1 - La Biométrie de datation
2 - La Biométrie de trophicité
Certains
pensent que la biométrie foetale est simple à effectuer et à interpréter.
Il faut effectivement garder un solide bon sens pour effectuer cet examen.
Les enjeux sont pourtant multiples. Les bsases incontournables doivent être
parfaitement maitrisées, et certaines subtilités permettent de prendre du
recul et de mieux interpréter l'examen. Cet exposé étudiera successivement
les considérations générales de la biométrie foetale puis le dépistage de
l'hypotrophie notamment en cas de grossesse gemellaire. Dans chaque paragraphe,
nous verrons combien l'interprétation de l'examen est différent dans une population
à risque où la valeur prédictive positive est élevée et dans une population
à faible risque où la valeur prédictive positive est faible.
1 - La biométrie de datation
Parmi
l'ensemble des paramètres utilisés pour évaluer à l'échographie du premier
trimestre la date du début de grossesse (DDG), la longueur cranio-caudale
(LCC) a la meilleure précision [1, 2].
La connaissance de l'âge gestationnel précis est importante en obstétrique
pour prendre de nombreuses décisions. Une des plus importantes est la détermination
du risque d'anomalie chromosomique au 1er et au 2ème trimestre sur les marqueurs
biologiques. Elle permet aussi de débuter la surveillance de fin de grossesse
à une date optimale afin de détecter les dépassements de terme. Enfin, elle
facilite l'interprétation des données biométriques du 2ème et du 3ème trimestre.
Selon les auteurs, la DDG, calculée grâce à la LCC, est donnée avec une marge
d'incertitude, au 95° percentile, de +/- 4,5 à +/- 8 jours [4, 5, 7, 11, 12].
Ceci s'appelle un intervalle de prédictivité, il comprend la DDG de 95% de
la population. Il représente donc un intervalle autour de la DDG de 9 à 16
jours. Cet intervalle est de première importance puisqu'il définit notre incertitude.
L'estimation de l'âge gestationnel par la prise en compte d'une seule mesure
de la longueur cranio-caudiale a donné lieu à la construction de plusieurs
courbes dans la littérature [3-7, 11].
L'ensemble des courbes, décrites par les auteurs précédents, est globalement
compris dans un intervalle de 3 jours au maximum entre 10 et 60 mm de longueur
cranio-caudale. Ce n'est pas le cas en deçà et au-delà où les courbes diffèrent
de façon importante. Par exemple pour une LCC de 10 mm, on observe une différence
de 7 jours entre la DDG calculée selon la courbe de McGregor et al., et celle
de Drumm et al. [6,7]. Il nous semble donc que nous pouvons affiner notre intervalle
de prédictivité au moment où les courbes sont cohérentes c'est à dire pour des
LCC entre 10 et 60 mm.
En 1973, Robinson et Flemming ont, les premiers, établi une corrélation entre
la longueur cranio-caudale et l'âge gestationnel à l'échographie [3]. L'étude
est basée sur une population de patientes connaissant avec exactitude la date
de leurs dernières règles et ayant des cycles menstruels réguliers. Les mesures
sont faites en mode A entre 6 et 14 SA. Les auteurs ne mentionnent pas d'intervalle
de prédictivité. En 1974, Drumm et al. effectuent une étude similaire sur 253
patientes [6]. Là encore, l'intervalle de prédictivité n'est pas calculé.
En 1987, McGregor et al. comparent les résultats précédents avec leur propre
étude [7]. Celle-ci est basée sur 72 patientes qui avaient une date d'ovulation
connue par courbe de température ou monitorage échographique après stimulation.
Les échographies sont faites en mode B et l'auteur conclut que Robinson et al.
et Drumm sous-estiment l'âge gestationnel d'environ 3 jours. D'autre part son
intervalle de prédictivité au 95ème percentile est de +/-6,5 jours. C'est à
dire que dans leur population, il faut conclure à +/- 6,5 jours pour laisser
5% des DDG en dehors de cet intervalle. En 1991, Evans [8], à propos de 33 patientes
issues de procréation médicalement assistée trouve des résultats comparables
à ceux de McGregor.
Après ces travaux, la Société Médicale Britannique d'Ultrason, recommande en
1990, de ne modifier la date de début de grossesse que si l'estimation échographique
diffère de plus de 7 jours [9].
Kustermann et al., en 1992, trouvent des résultats comparables à ceux de Robinson
et al. [2,3]. Daya et al. en 1993 font une étude précise pour rechercher l'intervalle
de prédictivité d'une seule mesure faite au premier trimestre [5]. Celui-ci
conclut à un intervalle de +/- 4,9 jours au 95ème percentile.
En 1993, Favre et Nisand ont montré la supériorité de la mesure de la LCC, sur
les autres paramètres échographiques, entre 7 et 10 SA pour dater la grossesse
[10]. Ainsi, la morphologie fœtale ne peut pas servir à dater un embryon. Ils
montrent aussi que la courbe de Robinson et al. est la plus prédictive.
La même année, Lasser et al. construisent une courbe à partir de 144 patientes
dont une majorité issue d'un programme de FIV [11]. Leur courbe est proche de
celle de Robinson et al. à un jour près. Ils affirment avoir un intervalle de
prédictivité à +/- 4,0 jours au 95ème percentile.
L'étude la plus importante avec la méthodologie la plus rigoureuse est celle
de Wisser et al. de 1994 [4]. Ils montrent les erreurs possibles des études
précédentes et trouvent sur leur population de 160 patientes, dont 21 grossesses
multiples toutes issues de FIV, un intervalle de prédictivité au 95ème percentile
à +/- 4,7 jours.
Une correction de date de début de grossesse ne peut se faire à coup sûr que
si la date estimée par échographie est différente de plus de 7 jours de la date
déduite des dernières règles normales. Ainsi nos comptes rendus devraient conclure
à une date donnée +/- 7 jours.
CONCLUSION
Pour un intervalle de +/- 5 jours, 5% des embryons ont une DDG en dehors de ces limites, pour un intervalle de +/-3 jours ils sont 25% avec la courbe de Robinson et al. et 20% avec la courbe de Wisser et al.
2 - La biométrie de trophicité
I - CONSIDERATIONS GENERALES
A - But
de l'échographie de trophicité
L'importance du
diagnostic de l'hypotrophie et dans une moindre mesure de la macrosomie n'a
qu'un seul objectif: c'est de changer la conduite obstétricale ou la prise en
charge néonatale. En aucun cas, un examen ne doit inquiéter une patiente s'il
n'y a aucune modification de l'attitude médicale qui en résulte. Nous verrons
que le dépistage de l'hypotrophie est fondamentale alors que le dépistage de
la macrosomie est discutable. En effet, le dépistage de l'hypotrophie permet
de réduire la morbidité et la mortalité qui lui sont liées.
B - Performances
Pour le
dépistage de l'hypotrophie comme de la macrosomie, la sensibilité de l'examen
biométrique dans une population totale ne peut pas excéder 60%, pour garder
une spécificité au moins égale à 95%.
C - Techniques de mesure
Le périmètre abdominal :
Il doit être mesuré au niveau de la veine ombilicale à son arrivée dans la
veine porte c'est à dire au niveau du sinus porte. Les surrénales doivent
être visualisées. L'estomac est devenu un mauvais critère de qualité. Par
contre, 3 ou 4 côtes doivent être visualisées de chaque côté. Les calipers
prennent toute la graisse péri-abdominale. Il faut préférer la méthode de
l'élipse à la méthode du tracé car les deux mesures sont aussi fiables mais
les courbes ont été construites avec la méthode de l'élipse. Il existe une
différence de 3% entre les deux méthodes au profit du tracé.
Le périmètre cranien :
Il faut utiliser une coupe axiale passant par le septum lucidum et les lobes
occipitaux juste au dessus de la tente du cervelet.
La mesure fémorale :
Elle comprend toute la diaphyse avec le grand trocanter. Au 3ème trimestre, l'épiphyse distale ne doit pas être prise entre les calipers.
D - Choix de la courbe
Jusqu'en 1995, les courbes de biométrie foetale étaient construites par des échantillonages non représentatifs dans une maternité donnée sans correction mathématique. Il pouvait s'agir de courbes issues d'une énorme population comme la courbe élaborée par Nisand pour laquelle 8000 patientes ont été recrutées.
Depuis 1995 et les publications de Altman et Chitty, la construction d'une courbe fait appel à un échantillonage de patientes complètement normales sans antécédent particulier et sans risque obstétrical. Recrutées au 1er trimestre de la grossesse, elles sont tirées au sort quant au jour où l'échographie est effectuée. Celle-ci n'est faite que pour l'examen biométrique. Le foetus est mesuré une seule fois pour la construction de la courbe, le travail est prospectif et a comme seul but l'étude biométrique. A posteriori, ne sont exclus que les foetus malformés. Suite à ce travail de recueil de données, un travail statistique adapté est utilisé pour que la courbe soit lissée. En 1999, le travail de Kurmanavicius publié dans le British Journal et le travail du Collège Français d'Echographie Foetale (CFEF) mettent en exergue une autre technique de construction de courbe possible : il s'agit de sélectionner parmi une population de plusieurs dizaines de milliers d'échographies quelques milliers de foetus répondant à des critères parfaits de normalité, chaque foetus étant utilisé qu'une seule fois pour le travail.
La grande disparité des courbes qui existent avant 1995 est devenue obsolète. En effet, les courbes du CFEF de Chitty et de Kurmanavicius sont quasi-parfaitement supperposables. Ainsi, la simple observation des courbes permet de choisir indifféremment l'un des 3 groupes d'auteurs pour sa pratique quotidienne.
E - Le seuil
Chaque praticien qui utilise une courbe de référence doit en connaître le seuil. S'agit-il, pour le seuil inférieur, du 3ème percentile, du 5ème percentile ou du 10ème percentile? Pour chaque âge gestationnel, la courbe de référence s'appuie sur une courbe de Gauss. La courbe de référence est donc une succession de seuils choisis. Nous avons l'habitude de travailler sur des seuils au 3ème percentile dans les populations à bas risque. En effet, en utilisant un seuil au 3ème percentile, par définition, 3% de la population sera considérée comme étant hypotrophe. Si le seuil au 10ème percentile est utilisé, 10% de la population sera considérée comme hypotrophe. Dans une population à bas risque, il n'est pas possible d'inquiéter inutilement 10% de la population.
F - Pièges de l'échographie biométrique
Le piège le plus important est de ne pas avoir une date de début de grossesse exacte. Que ce soit une erreur de la patiente, une erreur dans le dossier ou une erreur de calcul de la part de l'opérateur, celle-ci peut avoir des conséquences très dommageables sur notre conduite. Le 2ème piège est de céder à la facilité sans faire l'effort de faire de bonnes coupes ni d'utiliser les périmètres.
G - Estimation de poids foetal
Il y a un intérêt certain à utiliser le minimum de paramètres pour dépister l'hypotrophie. En effet, la difficulté d'interprétation augmente avec le nombre de paramètres. Si l'examen comporte la mesure de 10 paramètres, la probabilité est grande de trouver un de ceux-ci inférieur au seuil de détection de l'hypotrophie. En utilisant qu'un seul paramètre, avec un seuil au 3ème percentile, la probabilité de trouver un foetus hypotrophe n'est par définition que de 3%.
En réalité, chaque paramètre mesuré n'a pas la même pertinence pour dépister
l'hypotrophie. Chaque paramètre doit donc être pondéré. L'estimation de poids
foetal permet de répondre à cette question puisqu'il existe une pondération
mathématique de chaque paramètre utilisé.
Il existe plusieurs centaines de formules d'estimation de poids foetal. Elles
incluent à des degrés divers le périmètre abdominal, le périmètre cranien, le
diamètre bipariétal, le fémur, l'âge gestationnel...
La plupart des auteurs affirment que leur propre formule d'estimation de poids foetal est meilleure que celle qui les a précédés. En réalité, il n'y a pas de formule magique, la performance des formules d'estimation de poids foetal est globalement la même et la précision de la formule ne rattrapera jamais l'imprécision des mesures s'il y en a. L'immense majorité des formules prend en compte de façon majoritaire le périmètre abdominal. L'erreur moyenne de ces différentes formules va de 7 à 11%. L'erreur absolue moyenne est la moyenne des différences entre le poids estimé et le poids réel en valeur absolue dans une population.
La formule d'Hadlock est largement utilisée, elle prend en compte les paramètres les plus usuels :
log10 EPF = 1,326 + 0,0107 PC + 0,0438 PA + 0,158 LF - 0,00326 (PA x LF)
Les mesures sont exprimées en centimètre.
Les variabilités inter-opérateurs et intra-opérateurs de l'estimation de poids foetal sont respectivement de 5 et 3% [Larsen].
La rupture des membranes et l'oligoamnios ne modifient pas les performances de l'estimation de poids foetal entre des mains entrainées [Meyer 1995].
L'estimation de poids foetal est d'autant plus exacte qu'elle se fait à proximité de l'accouchement.
Dans le cadre du dépistage de l'hypotrophie ou de la macrosomie, il existe des courbes d'estimation de poids foetal in utero, ces courbes peuvent être personnalisées selon la taille, le poids, l'ethnie, la parité maternelle et le sexe foetal.
H - Les indices morphométriques
Ils ne sont plus utilisés. Il s'agissait de calculé les indices suivants : PA/fémur ou PA/PC. Leur intérêt essentiel était l'interprétation des données en l'absence de date de début de grossesse connue. Ces indices permettaient ainsi de distinguer les foetus harmonieux des foetus dysharmonieux. Mais nous utilisons aujourd'hui le périmètre cranien pour dater la grossesse. Et nous utilisons l'âge gestationnel associé à l'estimation de poids foetal pour prendre des décisions diagnostics et d'extraction foetale. Ces deux derniers éléments rendent beaucoup mieux compte du pronostic que l'aspect symétrique ou non du foetus. Dans la mesure où la biométrie n'est pas le seul élément intervenant dans une prise de décision d'extraction foetale, si un doute demeure, la vitesse de croissance sera bien plus intéressante que les indices morphométriques.
I - La vitesse de croissance
Cette notion se développe de plus en plus dans la littérature. En effet, en l'absence d'urgence obstétricale, il est intéressant d'avoir deux examens biométriques à au moins 10 jours d'intervalle pour évaluer la vitesse de croissance. Celle-ci est un élément fondamental pour le diagnostic du RCIU et dans une moindre mesure de la macrosomie. Il existe des références de vitesse de croissance, celles-ci nous semblent peu utiles. La visualisation de la croissance foetale sur les courbes de référence nous semble parfaitement suffisante.
II - RETARD DE CROISSANCE INTRA-UTERIN
A - Définition
Il y a deux façons de définir l'hypotrophie foetale [Bobrow 1999]: la première est de considérer comme hypotrophes tous les foetus situés sous le seuil du 3ème percentile, la deuxième ceux ayant une vitesse de croissance insuffisante. La première définition a l'avantage de ne dépendre que d'un seul examen dans le temps mais elle ne rend pas compte de tous les foetus dont la croissance a été insuffisante. De plus elle considère comme hypotrophes des foetus en parfaite santé puisque génétiquement petits. La difficulté de l'examen biométrique est donc de dépister la morbidité.
Je propose donc comme définition :
- Sont hypotrophes les foetus sous le seuil défini de l'hypotrophie,
- Sont en retard de croissance intra-utérin les foetus dont la vitesse de croissance est insuffisante.
Il faut bien distinguer si l'examen est fait pour un foetus à risque d'hypotrophie ou non. En effet, dans une population à risque il est important de privilégier la sensibilité par rapport à la spécificité. Ceci n'est pas vrai dans une population à faible risque. Larsen et Col. ont montré en 1992 dans une population avec une prévalence de 13% d'hypotrophes que l'estimation de poids foetal n'a aucune prédictivité sur la morbidité ni la mortalité. Par contre, les patientes ayant eu l'examen échographique ont été plus souvent hospitalisées sans bénéfice apparent.
Dans une population à bas risque, l'objectif est donc de dépister les quelques rares foetus qui sont malades. Dans une population à haut risque, l'objectif est d'effectuer un diagnostic afin de modifier la conduite obstétricale. L'évaluation de notre examen biométrique fera donc dans le premier cas appel à la sensibilité et à la spécificité. Pour la 2ème population, l'erreur liée à l'estimation de poids foetal nous intéresse plus.
B - Paramètres étudiés dans une population à bas risque
Le paramètre utilisé pour dépister l'hypotrophie doit être suffisant pour évaluer une différence de poids pour un même âge gestationnel mais assez petit pour évaluer à 10-15 jours une croissance.
Comme nous l'avons déjà vu, il est dans notre intérêt de mesurer un minimum de paramètres ou d'effectuer une estimation de poids foetal. Plusieurs études ont établi des courbes ROC pour rechercher le meilleur paramètre dans les populations à bas risque pour le dépistage de l'hypotrophie. Toutes les études ont mis en évidence que le périmètre abdominal est le plus performant des paramètres. Le diamètre abdominal transverse n'a plus de raison d'être effectué. Les différentes formules d'estimation de poids foetal ont des performances équivalentes. Quand on compare l'estimation de poids foetal au périmètre abdominal, ce dernier a exactement la même puissance de dépistage.
Ainsi, dans une population à bas risque, le dépistage de l'hypotrophie foetale doit reposer exclusivement sur le périmètre abdominal. Qu'en est-il de la mesure de la longueur fémorale ? Celle-ci n'est pas intéressante pour le dépistage de l'hypotrophie foetale, nous l'effectuons pourtant à chaque examen échographique car, en cas d'anomalie, l'interprétation de la vitesse de croissance du fémur peut-être très utile.
Qu'en est-il de la mesure du périmètre cranien ? C'est la mesure la moins intéressante des trois mesures effectuées couramment, son intérêt est extrèmement modeste. Nous effectuons pourtant cette mesure systématiquement car elle permet de vérifier l'âge gestationnel, elle peut aussi rentrer dans le cadre d'un calcul d'estimation de poids foetal, elle est bien sûr intéressante dans le pronostic des malformations cérébrales. Quant aux microcéphalies, leur définition est un périmètre cranien inférieur à moins 3 déviations standards. Cette pathologie très rare est donc diagnostiquée d'un point de vue biométrique quant le point obtenu est largement inférieur au seuil de la courbe.
La mesure du diamètre bi-pariétal n'a aucun intérêt en dehors de certaines considérations de mécanique obstétricale. Il reste néammoins la mesure la plus reproductible de toutes. Elles est donc indispensable en période d'apprentissage.
Il est intéressant de savoir que dans une population à bas risque, l'estimation de poids foetal par examen clinique est aussi performante que par examen échographique [Chauhan]. Cette donnée a été confirmée par plusieurs études.
Il est intéressant aussi de savoir que l'échographie effectuée au début du 3ème trimestre n'est pas plus performante que les données anthropologiques maternelles dans une population à bas risque pour prévoir le poids à la naissance [Rogers].
C - Population à risque
Dans une population à risque, la sensibilité doit être privilégiée aux dépends de la spécificité. Ainsi, nous avons pris l'habitude d'utiliser le seuil du 10ème percentile pour dépister l'hypotrophie foetale dans cette population. Nous faisons alors largement appel à l'estimation de poids foetal. Celle-ci rentre dans les éléments à prendre en compte pour une décision d'extraction foetale.
Dans une population à haut risque, l'estimation de poids foetal est plus performante que le périmètre abdominal pris de façon isolé pour dépister l'hypotrophie [Chang, 1992]. Plusieurs auteurs ont mis au point des formules d'estimation de poids foetal dédiées aux hypotrophes. Nous avons pû montrer dans une étude menée à Port Royal que la formule d'estimation de poids foetal d'Hadlock qui a été étudiée dans une population générale est tout aussi performante que les formules d'estimation de poids foetal spécifiques. L'erreur absolue moyenne est de 9%. Récemment, Bohado-Singh a montré que le pronostic néonatal des nouveaux-nés de très petit poids était dépendant de leur âge gestationnel et de leur périmètre abdominal ou de leur estimation de poids foetale.
Deux nouvelles notions sont apparues dans la littérature : il s'agit des courbes de croissance ajustées selon la taille, le poids, l'ethnie et la parité maternelle et le sexe foetal [Gardosi] ; l'autre est l'étude des vitesses de croissance [Owen].
Les courbes de croissance ajustées permettent de mieux rendre compte de la morbidité et de la mortalité liées à l'hypotrophie foetale.
La vitesse de croissance, quant à elle, est bien corrélée à l'épaisseur de la peau et à l'index pondéral et d'un point de vue pratique elle est bien corrélée au taux de césariennes et de transferts en pédiatrie.
Ainsi, il est aujourd'hui clair dans la littérature qu'on ne peut pas se contenter d'un point sur une courbe pour dépister l'hypotrophie mais plutôt d'une vitesse de croissance ou d'un point sur une courbe ajustée pour dépister la morbidité qui lui est liée.
Enfin, quelle est la probabilité de faux positifs de retard de croissance intra-utérin ? Seul Mongelli a fait une étude mathématique sur la probabilité d'observer une vitesse de croissance nulle entre deux examens chez un foetus ayant un développement normal. Ainsi pour deux opérateurs différents à deux semaines d'intervalle, la probabilité de trouver une vitesse de croissance nulle est de 17% au début du 3ème trimestre de la grossesse.
III - LES JUMEAUX
Le dépistage de l'hypotrophie fait appel à trois moyens différents :
- La recherche d'une différence de croissance entre les deux jumeaux,
- le report des mesures biométriques sur une courbe adaptée aux jumeaux,
- le report des mesures biométriques sur une courbe adaptée aux singletons.
Ainsi, des auteurs ont cherché à prévoir la discordance de croissance entre les jumeaux dans le but de dépister le retard du plus petit. La plupart des auteurs se sont accordés pour une différence de 15% comme seuil de dépistage. Cette méthode ne permet de dépister un retard que chez un des deux jumeaux ; ainsi DIVON et al (7) ont associé l'étude du doppler ce qui permet une meilleure approche.
Aucune étude ne compare les performances d'examen biométrique reportés sur une courbe de jumeaux ou de singleton. Les auteurs supposent simplement qu'il est naturel d'utiliser l'une ou l'autre courbe suivant un argumentaire propre. Quant à nous, il nous semble primordial de considérer la population des grossesses gémellaires comme une population à risque où le dépistage de l'hypotrophie n'accepte pas de faux négatif. Nous donnons priorité à la sensibilité au détriment de la spécificité. Il est préférable en effet d'être confronter à des faux positifs, la seule conséquence étant une surveillance plus rapprochée. Ainsi la même courbe est utilisée pour les singletons et les jumeaux.
CHORIONICITE
La plupart des études qui ont été effectuées portent sur de petits effectifs alors même que la chorionicité est inconnue. Le syndome transfuseur-transfusé doit, quant à lui, être bien individualisé car la différence de croissance observée chez ces jumeaux a une étiologie bien particulière. De façon plus générale, la grossesse monochoriale est associée à un poids de naissance plus faible et une différence de poids entre les jumeaux plus importante. NAEYE et al (15) et ANANTH et al (1) ont publié des courbes de poids de naissance des jumeaux en fonction de leur chorionicité. L'étude de NAYE a été publiée en 1966, elle est donc probablement dépassée du fait de l'amélioration des soins médicaux et de la meilleure nutrition maternelle aux Etats-Unis. L'étude de ANANTH montre qu'il existe une différence de poids entre les foetus monochoriaux et les foetus bichoriaux, cette différence est significative, elle est de 66 g.
PARTICULARITE DE LA CROISSANCE DES JUMEAUX.
De nombreux auteurs ont établi des courbes de croissance pour les jumeaux (8,16). Dans l'examen attentif des différentes courbes publiées dans la littérature, on observe une différence de croissance entre les jumeaux et les singletons à partir de 30 semaines (10, 17). Cette différence devient parfaitement visible à 35 (11). La vitesse de croissance chez les singletons est d'environ 250 g par semaine à 33 semaines alors qu'elle n'est que de 175 g par semaine à 31 semaines pour les jumeaux. Après 31 semaines, le poids des jumeaux décroit progressivement sous celui des singletons, ainsi le 10ème percentile des singletons correspond à 38 semaines au 50ème percentile des jumeaux. Après 39 semaines, KIELY (9) avait noté des jumeaux avec un poids de naissance inférieur à ceux nés juste avant cette date. Il concluait que la grossesse chez les jumeaux s'arrête probablement à 39 semaines. Toute la question est de savoir si le ralentissement de croissance observé généralement chez les jumeaux correspond à un ralentissement physiologique ou pathologique. Ce qui frappe à la lecture de la littérature internationale, c'est l'absence de données sur l'état des nouveaux-nés et la possible pathologie maternelle pouvant influer sur la croissance foetale. Aucune étude n'élimine clairement de sa population les prééclampsies au sens large. Ainsi nous pouvons nous interroger à propos des interactions materno-foetales sur la croissance. La grossesse gémellaire est un facteur de risque important pour la santé de la mère. L'hypothèse selon laquelle la croissance des foetus, même plus petits, serait régulière en l'absence de complication obstétricale, n'a pas été infirmée.
ESTIMATION DE POIDS FOETAL
Contrairement aux grossesses uniques, les grossesses multiples n'autorisent pas une estimation clinique du poids foetal. L'échographie est confrontée à plusieurs difficultés en fin de grossesse :
- la fréquence importante des présentations basses rendant la mesure du pôle céphalique parfois aléatoire,
- l'intrication des jumeaux nécessitant une bonne appréhension de l'espace pour obtenir les coupes parfaites,
- la fréquence de l'hypotrophie foetale.
Pour certains auteurs cela nécessite une formule d'estimation de poids foetal spécifique. LYNCH (14), à propos de 518 grossesses gémellaires, montre que l'estimation de poids foetal est aussi précise chez les jumeaux que dans les grossesses uniques. Bien sûr un auteur a rechercher une formule d'estimation de poids foetale spécifique au jumeaux, mais il ne teste pas cette formule dans une population de singleton et cette formule n'a pas été reprise dans d'autres travaux (15 bis). Par ailleurs, plusieurs travaux sont parus à propos d'hypotrophes où la formule d'Hadlock est très performante renforçant les conclusions de LYNCH. La formule de Hadlock est ainsi parfaitement adaptée à cette population particulière. Dans notre équipe quand la mesure du pôle céphalique n'est pas possible du fait des conditions particulières de la grossesse gemellaire, nous utilisons la formule de cet auteur faisant exclusivement appel au fémur et au périmètre abdominal.
CONCLUSION
La croissance des jumeaux doit être abordée avec les mêmes raisonnements que pour une population de singletons à risque d'hypotrophie. Il ne faut pas se contenter de justifier une insuffisance de croissance par un "entassement". En cas de décision d'extraction foetale pour hypotrophie de l'un des jumeaux nous précipitons l'autre dans la prématurité. L'amélioration des soins pédiatriques nous pousse en effet à toujours joué la carte des deux jumeaux vivants.