Dossier clinique : 0009 - Auteur : - Faculté de médecine Nice
Madame G., 46 ans, est déposée aux urgences par son ami. Il redoute qu’elle ait fait une intoxication médicamenteuse volontaire.
Il la trouve triste depuis quelques semaines, à la suite d’un conflit avec son employeur. Elle prend de l’alprazolam (Xanax®) depuis ce moment. Son traitement habituel inclut également du vérapamil (Isoptine®) pour des « palpitations ». Enfin, elle enfin du paracétamol + codéine (Efféralgan codéiné®) depuis une semaine, à la suite d’une entorse de la cheville.
Question 1
Sur quels éléments va porter votre examen clinique ? (trois en tout).
Réponse :
• Recherche d’éléments de gravité immédiate [1], imposant un traitement symptomatique urgent [1] :
- altération de la conscience [1]
- troubles ventilatoires [1] : cyanose [1], encombrement [1], hypoventilation [1], localisée (atélectasie ?) [1] ou globale [1]
- troubles cardio circulatoires [1] : hypo TA [1], troubles du rythme [1] ou de la conduction [1]
• Interrogatoire de la patient, si réalisable, ou de son entourage [1] :
- antécédents [1], traitements en cours [1]
- heure présumée de l’intoxication [1]
- emballages vides [1], lettre, …
• Examen somatique complet [1] :
- neurologique [1] : conscience (GCS [1]), signes de localisation [1], signes méningés [1] absents ici [1], pupilles [1]
- atteinte du système nerveux autonome [1] : outre les pupilles, température, sueurs, TA, fréquence cardiaque, présence d’un globe,…
- ventilation
- température [1]
- odeur particulière de l’haleine [1] : alcool ?,…
- peau [1] : coloration particulière [1], compression [1]
- urines [1] : quantité [1], aspect [1], BU [1].
Total des points de la question : 35
Question 2
Vous constatez un coma calme aréactif. La TA est à 85 – 60 mm Hg, la fréquence cardiaque à 45/min, la fréquence ventilatoire à 10/min. Quels examens complémentaires allez-vous prescrire ? Justifiez-les (sept en tout).
Réponse :
• Biologie standard [1] : ionogramme sanguin, glycémie, créatinine plasmatique, calcémie, protidémie, hémogramme, TP-TCA-fibrine
• CPK ± myoglobinémie [1] : recherche de rhabdomyolyse [1] par compression
• ASAT, ALAT [1] : élévation retardée en cas d’intoxication au paracétamol [1], mais valeurs de référence pour suivre l’évolution [1]
• ECG [1] : recherche de bradycardie sinusale [1], de troubles de conduction : BAV [1]
• dosage de paracétamolémie [1] : résultats à interpréter en fonction de l’heure présumée de l’intoxication [1] pour prédire le risque de cytolyse hépatique (nomogramme) [1], alcoolémie [1]
• cliché thoracique [1] : recherche de trouble ventilatoire [1], d’une éventuelle inhalation [1]
• échocardiographie +++ [1] : pour distinguer la part myocardique [1], a priori prédominante avec le vérapamil [1], et la part vasculaire [1], à l’origine de l’hypotension
• pas d’intérêt d’autres dosages de toxiques, sans conséquence thérapeutique : benzodiazépine.
Total des points de la question : 20
Question 3
Quelles sont vos premières mesures thérapeutiques ? (posologies non demandées) (sept en tout).
Réponse :
• Traitement débuté aux urgences et poursuivi en réanimation [1]
• intubation oro trachéale [1] pour ventilation mécanique [1]
• traitement de l’hypotension : remplissage prudent [1], sous contrôle échographique [1], voire de cathétérisme cardiaque droit, vasoconstriction (noradrénaline – Lévophed®) [1] ou/et inotrope (adrénaline) [1] selon les données échographiques [1]
• sels de Ca++ ±
• épuration (lavage gastrique, charbon activé) [1] : à discuter compte tenu de l’heure présumée de l’intoxication [1]. Classiquement sans intérêt après 1 heure. Parfois réalisés plus tard en cas d’intoxication aux Calcibloqueurs
• N acétyl cystéine [1] si doute sur une intoxication potentiellement sévère par paracétamol (taux + nomogramme : v. supra) [1]
• surveillance :
- GCS [1]
- scope, TA, SpO2, fréquence ventilatoire [1].
Total des points de la question : 14
Question 4
L’évolution est heureusement favorable, et Madame G. quitte l’hôpital après 48 heures. Le service de Psychiatrie a mis en place un traitement par paroxétine (Déroxat®) et a planifié un suivi un centre médico-psychologique (CMP). Dix jours plus tard, Madame G. est ré-adressée aux urgences pour un malaise survenu alors qu’elle sortait du CMP. Elle émerge petit à petit, mais ne se rappelle de rien. Les pompiers qui l’accompagnent parlent de « convulsions ». Quel(s) élément(s) devez-vous chercher pour confirmer cette hypothèse ? (interrogatoire, examen clinique, examens complémentaires).
Réponse :
• Interrogatoire des témoins (pompiers) [1] : outre la description, sont évocateurs une respiration stertoreuse et un retour progressif à la conscience
• recherche de morsure du bord latéral de la langue [1], de purpura cervico facial [1], de perte d’urine [1]
• dosage des lactates veineux [1] si disponibles dans les 2 heures du malaise [1]
• EEG [1], le plus tôt possible [1].
Total des points de la question : 8
Question 5
Vous disposez d’un dosage de lactates veineux réalisé à l’arrivée à 6,8 mmol/l, soit environ 90 minutes après l’heure présumée du malaise. Pour un seuil de 2,5 mmol/l, la sensibilité est de 0,73 et la spécificité est de 0,97 pour le diagnostic rétrospectif de crise convulsive généralisée (Hazouard E. et coll. Presse Med. 1998;27:604-607). Que pouvez-vous conclure de ce résultat ?
Réponse :
Sensibilité : proportion de patients malades présentant l’anomalie à tester [1] ; spécificité : proportion de patients indemnes, ne présentant pas l’anomalie à tester [1]. Une sensibilité de 0,73 signifie que la patiente a 73 p. cent de « chances » d’avoir fait une crise convulsive [1]. Si les lactates avaient été inférieurs à 2,5, elle aurait eu 97 p. cent de « chances » de ne pas avoir fait de crise convulsive.
Le diagnostic rétrospectif de crise convulsive généralisée est donc très probable ici [1].
Total des points de la question : 4
Question 6
Vous avez retenu ce diagnostic. Vous incriminez la paroxétine. Par quel(s) mécanisme(s) cette molécule peut-elle être responsable du trouble observé ?
Réponse :
• Effet secondaire direct de la paroxétine [1]
• syndrome sérotoninergique [1] :
- coïncide avec l’introduction ou l’augmentation des doses d’un traitement « pro sérotoninergique » [1]
- = 3 signes : confusion, hypomanie, agitation, myoclonies, hyper réflexie, sueurs abondantes, frissons, fièvre, tremblements, diarrhée, incoordination [1]
- pas de diagnostic alternatif [1]
• hyponatrémie [1] par SIADH [1], secondaire à la paroxétine.
Total des points de la question : 6
Question 7
Vous avez mis en évidence une natrémie à 117 mmol/l. Quels sont les principes de son traitement chez Madame G. ? (posologies non demandées).
Réponse :
• Hospitalisation en réanimation [1]
• arrêt de la paroxétine [1]
• restriction hydrique stricte [1], perfusion de sérum salé isotonique
• en cas d’inefficacité [1] : furosémide [1] et compensation stricte [1] des pertes ioniques [1] par du sérum salé hypertonique [1] enrichi en KCl [1]
• surveillance [1] : conscience [1], constantes vitales [1]
• à distance, revoir le traitement anti dépresseur [1].
Total des points de la question : 13