Dossier clinique : 0102 - Auteur : C Pulcini - Faculté de médecine Nice
Une patiente de 68 ans est amenée aux Urgences par le SAMU pour troubles de conscience et détresse respiratoire.
L’histoire de la maladie a débuté le 23 mai par un tableau pseudo-grippal associant asthénie et myalgies. La patiente n’a pas mesuré sa température. Elle a pris du paracétamol pour les douleurs.
Dans la nuit du 25 mai, à 5h du matin, le mari de la patiente appelle le SAMU du fait de l’apparition brutale d’un essoufflement. Lorsque l’équipe médicale arrive au domicile, la patiente est en pleine crise convulsive généralisée. Le score de Glasgow est à 10, la tension artérielle à 215/120 mm Hg, le pouls à 120/mn régulier, la fréquence respiratoire à 22/mn et la saturation en air ambiant à 79%, la glycémie capillaire à 8,8 mmol/l, la température à 37,8°C.
L’examen clinique note des crépitants à la base droite.
L’interrogatoire du mari ne révèle aucun antécédent particulier ni allergie concernant la patiente. Elle ne prend pas de traitement, hormis le paracétamol actuellement. Elle n’a pas voyagé récemment. Personne de son entourage n’a été malade.
Question 1
Quelle prise en charge thérapeutique proposez-vous jusqu’au transfert aux Urgences ?
Réponse :
Urgence (2) thérapeutique.
Position latérale de sécurité (2) en assurant la liberté des voies aériennes (2) supérieures (mise en place d’une canule de Guedel).
Oxygénothérapie (2) par masque facial.
Voie veineuse (2) périphérique.
Anticonvulsivant (2) IV (1) : benzodiazépine d’action rapide (Rivotril® = clonazépam ou Valium® = diazépam (2 au choix))
Relais par autre anticonvulsivant en cas de persistance ou de répétition des crises sans retour à la conscience (traitement d’un état de mal convulsif) : phospho phénitoïne (ProDilantin®) ou phénobarbital (Gardénal®) IV.
Intubation oro-trachéale pour protection des voies aériennes si aggravation des troubles de conscience.
Surveillance (2) continue : pouls, tension artérielle, SaO2, fréquence respiratoire, conscience et examen neurologique.
Isolement respiratoire.
Total des points de la question : 17
Question 2
Quelles sont vos 3 hypothèses diagnostiques ? (sans justifier)
Réponse :
Pneumonie à pneumocoque (3) avec méningite purulente associée (3)
Légionellose (4)
Pneumonie (3) compliquée d’une crise convulsive par encéphalopathie anoxique (3)
NB : il faut donc réaliser en urgence : ponction lombaire (ce qui a été fait trop tardivement dans le dossier) et antigénurie légionelle.
Total des points de la question : 16
Question 3
Quel est l’examen paraclinique à réaliser en urgence ? dans quel(s) but(s) ?
Réponse :
Scanner cérébral (4) sans et avec injection (2).
Objectifs :
- rechercher une contre-indication à la réalisation de la ponction lombaire (1) (signes d’hypertension intracrânienne (1))
- recherche d’une lésion focale (2) , susceptible d’expliquer les crises convulsives et le déficit moteur : abcès cérébral, empyème sous dural,…
Total des points de la question : 10
Question 4
Quel est finalement votre diagnostic ?
Réponse :
Pneumonie (2) à pneumocoque (2) compliquée d’une méningite (2) purulente à pneumocoque (2) avec signe de gravité (2) (coma avec score de Glasgow probablement < 8 car patiente intubée).
Total des points de la question : 10
Question 5
Expliquez brièvement la physiopathologie de l’atteinte neurologique
Réponse :
Diffusion par voie hématogène (4) du pneumocoque du poumon vers les méninges (2) .
Total des points de la question : 6
Question 6
Quelle antibiothérapie doit être débutée ? Détaillez.
Réponse :
Il s’agit d’une méningite à pneumocoque avec signe de gravité (associée à une pneumonie), a priori sans facteur de risque de pneumocoque de sensibilité diminuée à la pénicilline.
L’antibiothérapie est :
- Urgente (2) , débutée immédiatement après l’administration de dexaméthasone
- Bactéricide (2)
- parentérale IV (2)
- administrée à des posologies élevées (2)
- active sur le pneumocoque
- on propose une association (1) bêtalactamine (céphalosporine de 3ème génération (1) injectable : ceftriaxone ou céfotaxime (3 au choix)) + glycopeptide (vancomycine (3) )
- en l’absence de contre-indication, notamment allergie
NB : le cas clinique présenté s’inspire d’un cas réel. La prise en charge de cette patiente aurait pu être améliorée. Il fallait notamment débuter réaliser la PL plus tôt, et surtout débuter l’antibiothérapie dès la suspicion de méningite, donc au minimum immédiatement après la 2ème crise convulsive. On aurait réalisé la séquence suivante : hémocultures, dexaméthasone, antibiothérapie, scanner, puis PL si le scanner était normal.
Total des points de la question : 16
Question 7
Pensez vous qu’une corticothérapie puisse avoir un intérêt ?
Réponse :
Oui (2) , la corticothérapie est indiquée dans cette situation de méningite de l’adulte (1) avec un examen direct du LCR évoquant un pneumocoque (3) . Son bénéfice a été prouvée dans cette situation par des études cliniques randomisées : amélioration du pronostic (3) avec diminution du taux de décès et de séquelles (3) de 52 à 26%.
NB : Intérêt :
La réaction inflammatoire au niveau de l’espace sous-arachnoïdien au cours des méningites est responsable d’une partie des lésions. Mais les corticoïdes diminuent la pénétration méningée de certains antibiotiques (qui ont besoin de l’inflammation pour traverser la barrière hémato-méningée).
Modalités pratiques d’administration
- on utilise de la dexaméthasone IV.
- La première injection soit être réalisée 15 minutes avant la première injection d’antibiotique, ou au plus tard pendant. La dexaméthasone est inutile en cas d’antibiothérapie préalable.
- La durée totale de traitement est de 4 jours.
Total des points de la question : 12
Question 8
Quels sont les effets secondaires potentiels de votre antibiothérapie ?
Réponse :
Céphalosporine : allergie (2) essentiellement.
Vancomycine :
- Allergie (1)
- Veinite (1)
- insuffisance rénale (1)
Total des points de la question : 5
Question 9
L’entourage de la patiente s’inquiète d’une éventuelle contagiosité. Que leur répondez-vous ?
Réponse :
Pas de transmission interhumaine, donc pas de contagiosité (3) .
Total des points de la question : 3
Question 10
Le mari de la patiente se demande si sa femme n’aurait pas pu être vaccinée contre cette maladie. Que lui répondez-vous ?
Réponse :
Oui (2) , elle aurait pu être vaccinée contre le pneumocoque. Il existe un vaccin polysaccharidique 23 valences qui est recommandé chez les sujets de plus de 65 ans (3) , surtout s’ils sont porteurs de comorbidités ou s’ils vivent en institution, ce qui n’était pas le cas de cette patiente.
NB : le vaccin pneumocoque 23 valences ne protège d’une éventuelle méningite que si le mécanisme physiopathologique est une diffusion hématogène à partir d’un foyer de pneumonie. Mais la majorité des méningites à pneumocoque fait suite à un foyer infectieux ORL ; le vaccin polysaccharidique n’a pas d’intérêt dans ce cas là, car il ne diminue pas le portage naso-pharyngé, et ne prévient pas les infections ORL.
Total des points de la question : 5