Dossier clinique : 0011 - Auteur : JP. FOURNIER - Faculté de médecine Nice

Monsieur G., 65 ans, se présente aux urgences pour une douleur thoracique. Elle évolue depuis 45 minutes environ. Elle est médiane, constrictive, angoissante, irradiant à la mâchoire. Il est en sueurs et a vomi pendant l’enregistrement de son dossier. Ses antécédents comportent : diabète de type II, HTA, arthrose diffuse, éthylo tabagisme et surcharge pondérale. Le traitement habituel associe : Metformine, périndopril (Coversyl), et depuis une quinzaine de jours du célécoxib (Célébrex) que son rhumatologue a prescrit pour une recrudescence de ses arthralgies. Les premières constatations cliniques montrent une TA à 170 – 100 mm Hg, symétrique, une fréquence cardiaque à 108 bpm. L’auscultation cardiaque et pulmonaire est normale.
 
Sommaire du dossier 0011

Question 1
Quel examen faut-il réaliser et dans quel délai ? Quel(s) renseignement(s) en attendez-vous ?
    Réponse :

    ECG 12 dérivations [1] dans les 5 minutes de l’admission [1]. Les dérivations complémentaires sont réalisées si besoin.
    Renseignements attendus :
    - diagnostic positif [3] : présentation clinique et modification ECG [1] : troubles de repolarisation dans un territoire coronaire
    - territoire atteint [3], de valeur pronostique [1]
    - critères de désobstruction [3] : persistance de la surrélévation de ST [2] ou bloc de branche gauche récent [2]
    - éventuel trouble du rythme ou de la conduction [1]
    - chez ce patient, éventuelle HVG systolique [1] (HTA) ou séquelles de nécrose passée inaperçue (diabète) [1] 0 à la question si troponine I

    Total des points de la question : 8
Question 2
Vous disposez du tracé ci-joint (tracé 1). Vous confiez au stagiaire de la CAMU la prescription initiale pendant que vous contactez le service de Cardiologie de l’hôpital voisin. Quels sont les éléments du traitement sur place (posologies non demandées) ? (Huit en tout).
    Réponse :

    • Installation en salle de déchoquage, mise en place de voie veineuse, enregistrement des constantes vitales, mise sous scope [1]
    • administration d’aspirine ordinaire [5] PO, ou à défaut IV, en dehors de rares contre indications : allergie vraie, ulcère gastro duodénal hémorragique, troubles de l’hémostase, insuffisance hépato cellulaire sévère
    • sédation de la douleur par morphine IV [2]
    • oxygène nasal en cas de dyspnée [1]
    • anxiolytique si besoin [1] (la morphine suffit habituellement)
    • bêta bloquant [1] : en cas de tachycardie sans insuffisance cardiaque, HTA, ou douleur résistant à la morphine, hors contre indications
    • dérivés nitrés [1] : en cas d’insuffisance cardiaque ou de douleur résistant à la morphine
    • surveillance [1].

    Total des points de la question : 13
Question 3
Quelles sont les deux modalités de désobstruction coronarienne que vous pouvez proposer à Monsieur G. ? Discutez-en les avantages et inconvénients.
    Réponse :

    Choix entre thrombolyse IV [4] et angioplastie coronarienne [4].
    • thrombolyse : a l’avantage de la facilité de réalisation [2] et une efficacité vérifiée [1]. Elle est à débuter dans les 30 minutes de l’admission ou de la prise en charge pré hospitalière ou dans les 90 minutes du début de la douleur pour avoir son efficacité maximale [1], en association avec héparine et aspirine. Elle expose aux complications hémorragiques [2] (4 à 13 p. cent de complications hémorragiques sévères, nécessitant transfusion ou menaçant le pronostic vital), notamment cérébrales [2] (0,39 p. cent) et présente plusieurs contre indications absolues [2] : AVC hémorragique ou de mécanisme non précisé, AVC ischémique dans les 6 derniers mois, pathologie du système nerveux central, chirurgie traumatologique lourde récente (3 semaines), saignement digestif récent (1 mois), trouble de l’hémostase, dissection aortique
    • angioplastie coronarienne, avec ou sans stent : traitement de choix si réalisable dans les 90 minutes de l’appel [2], par une équipe entraînée [2], a fortiori en cas de contre indication à la thrombolyse [1], en cas de choc [1], ou d’échec d’une thrombolyse préalable [1] (« angioplastie de sauvetage »). Plus efficace que la thrombolyse IV [4] (reperméabilisation, rethrombose, fonction VG, devenir clinique). La thrombolyse n’est pas une contre indication permettant même d’améliorer encore les résultats (« angioplastie facilitée ») [1]. L’angioplastie est encadrée par un traitement anti plaquettaire par anti GPIIb/IIIa (abciximab – Réopro) et héparine [1].

    Total des points de la question : 31
Question 4
Le SAMU vous annonce l’impossibilité de transférer monsieur G. avant au moins 60 à 90 minutes. Quelle est votre décision vis à vis de la désobstruction ?
    Réponse :

    Thrombolyse IV [5] associée à une héparinothérapie [3] IV [2] (l’aspirine a déjà été administrée). Aucune contre indication dans l’observation [2]
    Plusieurs molécules et protocoles utilisables. 2 sont administrables en bolus (rétéplase – Rapilysin et ténectéplase – Métalyse).
    Héparine IV : bolus puis administration continue. TCA à 3, 6, 12, et 24 heures, objectif : 50 à 70 sec.

    Total des points de la question : 12
Question 5
Le traitement est débuté. A l’arrivée de l’équipe SMUR, Monsieur G. ne se sent pas bien : il est nauséeux, avec des sueurs, la TA est à 110 – 70 mm Hg. Vous enregistrez le tracé suivant (tracé 2). L’infirmière vous demande si elle doit préparer le défibrillateur. Qu’en pensez-vous ?
    Réponse :

    C’est un Rythme Idio Ventriculaire Acccéléré (RIVA) [2] : tachycardie à complexes larges [1], < 120 bpm [1], bien supporté [1] (TA conservée), ne nécessitant qu’une simple surveillance [1].
    C’est un marqueur de reperfusion coronaire [2] (Sensibilité : 76, Spécificité : 82 p. cent).

    Total des points de la question : 8
Question 6
L’externe de garde vous demande s’il n’aurait pas fallu débuter un traitement par N- acétyl cystéine (Mucomyst) en vue de prévenir le risque d’acidose lactique en cas de réalisation d’une coronarographie, compte tenu du traitement par metformine. Qu’en pensez-vous ?
    Réponse :

    La N-acétyl cystéine est utilisée pour prévenir les complications rénales des produits de contraste iodés [2], en complément d’une hydratation suffisante [1], et non pas pour prévenir la survenue d’une acidose lactique chez les patients sous Biguanides devant subir une injection de produit de contraste iodé [2]. Les patients sous Biguanides sont exposés à ce risque en cas de déshydratation [2] et/ou d’insuffisance rénale [2], ce qui n’est pas mentionné dans l’observation.

    Total des points de la question : 9
Question 7
Vous téléphonez le lendemain pour prendre des nouvelles de monsieur G. qui va très bien. Votre collègue de Cardiologie vous signale que le traitement par célécoxib a pu être responsable de l’épisode actuel au vu d’un très récent article qu’il vous télécharge (Salomon SD, N. Engl. J. Med. 2005;352:1071-1080). Cette étude est un suivi longitudinal de 2035 patients porteurs d’un cancer colorectal répartis en trois groupes : placebo (679 patients), patients traité par célécoxib à la posologie de 200 mg 2 fois par jour (685 patients) ou à la posologie de 400 mg 2 fois par jour (671 patients). Le critère composite d’évaluation était le décès d’origine cardio-vasculaire (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral, insuffisance cardiaque). Dans le groupe placebo, 7 patients (1 p. cent) ont atteint ce critère contre respectivement 16 (2,3 p. cent) et 23 (3,4 p. cent) dans les groupes 200 et 400 mg 2 fois par jour. Les risques relatifs de décès de cause cardio-vasculaire étaient respectivement de 2,3 (intervalle de confiance à 95 p. cent : 0,9 à 5,5) et 3,4 (intervalle de confiance à 95 p. cent : 1,4 à 7,8) dans les deux groupes traités. Que pensez-vous de ces résultats ?
    Réponse :

    Il existe une augmentation dose-dépendante [2] du risque de décès par complication cardio vasculaire [2] lors du traitement par célécoxib [2]. Ce risque est significatif pour la posologie de 400 mg 2 fois par jour [1] : la borne inférieure de l’intervalle de confiance est supérieure à 1 (compte tenu de la faible incidence de complication cardio vasculaire, odds ratio et risque relatif sont équivalents ici).

    Total des points de la question : 7
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