Dossier clinique : 0014 - Auteur : JP. FOURNIER - Faculté de médecine Nice
Monsieur M., 66 ans, consulte aux urgences pour douleurs abdominales. C’est un patient bien connu du service où il est régulièrement admis pour ivresse aiguë, et/ou traumatismes multiples à l’occasion de chutes ou de rixes.
On a déjà parlé de cirrhose hépatique chez lui. Son traitement habituel associe méprobamate (Equanil®) et vitamines. Il n’est absolument pas compliant. L’intoxication alcoolo tabagique est active.
L’infirmière d’accueil a noté une TA à 105 – 65 mm Hg, un pouls régulier à 96 bpm, et une température à 36,4°C. Il est conscient et orienté, et manifestement alcoolisé.
Question 1
Vous discutez a priori cinq diagnostics. Quels sont-ils ? (énumérez sans commentaire).
Réponse :
• Infection de liquide d’ascite [2] :
• pancréatite aiguë / poussée de pancréatite chronique [2]
• ulcère gastro duodénal [2]
• hépato carcinome sur cirrhose [2]
2 pour chaque item
• hépatite alcoolique aiguë [1]
• hépatite virale [1]
• thrombose portale [1]
• nécrose de nodule de régénération [1]
1 pour 1 item au choix
Total des points de la question : 9
Question 2
Quels éléments supplémentaires allez-vous rechercher lors de votre examen clinique ?
Réponse :
• En faveur de l’infection de liquide d’ascite :
- présence d’une ascite douloureuse [1]
- hypothermie [1]
- recherche de diarrhée récente [1]
- rechercher une circonstance déclenchante : hémorragie digestive [1] (hématémèse, TR, anémie, voire mise en place d’une sonde naso-gastrique) ou encéphalopathie hépatique (peu probable ici)
• en faveur d’une pancréatite :
- douleurs péri ombilicales [1], soulagées par l’ante flexion [1]
- pancréatite chronique connue [1]
• en faveur d’un ulcère gastro duodénal :
- douleur épigastrique rythmée par les repas [1]
- prise de médicament gastro agressif [1] : AINS,…
- douleur, voire défense épigastrique [1]. Chercher une hémorragie digestive [1]
• en faveur d’un hépato carcinome :
- altération de l’état général [1]
- ascite douloureuse [1]
- hépatomégalie douloureuse [1]
- ictère [1], insuffisance hépato cellulaire éventuellement
• en faveur d’une hépatite alcoolique aiguë :
- intoxication alcoolique massive récente [1]
- hépatalgie [1]
- ictère, insuffisance hépato cellulaire éventuellement
• en faveur d’une hépatite virale
- contage possible [1]
- manifestations extra hépatiques [1] : arthralgies, urticaire,…
- ictère, insuffisance hépato cellulaire éventuellement
• en faveur d’une thrombose portale :
- ascite [1]
- hépatalgie [1]
• en faveur d’une nécrose de nodule de régénération :
hépatalgie [2]
Pour ces 4 items, ne compter que celui qui a été retenu à la question précédente.
Total des points de la question : 17
Question 3
Vous avez constaté une ascite manifeste , non connue jusque là. L’abdomen est tendu et douloureux. Le TR ramène des selles liquides. L’état général est médiocre. Vous décidez de réaliser une ponction d’ascite immédiatement. Argumentez cette décision.
Réponse :
L’infection de liquide d’ascite est l’hypothèse la plus vraisemblable [1]. Des étiologies listées plus haut, c’est la seule qui constitue une véritable urgence [2].
Le diagnostic d’infection du liquide d’ascite repose sur la mise en évidence d’au moins 250 leucocytes / ml [3] (la présence de bactéries isolées ne suffit pas à retenir le diagnostic).
La ponction d’ascite [1], avec examen cytologique [1], bactériologique [1] incluant l’examen direct [1], est donc l’examen clé.
L’utilisation de bandelettes réactives urinaires s’avère très prometteuse dans cette indication (sensibilité : 83 p. cent, spécificité : 89 p ; cent, valeur prédictive positive : 91 p. cent, valeur prédictive négative : 98 p. cent).
Total des points de la question : 10
Question 4
L’examen direct du liquide d’ascite montre 300 polynucléaires par mm3. Quelle est votre prise en charge ?
Réponse :
• Hospitalisation en Gastro Entérologie [1]
• antibiothérapie [2] : multiples schémas : céfotaxime (Claforan®) IV, amoxicilline – acide clavulanique (Augmentin®), ofloxacine (Oflocet®), pour 5 à 7 jours [1]. Ponction de contrôle après 48 heures [1] : la cytologie doit montrer une diminution des polynucléaires d’au moins 50 p. cent [1]. En l’absence d’amélioration : élargissement du spectre de l’antibiothérapie [1]
• perfusion d’albumine 20 p. cent [2] : 1,5 g/kg à J1, 1 g/kg à J3.
Total des points de la question : 8
Question 5
L’hospitalisation de Monsieur M. est écourtée après qu’il ait agressé la surveillante du service. Il est ramené aux urgences où vous le retrouvez 48 heures après sa sortie, pour hémorragie digestive. La TA est à 90 – 55 mm Hg, le pouls à 116 bpm, régulier, le micro hématocrite à 0,27 l/l, la température à 37,2°C. Il est pâle. La conscience est conservée. Quelle est votre prise en charge initiale ?
Réponse :
• Mise en place de voie(s) veineuse(s) périphérique(s) [1] de calibre au moins 14G
• bilan pré transfusionnel [2]
• remplissage [1] par sérum salé isotonique [1] pour maintenir une TA moyenne à 80 mm Hg [1], éventuellement par colloïdes (hydroy éthyl amidon – Voluven® par exemple). Pas d’indication de transfusion ici [1] : justifiée si hématocrite < 0,25 l/l, pour obtenir un hématocrite entre 0,25 et 0,30 l/l [1]
• somatostatine ou octréotide (Sandostatine®)[2] au pousse seringue électrique
• préparation à l’endoscopie [1] par 250 mg d’érythromycine (Erythrocine®) [1]
• antibioprophylaxie [1] par norfloxacine (Noroxine®)
• réalisation d’une endoscopie œso-gastro-duodénale [3] dès que l’état du patient le permet [1] pour bilan lésionnel [1] et traitement [1] (sclérothérapie ou ligature élastique)
• ponction en cas d’ascite [1] pour recherche d’infection [1]
• surveillance des constantes vitales [1].
Total des points de la question : 22
Question 6
L’externe de garde vous demande s’il ne faudrait pas mettre en place une sonde naso gastrique à Monsieur M. Discutez-en les avantages et les inconvénients.
Réponse :
Rôle controversé [1]. Intérêt pour confirmer l’hémorragie digestive [1] si nécessaire et faciliter [1] l’endoscopie diagnostique et thérapeutique. Il existe une corrélation entre la mortalité et la réalisation d’endoscopie dans de mauvaises conditions de visualisation. Ceci dit, l’érythromycine est préférée dans cette indication. Il n’y a pas d’argument scientifique pour documenter le risque de rupture de varices œsophagiennes lors de la mise en place d’une sonde naso gastrique [1].
Total des points de la question : 4
Question 7
Monsieur M. est transféré en Gastro Entérologie pour endoscopie. L’interne de garde de Gastro Entérologie vous rappelle pour vous signaler qu’il vous renvoie Monsieur M. faute de lit disponible. Monsieur M. a bénéficié d’une sclérothérapie. Vous devez donc organiser la prise en charge de Monsieur M. dans l’unité de médecine polyvalente dans laquelle vous êtres habituellement affecté. Quelle prise en charge prévoyez-vous pour les prochains jours ?
Réponse :
• Poursuite de la somatosatine ou de l’octréotide 2 à 5 jours [1]
• poursuite de l’antibioprophylaxie pour 7 jours [1]
• arrêt définitif de l’alcool [2]. Prévention du sevrage [1] (vitaminothérapie [1], anxiolytiques [1], maintien d’une hydratation correcte [1])
• pas d ‘intérêt documenté de la prévention de l’encéphalopathie hépatique [1]
• prévention des récidives hémorragiques [2] : ligature élastique [1] ou ß bloquant non cardio sélectif [1] (propranolol - Avlocardyl® ou nadolol - Corgard®) en l’absence de contre indication [1] et en cas de compliance du patient [1].
Compte tenu de la non compliance de Monsieur M., la ligature sera préférée [1]
• suivi gastro-entérologique régulier (endoscopies de contrôle,…) [1].
Total des points de la question : 17
Question 8
Après quelques jours d’hospitalisation, Monsieur M. demande à aller en cure de désintoxication éthylique. Quelles en sont les modalités ?
Réponse :
Cure de sevrage hospitalière [1] :
- arrêt total et immédiat de l’alcool [2]
- rupture avec le milieu familial ou l’entourage [1]
- psychothérapie de soutien [1]
- méthodes cognitives comportementales [1]
- associations d’anciens buveurs [1]
- aide médicamenteuse [1] : anti dépresseurs (dépression fréquente) [1], anxyolytiques [1], aide au maintien de l’abstinence [1] : disulfirame (Esperal®), acamprosate (Aotal®), naltrexone (Révia®)
- puis post cure [1].
Total des points de la question : 13