDilantin®) ou au phénobarbital IV (Gardénal®) [2]
• intubation oro trachéale pour protection des voies aériennes [1] en cas de persistance ou d’aggravation des troubles de conscience [1]
• surveillance continue : pouls, TA, saturation, fréquence ventilatoire, conscience [1]
Total des points de la question : 7
Question 3
Vous appelez le réanimateur de garde qui vous fait dire par une infirmière qu’il est très occupé avec un gros polytraumatisé et qu’il ne peut prendre en charge ce patient immédiatement. Les crises ont cédé sous l’effet de votre traitement. Le patient reste obnubilé, alternant des phases d’agitation et de prostration. Votre examen neurologique est sans autre particularité. Quels examens complémentaires prévoyez-vous ? Justifiez-les.
Réponse :
Glycémie capillaire [1]
• TDM encéphalique [3] : recherche d’un foyer irritatif [2] : hématome, tumeur, œdème, ,…Une fois stabilisé le patient [2]
• ionogramme sanguin [2], créatinine plasmatique [1], glycémie [1], protidémie : recherche d’une étiologie à l’état de mal convulsif [2] : hyponatrémie, hypoglycémie, vérification de la fonction rénale (possibilité d’IRA sur rhabdomyolyse) [1]
• enzymes musculaires [1] (CPK) : recherche de rhabdomyolyse [1]
• gazométrie artérielle [1] : recherche d’hypoxémie [1] (inhalation ?). Les lactates veineux ou artériels sont inutiles puisque l’on a assisté aux crises convulsives
• cliché thoracique [1] : inhalation ? [1]
• hémogramme, TP-TCA systématiquement
Total des points de la question : 20
Question 4
Vous disposez, entre autres, des résultats suivants : pH : 7,33, PaCO2 : 32,3 mm Hg, CO2T : 17,5 mmol/l, PaO2 : 66,2 m Hg, Sat : 92,9 p. cent (air ambiant), Na+ : 112 mmol/l, K+ : 3,9 mmol/l, Cl- : 78 mmol/l, CO2T : 17 mmol/l, protéines totales : 71 g/l, Ca++ : 2,01 mmol/l, glucose : 6,7 mmol/l, créatinine : 50 µmol/l, urée : 2,5 mmol/l. Interprétez l’équilibre acido basique de Monsieur B.
Réponse :
Acidose métabolique [1] pure [1] : pH < 7,38 [1] avec PaCO2 < 36 mm Hg [1] et CO2T < 22 mm Hg [1]
• à trou anionique élargi (17 mol/l) [1], en faveur de l’accumulation d’anions indosés [1]. Ici, le plus probable est l’accumulation de lactates [1] d’origine musculaire (crises convulsives) et hypoxique (apnée lors des crises)
Total des points de la question : 8
Question 5
Vous considérez à juste titre que la natrémie peut expliquer l’état neurologique de Monsieur B. Quels sont les deux éléments dont vous avez besoin pour en préciser le mécanisme ?
Réponse :
Volémie du secteur extra cellulaire [2]
• ionogramme urinaire sur échantillon [2]
Total des points de la question : 4
Question 6
L’état neurologique est inchangé. Le reste de l’examen montre des râles bronchiques diffus, sans foyer. Il est apyrétique. Vous remarquez l’emprunte des draps dans son dos. La TA est à 140-80 mm Hg, le pouls à 84/min, régulier. Les muqueuses sont normales. L’aide-soignante signale que Monsieur B. urine énormément, et que les urines sont "claires comme de l’eau". Vous avez demandé un ionogramme urinaire sur échantillon dont les résultats sont les suivants : Na+ : 46 mmol/l, K+ : 18 mmol/l, Cl- : 35 mmol/l. Le réanimateur de garde a vu Monsieur B. et a décidé de l’admettre dans son service. Il estime que les hypothèses les plus probables sont : potomanie, SIADH, insuffisance surrénalienne aiguë, effets secondaire des anti dépresseurs de la classe des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS). Qu’en pensez-vous ?
Réponse :
• Pour la potomanie :
volémie normale, voire modérément augmentée (emprunte des draps) [2]
association d’hyponatrémie, d’urines très diluées [2] (« comme de l‘eau ») et natriurèse conservée [1]
comportement inadapté d’après la famille et possibles rites de purification
c’est l’hypothèse la plus vraisemblable [4]
• SIADH :
- les urines seraient concentrées [2], et non pas diluées comme ici. Il n’y a pas de contexte étiologique [1], en particulier pas de prise d’anti dépresseur de la classe des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine [2]
• Insuffisance surrénalienne aiguë :
- il n’y a pas de signe de déshydratation [2] ou d’hypovolémie [2], ni clinique, ni biologique (protidémie normale), ni d’urines concentrées [1]
- il n’y a ni hypoglycémie [1], ni hyperkaliémie [1]
Total des points de la question : 21
Question 7
L’évolution est favorable, et le service de réanimation demande à ce que Monsieur B. soit transféré dans votre service de médecine polyvalente pour la suite des soins, après 3 jours d’hospitalisation. Il est parfaitement conscient et vous confirme que votre hypothèse diagnostique est la bonne. Par contre, il est fébrile, avec une température très irrégulière et des frissons. Le cathéter mise en place à l’entrée a été retiré et mis en culture en raison d’un orifice inflammatoire. Une antibiothérapie par vancomycine + ceftazidime a été débutée, selon les recommandations locales. Qu’en pensez-vous ?
Réponse :
• Probabilité d’infection nosocomiale [2] sur cathéter veineux central [2] : association de syndrome fébrile [1], sans autre point d’appel [1], de cathéter potentiellement infecté (orifice inflammatoire) [2]
• ablation justifiée du cathéter [2] pour mise en culture [1], d’autant qu’il est devenu inutile [1]
• antibiothérapie probabiliste [2] ciblée sur les germes potentiellement responsables d’une infection nosocomiale acquise en réanimation [2], donc concernant a priori des germes multi résistants [1], en particulier S. aureus, P. aeruginosa,…
• donc attitude logique [4]
Total des points de la question : 21
Question 8
Le lendemain, le laboratoire de Bactériologie confirme la positivité de 4 hémocultures et du cathéter à S. Aureus dont l’antibiogramme est joint (document). Quelle prise en charge proposez-vous à Monsieur B. dont l’examen est par ailleurs tout à fait normal (posologies non demandées).
Réponse :
• Arrêt de l’antibiothérapie initiale [2]. La voie IV n’est pas indispensable [2]. Relais par oxacillline (Bristopen®) ou pristinamycine (Pyostacine®) [2]. Traitement pour 7 jours. Il est possible d’associer de la gentamicine (Gentalline®) en début de traitement
• consultation psychiatrique [2] pour prise en charge de la potomanie [1].
Total des points de la question : 9