Dossier clinique : 0013 - Auteur : JP. FOURNIER - Faculté de médecine Nice

Vous prenez votre première garde d’interne DES en anesthésie réanimation et vous êtes appelé par le médecin de garde des urgences le 2 novembre 2005 à 18h45 pour un patient qui l’inquiète. Il s’agit de Monsieur G., 65 ans, que les pompiers ont déposé, il y a une heure environ pour « altération de l’état général ». Sa logeuse les a appelés, très inquiète de l’état de Monsieur G., qu’elle a retrouvé à peine conscient. C’est un patient éthylo tabagique, diabétique non insulinodépendant et hypertendu. Son traitement associe metformine, acarbose (Glucor®), et énalapril – hydrochlorothiazide (Co Rénitec®). Vous l’avez souvent vu aux urgences, notamment lors de votre dernière garde d’externe, le 25 octobre. Il avait été admis pour une plaie de la jambe droite, secondaire à une chute dans un contexte d’ivresse aiguë. Il avait été suturé, et son traitement de sortie associait paracétamol et acide niflumique (Nifluril®). La température est à 40°C. Monsieur G. est désorienté, sans signe de localisation ou méningé. La TA est à 90 – 65 mm Hg aux deux bras, le pouls à 130 bpm, régulier. Les extrémités sont froides, avec horripilation cutanée. Les veines périphériques sont plates. Vous notez des « marbrures » au niveau des deux genoux. La plaie laisse sourdre un liquide nauséabond. Il existe un placard inflammatoire très douloureux d’environ 15 x 10 cm, sans crépitation perceptible. Il reste dyspnéique malgré l’administration d’oxygène par masque facial. Il n’a pas uriné depuis le matin. L’état général est médiocre. Le médecin de garde des urgences redoute un choc septique et vous demande de prendre en charge Monsieur G.
 
Sommaire du dossier 0013

Question 1
Quelles mesures symptomatiques débutez-vous ? (posologies non demandées) (sept en tout).
    Réponse :

    Sepsis sévère ou choc septique [2] (stricto sensu en cas de persistance des troubles après remplissage et/ou utilisation d’amines pressives) :
    • mise en place de voie(s) veineuse(s) périphériques [1]
    • expansion volumique [2] : sérum salé isotonique [1] et/ou colloïdes (hydroxy éthyl amidon - Voluven® par exemple) [1]
    • O2 par masque facial [2], pour obtenir une saturation trans-cutanée à au moins 92 p. cent [1]
    • en cas d’insuffisance du remplissage, noradrénaline (Lévophed®) au pousse seringue électrique [2]
    • sonde vésicale [1]
    • surveillance des constantes vitales [1]
    • traitement débuté sur place et poursuivi en réanimation dès que possible [2].

    Total des points de la question : 16
Question 2
De quels examens complémentaires aurez-vous besoin ? Justifiez leur prescription et le délai dans lequel vous estimez leur réalisation indispensable (neuf en tout).
    Réponse :

    • Hémocultures [1] et prélèvements locaux [1] (en sous cutané au niveau du placard inflammatoire en piquant en zone saine) : recherche de bactéries responsables [1]
    • profil biochimique [1], hémogramme [1] : pour guider la thérapeutique [1] : recherche d’une insuffisance rénale aiguë [1] et de troubles hydro électrolytiques (Na+, K+) [1] et glycémiques [1]
    • lactates artériels ou veineux [1] : facteur indépendant de gravité des états septiques sévères [1]. Possibilité d’acidose lactique diabétique ici [1]
    • troponine I [1] et Brain Natriuretic Peptide (BNP) [1] : recherche de souffrance myocardique induite par le sepsis [1]. Éléments de mauvais pronostic [1]
    • ionogramme et urée urinaire sur échantillon [1] : caractère organique ou fonctionnel de l’insuffisance rénale probable ici (oligurie) [1]
    • gazométrie artérielle [1] : recherche d’une hypoxie : œdème lésionnel débutant ? [1]
    • TP-TCA-fibrine, groupe RAI : bilan pré opératoire [1]
    • cliché thoracique [1] : œdème lésionnel débutant ? [1], ECG pré opératoire [1]
    • clichés des parties molles à la recherche de gaz [1], à défaut de disposer d’une IRM.
    Tous ces examens sont urgents, mais ne doivent en aucun cas retarder le traitement [2].


    Total des points de la question : 27
Question 3
L’assistant qui vous encadre vous demande de réfléchir au traitement anti-infectieux à mettre en place chez Monsieur G. Quelles sont vos propositions argumentées ? (posologies non demandées).
    Réponse :

    Indication urgente [1] formelle [1] d’antibiothérapie empirique [1] compte tenu de la gravité du tableau présenté [1], encadrant le geste chirurgical, urgent [2] :
    • après prélèvements [1]
    • active sur les germes présumés responsables [2] (cocci Gram + [1], Anaérobies [1] ; bacilles à Gram négatif [1]) compte tenu de l’aspect de la plaie et du terrain sous jacent (diabète, HTA, ± artérite)
    • bonne diffusion tissulaire [1]
    • posologie adaptée à la fonction rénale (IRA ?) [1]
    • réévaluation après obtention des résultats [1]
    • sont utilisables : amoxicilline + acide clavulanique (Augmentin®) et gentamicine [1] (Gentalline®) ou pénicilline G + clindamycine (Dalacine®) [1] ou gentamicine (Gentalline®) + clindamycine (Dalacine®) [1] (1 des 3)
    Vérification de l’immunité anti tétanique [1] et mise à jour si besoin [1].

    Total des points de la question : 17
Question 4
Vous avez prescrit la réalisation d’une bandelette réactive urinaire sur les quelques cc que l’infirmière a obtenu par sondage, dont les résultats sont les suivants : glucose +++, protéines +++, corps cétoniques +++, nitrites ++, leucocytes +++, densité : 1025. Comment interprétez-vous ces résultats ?
    Réponse :

    Ces résultats peuvent être dus uniquement au caractère concentré des urines (densité 1025) [1].
    Pour le reste :
    • glycosurie : diabète décompensé [1]
    • protéinurie : néphropathie diabétique [1], néphrite interstitielle chronique (obstacle cervico prostatique, infections urinaires à répétition) [1]
    • leucocyturie : infection urinaire actuelle [1], néphrite interstitielle chronique [1]
    • nitrites : infection urinaire actuelle [1], IEC (Co Rénitec®) [1]
    • corps cétoniques : à jeun [1], acido cétose diabétique [1].

    Total des points de la question : 11
Question 5
Vous négociez le passage de Monsieur G. au bloc opératoire. Votre collègue, également en train d’effectuer sa première garde de DES de chirurgie, vous répond qu’il le « fera » en fin de programme après une séance d’oxygénothérapie hyperbare. Que pensez-vous de cette attitude ?
    Réponse :

    L’indication opératoire est formelle [3] et urgente [3]. Elle conditionne le pronostic vital [1] et fonctionnel [1]. Il n’y a pas de preuve documentée de l’intérêt de l’oxygénothérapie hyperbare pré opératoire [2], qui risque de retarder le traitement chirurgical [1].

    Total des points de la question : 11
Question 6
L’assistant revoit vos prescriptions et s’étonne que vous n’ayez pas prescrit de thiamine (vitamine B1). Qu’en pensez-vous ?
    Réponse :

    Indispensable chez l’alcoolique dénutri [2] perfusé avec du sérum glucosé [1], pour prévenir la survenue de complications neurologiques (encéphalopathie de Gayet Wernické) [2], voire cardiaques (béri béri cardiaque) [1].

    Total des points de la question : 6
Question 7
L’évolution est malgré tout favorable, et Monsieur G. quitte le service de réanimation pour celui de chirurgie réparatrice après quatre jours d’hospitalisation. Vous discutez à l’internat avec l’interne de psychiatrie qui vient de voir Monsieur G. qui demande une cure de désintoxication éthylique. Quelles en sont les modalités ?
    Réponse :

    • Cure de sevrage hospitalière [1] :
    - arrêt total et immédiat de l’alcool [2]
    - rupture avec le milieu familial ou l’entourage [1]
    - psychothérapie de soutien [1]
    - méthodes cognitives comportementales [1]
    - associations d’anciens buveurs [1]
    - aide médicamenteuse [1] : anti dépresseurs (dépression fréquente) [1], anxyolytiques [1], aide au maintien de l’abstinence [1] : disulfirame (Esperal®), acamprosate (Aotal®), naltrexone (Révia®)
    - puis post cure [1].

    Total des points de la question : 12
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