Dossier clinique : 0023 - Auteur : - CHU de Lille

Un homme de 51 ans, représentant de commerce divorcé, est ramené par les pompiers aux urgences en raison de troubles du comportement. Il présente comme antécédent une hypertension artérielle non traitée. La semaine précédente, il s’était normalement rendu à ses rendez-vous. Il a été retrouvé seul, désorienté à son domicile dans un état d’incurie. Il se plaint d’être agressé par des serpents venimeux qui grimpent aux murs. L’examen clinique révèle une perplexité, une désorientation temporo-spatiale, un nystagmus. Il présente également un tremblement d’attitude, une érythrose faciale des angiomes stellaires et une parotidomégalie. Le poids est de 52 kg pour une taille de 1m75. La température centrale est à 38°5C, avec un pouls à 105, une tension artérielle à 169/90 et des sueurs profuses. On constate un foyer basithoracique droit de râles crépitants. Il n’y a pas d’hypoxie. Il existe une hépatomégalie à bord inférieur tranchant, sans lésion nodulaire palpable. On ne perçoit pas de splénomégalie. Il existe une circulation collatérale abdominale, sans matité des flancs.
 
Sommaire du dossier 0023

Question 1
Dans quel syndrome s’intègre la désorientation et quels sont les signes en faveur de votre hypothèse?
    Réponse :

    La désorientation s’intègre dans le cadre d’un syndrome confusionnel avec onirisme définie par l’apparition récente (début aigu, moins d’une semaine) d’une désorganisation psychique en rapport avec une altération fluctuante de la vigilance et une obnubilation de la conscience associant des troubles psychiques (désorientation temporo-spatiale, perplexité et hallucinations zoopsiques).

    Total des points de la question :
Question 2
Quelle est votre principale hypothèse étiologique pour ce syndrome et sur quels arguments repose t-elle?
    Réponse :

    L’encéphalopathie alcoloo-carentielle type Gayet Wernicke
    Les arguments :
    •Signe de sevrage éthylique : tremblement postural avec signes généraux dysautonomiques (sueur, tachycardie) qui associés aux hallucinations à type de zoopsies sont très évocatrices de DT,
    •Des troubles oculomoteurs : nystagmus,
    •Une cause de sevrage éthylique : possible pneumopathie (fébricule et râles crépitants),
    •Notion de terrain dénutri évoquée.

    Total des points de la question :
Question 3
Devant ce tableau neurologique, quelles sont les autres hypothèses diagnostiques à évoquer?
    Réponse :

    •Une hypoglycémie, à évoquer systématiquement devant tout syndrome confusionnel et compte tenu du terrain (ainsi qu’autres étiologies métaboliques avec troubles hydro-électriques (hyponatrémie…),
    •Une méningo-encéphalite infectieuse,
    •Un hématome extra dural ou sous dural aigu à rechercher systématiquement compte tenu du terrain mais pas de notion de chute ni d’aggravation rapide de la vigilance,
    •Une accident vasculaire cérébral (hématome intracérébral ou infarctus cérébral). A rechercher car HTA non traitée mais clinique non évocatrice,
    •Une prise de médicaments (anticholinergique, neuroleptique…), de drogue, intoxication au CO à évoquer mais contexte non évocateur. Si ces causes sont évoquées,
    •Encéphalopathie hépatique compte tenu du terrain éthylique mais ne pas confondre tremblement rythmique et «asterixis ou flapping tremor» qui correspond à des myoclonies négatives arythmiques,
    •Encéphalopathie de Marchiafava-Bignami : à la recherche systématiquement mais clinique différente : syndrome de dysconnexion calleuse.

    Total des points de la question :
Question 4
Quels sont les signes à rechercher pour confirmer votre hypothèse prioritaire?
    Réponse :

    On recherche:
    •Un syndrome cérébelleux: augmentation du polygone de sustentation et dysmétrie; dysarthrie cérébelleuse
    •Une hypertonie oppositionnelle
    •Il s’associe classiquement polyneuropathie alcoolo-carentielle aux membres inférieurs (areflexie ostéotendineuse, déficit sensitivo-moteur distal bilatéral et symétrique)
    •Autres troubles occulo-moteurs (paralysie oculo-motrice…)
    •Dosage de la vitaminémie B1avant mise en route du traitement
    •Cardiopathie à haut débit

    Total des points de la question :
Question 5
Précisez les éléments du traitement en urgence.
    Réponse :

    •Vitaminothérapie parentérale B11g/jour (associée 500mg/j de B6 et 1000 gamma /J de B 12 et 5 à 50 mg/J de folates)
    •Réhydratation et rééquilibre hydroélectrolytique
    •Sédation ou anxiolyse
    •Traitement du facteur déclenchant : pneumopathie par antibiothérapie
    •Nursing
    •Nutrition enterrale : évoquer les risques liés à la présence éventuelle de varices oesophagiennes
    •Surveillance TA, température, diurèse …

    Total des points de la question :
Question 6
Le bilan biologique montre: •-TP à 56 %, •un facteur V à 65 %, •ASAT à 2 fois la normale et ALAT à 1,5 fois la normale, •Gamma GT à 700 (normale < 35 UI/l), bilirubine totale à 15 mg/l •Albuminémie à 36 g/l •Présence d’un bloc béta-gamma à l’électrophorèse des protides. •L’entourage du patient contacté secondairement confirme une intoxication chronique alcoolique depuis environ 10 ans évaluée à 80 g d’alcool pur par jour et s’étant aggravé depuis le divorce du patient. Vous évoquez une cirrhose probablement d’origine éthylique, vous demandez néanmoins un certain nombre d’examens complémentaires à visée étiologiques : lesquels ?
    Réponse :

    •Bilan étiologique à la recherche d’autres causes d’hépatopathies
    -Hépatites virales chroniques B et C par sérologies
    -Hémochromatose : coefficient de saturation de la transferrine, ferritinémie, siderémie génotypage à la recherche de la mutation C282 Y du gène HFE . Savoir interpréter le bilan ferrique chez un cirrhotique
    -Céruléoplasmine et cuivre urinaire à la recherche de maladie de Wilson, voire recherche d’anneau cornéen de Kayser-Fleisher à la lampe à fente
    -Hépatite auto-immune (Anticorps anti muscle lisse, anti LKM, antinucléaires, dosage pondéral des Ig)
    -CBP (Anticorps anti mitochondries)
    -Recherche de déficit en alpha 1 antitrypsine
    •Ce patient est probablement porteur d’une cirrhose alcoolique
    -Origine alcoolique: consommation à risque alcoolique supérieure à 40 g d’alcool pur par jour, bloc béta-gamma à l’électrophorèse des protéines
    -Tableau de cirrhose: hépatomégalie à bord inférieur tranchant, circulation veineuse collatérale abdominale

    Total des points de la question :
Question 7
Calculez le score de Child
    Réponse :

    •Le score de Child est un score pronostic de la cirrhose qui prend en compte 5 items
    •Bilirubine totale, albuminémie, ascite, taux de prothrombine et encéphalopathie hépatique.
    •Pour ce patient le score est de A 5.
    •Bilirubine < 20mg/l(1) ; albuminémie > 35g/l (1) -ascite absente (1) ; TP > 50 % (1) et absence d’encéphalopathie hépathique (1).

    Total des points de la question :
Question 8
Décrivez succinctement les grandes lignes de la prise en charge du patient
    Réponse :

    •Abstinence en boissons alcoolisées car c’est le facteur pronostic majeur de la cirrhose alcoolique. Proposer un suivi d’aide au sevrage en ambulatoire ou en hospitalisation en unité d’Addictologie
    •Recherche de signe endoscopiques de varices. Si présence : prescription de béta-bloquant non cardio-sélectif type propanol
    •En présence de contre-indication aux béta-bloquant. Proposer ligature des varices oesophagiennes par voie endoscopique
    •Prise en charge nutritionnelle(apport alimentaire, vitamines…).

    Total des points de la question :
Question 9
Quels seront les principaux éléments cliniques et biologiques de surveillance d’une cirrhose?
    Réponse :

    •Recherche d’hépato carcinome par échographie hépatique de qualité ou scanner voir IRM hépatique et dosage de l’alpha foeto-protéine (AFP). Ces 2 examens (imagerie et AFP) seront répétés chez un patient sevré
    •Recherche d’ascite et prévention d’infections spontanées
    •Contrôle endoscopiques
    •Enfin recherche de lésions d’autres organes liées à la consommation chronique d’alcool (ORL urinaire neurologique cardiaque…)

    Total des points de la question :
↑ Remonter