Dossier clinique : 0132 - Auteur : JP. Fournier - CHU de Nice
Monsieur G., 85 ans est adressé aux urgences par sa maison de retraite pour un syndrome douloureux abdominal. Il a vomi à plusieurs reprises. Il a comme principaux antécédents une démence de type Alzheimer, une maladie de Parkinson évoluée, une hypertension artérielle, une gastrectomie pour perforation d’ulcère gastro duodénal et un adénome prostatique. Son traitement habituel associe galantamine (Réminyl®), donépézil (Aricept®), méprobamate (Équanil®), lévodopa bensérazide (Modopar®), amlodipine (Amlor®), et tamsulsine (Josir LP®).
Il arrive le 2 mai 2006 à 17h24. Les constantes sont les suivantes : pouls : 88/min, TA : 118/69, température : 37,7°C. L’état général est médiocre. Il existe une rigidité modérée et des tremblements fins des extrémités. Le score de Glasgow est estimé à 15.
L’interrogatoire est non contributif. L’examen de l’abdomen est rendu difficile par l’agitation du malade. Les douleurs semblent prédominer dans le flanc gauche. L’abdomen est modérément météorisé. Il existe quelques bruits hydro aériques. Les orifices herniaires sont libres. Le TR montre une ampoule rectale vide.
Question 1
Le chirurgien de garde a prescrit une tomodensitométrie (TDM) injectée de l’abdomen en première intention. Que pensez-vous de cette prescription ?
Réponse :
Prescription logique (2) : la TDM permet de confirmer ou infirmer les principales pathologies responsables d’un syndrome douloureux abdominal aigu chez un patient comme Monsieur G (2) : sigmoïdite diverticulaire (1), occlusion sur bride (1), péritonite (1), anévrysme de l’aorte abdominale (1), voire ischémie entéro mésentérique (1). L’ASP est peu rentable chez le sujet âgé (1), rentable surtout pour la mise en évidence de niveaux hydro aériques et de pneumopéritoine (dans cette indication, la TDM est plus sensible). La seule restriction porte sur le risque rénal (1) compte tenu de l’état d’hydratation présumée (1) (état général médiocre + vomissements)
Total des points de la question : 12
Question 2
Monsieur G. passe la nuit aux urgences faute de lit. Il est admis en médecine polyvalente le lendemain à 18h30 après que la TDM abdominale n’ait objectivé qu’une stase stercorale du colon gauche. À l’entrée, la température est à 40°C. Il existe une rigidité diffuse majeure. Le score de Glasgow est estimé à 13. Il n’y a pas de signe de localisation, ni de signe d’irritation méningée. Vous notez des sueurs profuses. Il n’a pas uriné depuis le matin ; il n’a pas de globe vésical. Vous notez un foyer de crépitants de la base pulmonaire gauche. Au cours de son passage aux urgences, Monsieur G. a reçu 1000 cc d’Osmotan®, avec phloroglucinol (Spasfon®), et trimébutine (Débridat®), ainsi que du paracétamol. Vous refaites prélever un bilan sanguin :
Entrée - J2 :
Na+ (mmol /l) : 145 - 155
K+ (mmol /l) : 4,2 - 4,7
Cl- (mmol /l) : 104 - 112
CO2T (mmol /l) : 26 - 19
Protéines (g/l) : 73 - 81
Ca++ total (mmol /l) : 2,25 - 2,24
Glucose (mmol /l) : 5,7 - 5,9
Créatinine (µmol/l) : 85 - 250
Urée (mmol /l) : 12 - 32
CPK (UI/l) : - 5500
Précisez l’état d’hydratation de Monsieur G.
Réponse :
• Déshydratation globale (2) :
• Déshydratation intra cellulaire : hypernatrémie (1)
• Déshydratation extra cellulaire :
- élévation de la protidémie (1)
- dégradation de la fonction rénale (1)
Total des points de la question : 5
Question 3
Vous avez fait pratiquer un sondage urinaire qui ramène quelques cc d’urines très foncées. L’infirmière a pratiqué une bandelette urinaire dont les résultats sont les suivants : couleur : fonc. marron, glu : négatif, cét* : traces, den : 1025, sng : env. 200 GR/µl, pH : 5,0, pro* : 1,0 g/l, nit : négatif, leu* : env. 70 GB/µl. Que pensez-vous de ces résultats ?
Réponse :
• Urines concentrées (1) (densité 1025 (1)) avec risque de majoration des anomalies de la BU voire de faux positifs (1). À cette restriction-près :
• cétonémie : jeûne (1). Il n’y a pas d’argument pour une acido cétose diabétique
• sang : - sondage traumatique (1)
adénome prostatique (1)
myoglobinurie (CPK à 5500 UI/l) (1)
néphropathie glomérulaire peu probable (protéinurie) (1)
• protéinurie : néphropathie interstitielle chronique possible (1) compte tenu des
antécédents d’adénome prostatique
• leucocyturie : - infection urinaire possible (1) (malgré l’absence de nitrites), à
confirmer par ECBU
néphropathie interstitielle chronique possible (1) compte tenu des antécédents d’adénome prostatique
Total des points de la question : 11
Question 4
Comment expliquez-vous la dégradation de la fonction rénale ? (Énumérez sans commentaire)
Réponse :
• Intrication de plusieurs phénomènes (2) :
• injection de produit de contraste iodé (1)
• déshydratation préalable vraisemblable (1) (état général médiocre et protidémie initiale normale)
• majoration rapide de la déshydratation (1)
• rhabdomyolyse (1) (CPK > 500 UI sans IDM ou AVC récent)
• possible sepsis débutant (1)
Total des points de la question : 7
Question 5
Comment expliquez-vous l’état neurologique de Monsieur G. à l’entrée en médecine polyvalente ?
Réponse :
Syndrome malin parkinsonien (2) :
• 3 critères majeurs (1) :
- fièvre (1)
- rigidité (1)
- élévation des CPK (1)
• 2 des critères mineurs (1) :
- altération de la conscience (1)
- sueurs profuses (1)
- tachycardie
- TA anormale
- hypoventilation alvéolaire
- tachypnée
- hyperleucocytose
• contexte très évocateur : arrêt du traitement anti parkinsonien et survenue dans les 24 heures (2).
NB- Ce syndrome est très proche du syndrome malin des neuroleptiques (avec parfois même une confusion des termes) et partage une physiopathologie commune, la perte de la régulation centrale des récepteurs dopaminergiques. Les principales circonstances déclenchantes sont représentées par l’arrêt ou la baisse du traitement anti parkinsonien, une mauvaise compliance, une infection intercurrente, une température extérieure élevée, une déshydratation, des fluctuations motrices, un ileus
Total des points de la question : 11
Question 6
Vous confirmez une pneumonie alvéolaire du lobe inférieur gauche. Vous décidez de débuter une antibiothérapie par amoxiciline + acide clavulanique (Augmentin®) et ofloxacine (Oflocet®). Justifiez cette prescription
Réponse :
• Conforme aux recommandations de l’ANAES (1)
• pneumonie sévère (3) compte tenu du terrain (1) (antécédents (1) + institutionnalisation (1)) et de l’hypoxémie (1)
• bi thérapie justifiée (3), associant une ß lactamine, (2) pénicilline (1) (amoxicilline ou amoxiciline + acide clavulanique) ou une céphalosporine (1) (ceftriaxone ou céfotaxime) et une molécule active sur les germes intra cellulaires (2) (Macrolide (1) ou Fluoroquinolone (1))
• l’amoxiciline + acide clavulanique a été choisi ici en raison du risque d’anaérobies (1) (démence (1), maladie de Parkinson (1), sédatif (1), institutionnalisation (1))
Total des points de la question : 24
Question 7
Quel(s) traitement(s) associez-vous dans les prochaines heures ? (posologies non demandées)
Réponse :
• Traitement de la pneumonie :
- outre l’antibiothérapie
- O2 au masque facial (2), pour assurer une SpO2 = 92 p. cent (1)
• traitement du syndrome parkinsonien malin :
- reprise du traitement anti parkinsonien (4) par sonde naso gastrique (1)
ou voie IV (1). Indication élective de la bromocriptine (Parlodel®) (1)
- réhydratation (2) par sérum salé hypotonique (1) ou sérum glucosé ou hypotonique enrichi en NaCl (1)
- contrôle de l’hyperthermie (2) : glaçage (1), paracétamol (1), voire dantrolène (Dantrium®) (1)
• prévention des complications de decubitus (2) : pas d’HBPM compte tenu de la fonction rénale (2). Indication d’héparine non fractionnée (1)
• arrêt du traitement personnel (1) : galantamine, donézépil, méprobamate, amlodipine, tamsulsine
• surveillance (2) :
- constantes vitales (1)
- examen neurologique (1)
- fonction rénale (1), CPK (1)
- coagulation (CIVD ?) (1)
Total des points de la question : 30