1 - Diagnostic échographique d'un retard de croissance intra-uterin
: biométrie
2 - Etude fonctionnelle du foetus par la vélocimétrie
Doppler
Après la clinique, l'échographie est l'exploration complémentaire de choix pour le dépistage, le diagnostic et la surveillance des anomalies de la croissance foetale qui constituent une pathologie obstétricale fréquente. Sa fiabilité repose d'abord sur une biométrie de datation au premier trimestre et de trophicité au deuxième et au troisième trimestre : si la technique de mesure doit être extrêmement rigoureuse, et les valeurs obtenues reportées sur une courbe de référence, l'interprétation sera toujours très nuancée, en fonction du contexte clinique et para-clinique : en effet, durant la grossesse, il n'y a que des suspicions d'hypotrophie foetale et nous ne possédons pas de " balance à foetus " actuellement (32). Ensuite, l'étude morphologique complète du foetus et de ses annexes sera associée à l'étude fonctionnelle du foetus évaluée par le doppler foetal essentiellement, plus accessoirement par les scores de vitalité foetale, pour apporter des éléments étiologiques et pronostics nécessaires à la prise en charge (et l'éventuelle décision de naissance prématurée) de ces foetus hypotrophes.
1 - Diagnostic échographique d'un retard de croissance intra-uterin : biométrie
DIAGNOSTIC POSITIF
Echographiquement,
on définit seulement une suspicion de RCIU lorsque la mesure du diamètre
abdominal transverse est inférieure au 5ème percentile d'une courbe de référence
(25).
Trois difficultés se présentent lors du recueil des variables biométriques
foetales : l'imprécision de la mesure du paramètre, le choix des courbes
de référence et des valeurs seuils, et la variabilité biologique de ce paramètre
(4120).
1 - Biométrie échographique :
Elle est réalisée lors de l'examen échographique de routine :
Les critères techniques et anatomiques de mesure de ces paramètres sont bien codifiés et doivent être scrupuleusement observés pour améliorer la fiabilité de l'échographie : les variations sont liées à l'opérateur, à la patiente (épaisseur pariétale) et au volume de liquide amniotique (20) :
- La biométrie céphalique est fiable, reproductible, peu opérateur dépendante, mais mal corrélée au poids foetal, donc peu intéressante pour le dépistage des RCIU (sensibilité de 50 à 60% , spécificité 80 à 90 % (12),
- La biométrie abdominale nécessite un moyennage de mesure en raison des variations liées à la position et à la dynamique foetales, ainsi qu'à la pression de la sonde échographique : la mesure du périmètre ombilical est la moins reproductible, mais la mieux corrélée avec le poids fœtal et la plus performante des paramètres classiques dans le dépistage du RCIU. Pour Warsof (45) , la sensibilité est de 61% pour une spécificité de 95%, avec une VPP de 86%, et une VPN de 83%. Les chiffres de Grange recueillis sur 3844 examens biométriques (23) semblent sousestimer la pertinence diagnostique des paramètres abdominaux, en raison de l'hétérogénéité dans la réalisation pratique des mesures : sensibilité de 50% et spécificité de 94% (41),
- La biométrie diaphysaire est un paramètre de trophicité peu sensible, soit 45% pour la longueur fémorale(26), mais a une valeur pronostique dans les RCIU sévères d'origine vasculaire.
2 - Autres biométries :
- Les périmètres du bras ou de la cuisse, bons marqueurs de trophicité, sont malheureusement peu reproductibles en échographie : niveau de mesure mal défini, et souvent manque d'accessibilité due à la position foetale hyperfléchie,
- La mesure du diamètre axial transverse du cervelet a une relation linéaire avec l'âge gestationnel. Ce n'est pas un paramètre de trophicité mais un bon marqueur pour les datations tardives (13),
- La mesure du foie est de réalisation plus difficile, elle se fait dans un plan de coupe sagittal ou frontal, au niveau du lobe droit (flèche hépatique),
- Le tissu sous-cutané : on mesure l'épaisseur du tissu sous-cutané à la face externe du tiers moyen de la cuisse pour évaluer le tissu adipeux (3).
3 - Utilisation de courbes de référence :
Les courbes de paramètres échographiques disponibles en France sont d'origine variée (Constant-Besson (1990 ) (11), Chitty (1994) (10) pour les plus récentes (CFEF à paraître). Il faut tenir compte de la nature de la courbe lors de l'interprétation des résultats. L'idéal est de disposer de courbes locales, à réactualiser car une population varie dans le temps, et de tenir compte du poids de naissance attendu en fonction des facteurs maternels pour mieux évaluer le potentiel de croissance individuel (30) Ces courbes sont utilisables aussi bien pour les grossesses uniques que pour les grossesses multiples (risque accru de RCIU chez les jumeaux, évalué à 30%). Pour évaluer une dynamique de croissance, il est indispensable de réaliser deux examens échographiques successifs, avec un intervalle moyen de 15 jours ( à moduler au cas par cas), et avec le même opérateur si possible, puisque la variabilité inter-opérateur est plus grande que la variabilité intraobservateur (41).
*
Percentiles et déviation standard :
Chaque paramètre biométrique est reporté sur une courbe de croissance d'une
population de référence établie en fonction de l'âge gestationnel, exprimé
en semaine d'aménorrhée à partir du premier jour des dernières règles.
On utilise le plus souvent des abaques présentant les percentiles, mieux
adaptés à la description de répartitions irrégulières ; deux écarts types
(+ ou - 2 DS), contiennent 95 % d'une population soit du 2,5ème percentile
au 97,5ème percentile (25). La normalité se situe entre le 10ème et le 90ème
percentile, la majorité d'individus se situant autour de la médiane, au
50ème percentile ; un paramètre mesuré au-dessous du 5ème percentile indique
un facteur de risque qu'il faudra interpréter soit comme une variation normale
soit comme un élément pathologique en fonction des critères suivants :
¤ La date du début de grossesse :
¤ Valeur seuil (à adapter à la population étudiée) : en population tout venant, on conseille une valeur seuil inférieure du 5ème percentile pour diminuer les faux positifs de retard de croissance intra-utérin ; la valeur seuil du 10ème percentile est utilisée pour les populations à risque, sélectionnées par l'interrogatoire : primigeste, tabagisme, HTA, antécédent de RCIU, de dysgravidie, gémellarité, etc... Le rapport sensibilité sur spécificité de l'examen se trouve ainsi amélioré.
¤ La variabilité biologique des paramètres biométriques (12) : parité, sexe foetal, poids maternel pendant la grossesse, taille parentale, groupe ethnique : la spécificité de l'examen est nettement diminuée si ces facteurs ne sont pas pris en compte.
4
- L'estimation du poids foetal a fait l'objet de nombreuses publications,
car la définition communément admise du RCIU est un poids de naissance <
10è percentile. La meilleure prédiction pondérale " classique ", a une précision
moyenne de +/- 7.3% ; elle intègre les mensurations de la tête (BIP , PC),
du tronc (PA) et de la longueur fémorale (LF) : c'est la formule de Hadlock
(27) sensibilité de 87% et valeur prédictive positive de 78 %. Les formules
plus récentes qui intègrent la mesure de périmètres de segments de membres
augmentent la fiabilité de l'estimation pondérale : Balouet (3) inclut les
périmètres cutané et aponévrotique de la cuisse avec un précision de +/-
6% ; il obtient une sensibilité de 74% et un spécificité de 94%. Favre (16,17)
obtient une erreur moyenne de 7.2% en utilisant l'échographie 3D.
La pertinence de cette estimation est difficile à évaluer précisémment .
Elle n'est valable que dans les situations à risque d'extraction foetale,
avec de meilleurs résultats chez les hypotrophes que chez les normotrophes.
5 - L'appréciation de l'environnement foetal : les facteurs de gravité.
*
Le placenta :
L'évaluation
du volume placentaire n'est pas réalisée en pratique. Il pourra sans doute
bénéficier des progrès de l'échographie tridimensionnelle, corrélée à l'évaluation
de sa vascularisation en doppler énergie (36).
L'aspect du placenta, évalué en pratique selon la classification de Grannum,
est un paramètre de dépistage du retard de croissance intra-utérin, si un
grade II ou III est observé avant 32 semaines d'aménorrhée. En cas de pathologie
placentaire, le plus souvent dysgravidique, le meilleur paramètre d'évaluation
de l'augmentation anormale des résistances placentaires est le doppler artériel
ombilical.
*
Le liquide amniotique :
L'appréciation échographique de son volume est subjective, évalué soit par
la mesure de la plus grande citerne (Chamberlain), soit par la somme des
mesures de la plus grande citerne de chacun des 4 quadrants (Phélan). Le
volume de liquide amniotique est corrélé essentiellement à la diurèse foetale
au 3ème trimestre ; l'apparition ou l'aggravation d'un oligoamnios associé
à une hypotrophie (40% environ), est un paramètre pronostic de souffrance
fœtale (taux de morbidité multiplié par 10).
6 - Au total :
L'échographie dépiste les hypotrophies avec une sensibilité variant de 57 à 89 %. Les meilleurs paramètres en terme de valeur prédictive positive sont l'oligoamnios (55 %), le périmètre abdominal (62 %) et enfin le périmètre abdominal couplé à la hauteur utérine (85 %). La confrontation avec les données cliniques est indispensable : établissement des valeurs seuil en fonction de la population étudiée, intégration des facteurs de variabilité biologique en cas de valeur limite, et mesure de la hauteur utérine.
DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE
ET DIFFERENTIEL :
On oppose classiquement deux types d'hypotrophie :
1
- L'hypotrophie dysharmonieuse ou asymétrique :
Près de 70 % des enfants hypotrophiques présentent un RCIU asymétrique
: le périmètre crânien est normal, et le périmètre abdominal en dessous
de la valeur seuil inférieur. Les RCIU dysharmonieuses seraient plutôt d'origine
dysgravidique. Le doppler utérin est le plus souvent pathologique, ce qui
témoigne d'une étiologie vasculaire maternelle. Cette hypotrophie survient
souvent tardivement dans le dernier trimestre de la grossesse.
2
- L'hypotrophie harmonieuse ou symétrique :
Le périmètre crânien et le périmètre abdominal sont en-dessous de la norme
et la cause de l'hypotrophie est souvent survenue tôt dans la grossesse.
L'analyse morphologique du fœtus et de ses annexes prend alors tout son
intérêt pour rechercher une étiologie malformative en particulier chromosomique
(trisomie 18, trisomie 13, triploïdie) ou encore en relation avec une infection
foeto-maternelle (hépatosplénomégalie, calcifications hépatiques et placentaires,
signes de ventriculite cérébrale, ..). Des dysgravidies sévères peuvent
se révéler par la présence d'un retard de croissance intra-utérin relativement
harmonieux et précoce, parfois en relation avec une anomalie placentaire
(trisomie 16 placentaire). Dans ce groupe pathologique, les données du doppler
foeto-maternel sont variables. En cas de RCIU précoce, harmonieux et isolé,
le pronostic à long terme serait plus réservé du fait d'un déficit dans
le capital cellulaire cérébral (32).
3
- En réalité, la symptomatologie n'est pas aussi typée, et cette distinction
est trop schématique (25,32) :
Dans tous les cas, un retard de croissance parfaitement symétrique doit
d'abord faire éliminer une erreur de datation : en pratique courante, il
est souvent utile de contrôler directement sur les documents photographiques
les mesures effectuées lors de l'échographie du premier trimestre.
Si les données de l'échographie précoce correspondent bien à l'aménorrhée
clinique annoncée, un contrôle de la dynamique de croissance sera réalisé
à 15 jours, ou 3 semaines : si la pente de croissance est conservée, s'il
n'existe aucun facteur de gravité( pas d'oligoamnios, pas d'hypotrophie
ou de maturation placentaire précoce, bonne dynamique fœtale), si le doppler
utérin et foetal est normal, le diagnostic d'un foetus génétiquement petit
sera évoqué, d'autant qu'il existe une petite taille familiale.
Le diagnostic différentiel se pose rarement avec une ostéochondrodysplasie
léthale qui se révèle assez précocément (2è trimestre) par des biométries
des membres très nettement inférieures aux limites inférieures des courbes
de normalité ; il s'y associe souvent des anomalies de modelage et de courbure
diaphysaire, des anomalies thoraciques ou costales à type d'hypotrophie
thoracique fréquente, de dysmorphie faciale et d'anomalies des extrémités.
Le problème se pose plus fréquemment devant une longueur fémorale inférieure
à la norme au 3ème trimestre : une biométrie de tous les segments de membres,
et une analyse morphologique des métaphyses et des épiphyses, du thorax,
de la face à la recherche d'une dysmorphie faciale seront effectuées à 3
semaines d'intervalle , et corrélées à l'évaluation de la dynamique de croissance
et à la pratique d'un contenu utérin : ceci permettra le plus souvent d'éliminer
une ostéo-chondro-dysplasie viable de révélation tardive (achondroplasie,
forme mineure d'ostéogénèse imparfaite, dysplasie métaphysaire etc...).
2 - Etude fonctionnelle du foetus par la vélocimétrie Doppler
Le bien-être foetal peut être apprécié par la vélocimétrie doppler, technique d'investigation la plus récente pour l'étude d'hémodynamique de la circulation foeto-placentaire, reproductible, non invasive, et de faible coût (24). Suivant les sites vasculaires explorés, il fournit des informations à la fois étiologique et pronostique devant un retard de croissance intra-utérin ou une grossesse à risque de retard de croissance intra-utérin.
Technique
L'exploration doppler permet d'estimer les résistances vasculaires par l'étude
des spectres de vélocité des flux vasculaires. L'effet doppler est défini
par la différence entre la fréquence d'émission et de réception du faisceau
ultra-sonore lorsqu'il est réfléchi par une structure en mouvement. Cette
variation de fréquence permet d'estimer la vitesse de déplacement des éléments
(éléments figurés du sang). La répartition des vitesses est reportée sur
l'écran sous la forme d'un spectre de vélocité, systolo-diastolique pour
une artère.
Trois sites vasculaires artériels sont principalement étudiés :
La
vélocimétrie veineuse
Son apport veineuse est en cours d'évaluation et sa technique d'enregistrement
difficile et moyennement reproductible. Le site d'enregistrement le plus
intéressant serait le canal d'Arantius ou ductus venosus : Rizzo (37,38),
sur une série d'hypotrophes pour la plupart d'origine vasculaire et qui
présentaient des signes de redistribution des flux (vasoconstriction périphérique
et vasodilatation cérébrale avec rapport ICRP (1), le rapport S/a du canal
d'arantius s'est révélé être le meilleur paramètre corrélé à l'hypoxie.
Les altérations de la vélocimétrie veineuse semblent peut-être plus en relation
avec l'imminence d'une menace foetale que les modifications du flux artériel
(corrélation significative avec le risque de décès périnatal) (35).
Conclusion
Le Doppler est donc utilisé soit comme test de dépistage sur une population
à risque, soit comme test diagnostique et pronostique en cas de pathologie
avérée (hypotrophie le plus souvent).
En cas de situation à risque d'hypoxie foetale aiguë il constitue un élément
important parmi le faisceau d'arguments qui aide l'Obstrétricien à la décision