1 - Physiopathologie des dystocies gémellaires
2 - Conditions générales pour l'accouchement
3 - Déroulement de l'accouchement, partition à quatre temps
4 - Dystocie gémellaire
5 - Césarienne et grossesse gémellaire
6 - Conclusion
Accouchement à haut risque car :
- Fréquence élevée de la dystocie dynamique et présentations dystociques
- Risque notable de procidence du cordon
- Taux élevé de prématurité et de RCIU : la moitié des jumeaux pèsent moins de 2500g.
Mortalité périnatale: estimée à 6 % (multipliée par 6) pour la plupart des auteurs mais tend à se rapprocher dans les séries récentes de 3 % du fait d’une meilleure prise en charge.
Nécessité d'une parfaite symbiose entre un centre obstétrical bien équipé et une équipe pluri-disciplinaire (sage-femme, obstétricien, pédiatre néonatologiste et anesthésiste).
1 - Physiopathologie des dystocies gémellaires
Mortalité et morbidité néonatales sont élevées : pourquoi ?
C’est surtout le 2ème jumeau (J 2)qui est affecté d’une surmortalité.
Les chiffres
- Picavet (1967) : taux de mortinatalité de 10,6 % sur J1 contre 14,3 % pour J2 sur près de 20000 accouchements
- Maingeot: 92,7 % des J1 ont un score d’Apgar entre 7 et 10 contre 76 % des J2.
- Raudrant: la fréquence des membranes hyalines par un mécanisme d’anoxie et d’acidose est double pour J2 (6,6 %) par rapport à J1 (3,5 %).
Pourquoi ?
Les explications sont diverses :
- fréquence plus élevée de présentations dystociques nécessitant un geste obstétrical
- procidence du cordon plus fréquente
- poids moyen de J2 moins élevé
- taux plus élevé de fœtus macéré ou malformé naissant en deuxième position
- surtout l’hypoxie plus fréquente de J2 :
* la comparaison de pO2 et pCO2 ainsi que des taux de lactates dans le sang veineux des 2 cordons démontre bien l’hypoxie
* elle est due à plusieurs mécanismes : diminution du flux utéro-placentaire par diminution du volume utérin et décollement plus ou moins important du placenta.
Intervalle de temps entre les 2 naissances : rôle capital dans le pronostic de J2
Il apparaît que l’expectative prudente préconisée autrefois après J1 n’est plus de mise et qu’un intervalle libre de 5 à 15 minutes entre J1 et J2 parait raisonnable.
Anomalies fréquentes de l’accouchement gémellaire
Augmentation de l'incidence des présentations “dystociques”
Tableau 1 : Les différentes positions des jumeaux
Tête-tête / Tête-siège |
Siège-tête / Siège-siège |
Tête-transverse / Siège-transverse |
Transverse-têt / Transverse-siège |
Transverse-transverse |
- Les fœtus, à plus de 90 % placés tous 2 longitudinalement, sont selon Portes (1946) :
sommet - sommet ....... 45 %
sommet - siège ........... 25 %
siège - sommet
........... 13 %
siège - siège ............... 10 %
- A peu près une fois sur 10, au moins un des 2 fœtus se trouve en position transversale :
sommet - transverse ......... 45 %
siège - transverse ............. 25 %
transverse - transverse ..... 13 %
- Lors de l’accouchement J1 se présente 2 fois plus souvent en sommet que J2 qui naît, lui 2 fois plus souvent en siège.
- La présentation transverse est 12 fois plus fréquente pour J1 que J2.
- Lorsque J2 est en sommet il a 7 fois plus de chance d’être en OS que J1 à l’expulsion.
- En général, les céphaliques défléchies sont 2 fois plus fréquentes chez les jumeaux.
Dystocie dynamique
Il n’est pas formellement démontré qu’il existe une différence significative de la durée du travail entre les parturientes accouchant de jumeaux et les autres. Toutefois, une panne de dilatation est assez commune en fin de travail. Ceci semble s’inscrire dans le cadre de l’hypocinésie des gros utérus où la distension utérine et l’excès de liquide amniotique jouent un rôle.
Procidence du cordon
Elle est plus fréquente, surtout chez J2 du fait des présentations dystociques et de l’excès de liquide mais les conséquences en sont moindres que dans la grossesse unique du fait de conditions obstétricales habituellement très favorables à une extraction rapide du fœtus.
2 - Conditions générales pour l’accouchement
Monitorage obstétrical
Il doit être systématique, continu, pendant toute la durée de l’accouchement et intéressant les 2 jumeaux en même temps :
- par voie externe pour J2
- par voie externe pour J1 au début du travail puis par électrode scalp dès la rupture des membranes.
Place de la péridurale
Elle a 2 inconvénients théoriques :
- augmenter la dystocie dynamique par hypocinésie et le recours à la perfusion ocytocique
- augmenter le nombre d’extractions instrumentales.
Mais elle a bien des avantages :
- l’analgésie de qualité pendant un travail peut-être un peu plus long
- la possibilité d’effectuer des manœuvres sans recours à l’anesthésie générale ce qui est un avantage : quand la manœuvre est nécessaire pour J1, point n’est besoin d’extraire obligatoirement J2 dans le même temps.
Personnel suffisant
Présence de l’anesthésiste et du pédiatre en salle indispensable à l’exécution d’une manœuvre obstétricale toujours décidée en urgence.
Peut-on déclencher un accouchement gémellaire ?
Déclencher un accouchement gémellaire peut se discuter soit du fait d’une pathologie de la grossesse soit du fait d’un dépassement de terme :
- pathologie de la grossesse (RCIU, HTA) : du fait de l’association des risques, elle doit bénéficier plutôt d’une césarienne
- dépassement de terme : si la prématurité est fréquente, il n’est pas rare toutefois que la grossesse se poursuive au voisinage du terme et certains auteurs considèrent qu’au-delà de 38-39 semaines les gémellaires risquent à la poursuite de la grossesse (post-maturité).
La sur-distension de l’œuf gémellaire n’est qu’une contre-indication relative au déclenchement dont l’indication doit simplement être bien réfléchie. Le col est habituellement déjà très favorable, déhiscent à plusieurs centimètres. La perfusion ocytocique avec rupture fréquente des membranes est une proposition d’autant plus acceptable que la présentation est céphalique et suffisamment basse.
3 - Déroulement de l’accouchement : “Partition à 4 temps”
Accouchement du premier jumeau
Lorsque la voie basse est autorisée- ce qui est la règle - la conduite de l’accouchement de J1 est classique :
- Mise en place d’une perfusion ocytocique avant le début des efforts expulsifs ; elle sera utile à J1 et sûrement favorable à J2 ou à la délivrance.
- Indication assez large d’épisiotomie tant pour minimiser le traumatisme de l’enfant généralement petit que pour favoriser une éventuelle manœuvre sur J2.
- Recours plus fréquent à une rotation manuelle du fait d’un défaut de rotation.
- Extractions instrumentales plus nombreuse par effort expulsif moins efficace.
- Clampage du premier cordon dès la sortie de J1 du fait des possibilités d’anastomose vasculaire.
Intervalle libre
Sa durée optimale doit être comprise entre 5 et 15 minutes, il faut mettre à profit cette période pour clamper la perfusion ocytocique le temps de :
- Contrôler les paramètres maternels (tension, pouls) et fœtaux (remise en place du capteur externe).
- Vérifier la présentation de J2 en soulignant l’intérêt de l’échographie en salle de travail.
Accouchement du deuxième jumeau
En cas de présentation céphalique
- Il apparait légitime de rompre les membranes, de vérifier la présentation et d’accélérer le débit de la perfusion ocytocique pour favoriser la naissance de J2.
- Une souffrance fœtale ou un retard à l’expulsion spontanée peut justifier une extraction instrumentale (ventouse parfois d’engagement ou forceps) ou manuelle après version : grande extraction en cas de présentation non engagée.
En cas de présentation caudale
- L’accouchement est habituellement eutocique après rupture des membranes.
- En cas de souffrance ou de retard à l’engagement cela reste une excellente indication de grande extraction en des mains entraînées, mais la césarienne reste hautement préférable en terme de mortalité néonatale dans le cas contraire.
En cas de présentation transverse
- C’est une parfaite indication de VME suivie dès que la présentation est longitudinale (siège ou sommet) d’une rupture des membranes.
- En cas d’échec de la VME :
* Le plus logique est sous AG de rompre les membranes, premier temps d’une VMI avec grande extraction.
* Mais la césarienne est avantageuse en terme de score d’Apgar et pour les moins de 2 kg ou lorsque les membranes rompues depuis un certain temps hypothèquent les chances de version avec un minimum de traumatisme.
Délivrance
- En général, qu’il y ait un ou 2 placentas, ils sont expulsés après la naissance des 2 jumeaux. Il est rare que le placenta de J1 s’expulse avant la naissance de J2 et ceci ne semble pas affecter la morbidité de J2.
- Les hémorragies de la délivrance sont plus à craindre du fait d’une plus large surface d’insertion placentaire et surtout de l’inertie fréquente propre aux gros utérus. Il est indispensable de maintenir longtemps la perfusion ocytocique et la surveillance en salle de travail.
Elle concerne 2 situations rares :
Ceci survient dans une gémellaire sur 1000 (1 pour 90.000 accouchements), la mortalité fœtale est élevée (environ 50 %). Il faut en connaître l’existence et les circonstances pour essayer d’agir prophylactiquement.
Si l’on a rapporté des accrochages sommet-sommet, siège-siège ou sommet-transverse, ils sont rares et de peu de conséquence car la dystocie, entièrement in utéro, est évoquée sur l’absence de progression et résolue par césarienne.
La vraie dystocie est l’accrochage par les mentons, le premier fœtus se présentant en siège et le second en sommet.
- C’est la plus fréquente (7 sur 10) et la plus dangereuse car le diagnostic n’est fait que lors de l’expulsion partielle de J1
- Il faut y songer de principe quand J1 est en siège et J2 en sommet et surtout s’il s’agit d’une grossesse mono-amniotique, à fortiori si en cours d’expulsion la présentation est bloquée dans le pelvis.
- Que faire ?
* Il est original de constater que c’est la seule situation ou J1 risque plus que J2
* Prophylactiquement dans certaines équipes on césarise de principe les associations siègeJ1-sommet J2
* Curativement :. Si les 2 fœtus sont vivants :
+ Il faut essayer sous AG de désenclaver manuellement en tournant l’une des têtes puis en refoulant la seconde.
+ En cas d’échec, forceps sur tête de J2 pour essayer de sortir le deuxième jumeau sous le premier ; ce n’est gère possible qu’en cas de petit volume des fœtus (manœuvre de Kimball-Rand). Si J1 est décédé il est légitime de le décapiter ! pour sauver J2
Toutes ces manœuvres sont difficiles d’autant que le taux de survenue explique que personne ou presque n’en a jamais “exécuté”.
5 - Césarienne et grossesse gémellaire
Introduction
Les raisons de la mortalité et de la morbidité des enfants nés de grossesse gémellaire sont multiples :
- La première raison est la prématurité et son risque d’hémorragie intra-ventriculaire qui est notoirement augmenté en présentation du siège.
- La seconde raison majeure est la grande fréquence du RCIU responsable de mort in utéro et de souffrance fœtale per-partum.
- Les gémellaires se compliquent plus que les grossesses uniques de placenta prævia et d’HTA.
La prise en considération de ces différents facteurs de risque associés à ceux propres à la mécanique obstétricale augment la fréquence de la césarienne.
Indication de césarienne
Prophylactique
- Pour tous les auteurs les indications sont communes à une grossesse unique (dystocie osseuse, placenta prævia et présentation transverse pour J1).
- Sont beaucoup plus discutés :
* L’utérus cicatriciel : l’effet de sur-distension peut faire craindre théoriquement une rupture mais il a été démontré que l’incidence de rupture après césarienne antérieure n’est pas plus élevée après gémellaire.
* La présentation du siège :
. La plupart des auteurs préconisent une césarienne prophylactique lorsque J1 est en siège du moins chez la primipare et avant 36 SA mais beaucoup acceptent la voie basse chez les multipares ou chez les primipares après 36 SA à condition d’un pelvimétrie normale.
. Certains auteurs conseillent la césarienne de principe si l’un des jumeaux (J1 ou J2) est en siège, à fortiori après 34 SA.
* La mort d’un des jumeaux in utéro :
L’attitude est loin d’être codifiée : césarienne d’emblée pour certains, surveillance pour d’autres. En général, le travail se met en route spontanément.
Pendant le travail
- Essentiellement les dystocies dynamiques et les souffrances fœtales de l’un des jumeaux.
- Et quelques rares indications pour le 2ème jumeau de fréquence inversement proportionnelle à l’expérience de l’accoucheur en version-extractions.
La mortalité gémellaire diminue et l’état du deuxième jumeau ne se juge plus en augmentation de la mortalité par rapport à J1 mais seulement en augmentation de sa morbidité.
Ceci est dû aux progrès de la surveillance prénatale et per-partum, à un recours plus large à la césarienne et surtout à une meilleure prise en charge de la voie basse, voie habituelle de naissance, par une équipe multidisciplinaire.
Dernière
mise à jour : 28/06/2006 |